« secouer », définition dans le dictionnaire Littré

secouer

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

secouer

(se-kou-é), je secouais, nous secouions, vous secouiez ; que je secoue, que nous secouions, que vous secouiez v. a.
  • 1Remuer fortement et à plusieurs reprises. Secouer une porte. Son cheval l'a un peu secoué. Le vent secoue les arbres. Secouer un tapis, une robe. La maladie se joue de nos corps : là elle étend, là elle retire, là elle relâche, là elle engourdit ; là elle cloue un corps perclus et immobile, là elle le secoue tout entier par des tremblements, Bossuet, Sermons, Résur. dern. 2. L'Amour, qui vit changer son triomphe en une honteuse défaite, s'éleva au milieu des airs en secouant ses ailes, Fénelon, Tél. VII. Minerve-Papillon, le hibou à qui vous avez fait l'honneur d'écrire a été enchanté de votre souvenir ; il en a secoué ses vieilles ailes de joie, Voltaire, Lett. à Mme de Saint-Julien, 3 mars 1769.

    Fig. Ouvrons, comme lui [le Romain], les portes de nos temples [pour une déclaration de guerre] ; qu'un ambassadeur se transporte sur la frontière ennemie, et qu'il y secoue la guerre du pan de sa robe, au son de la trompette du héraut qui l'accompagnera, Raynal, Hist. phil. X, 14.

    Absolument. Cette voiture secoue beaucoup.

    Il ne l'a guère tenu, mais il l'a bien secoué, se dit de ceux qui maltraitent quelqu'un.

  • 2Secouer la tête, faire un mouvement de tête par refus, par improbation, par doute. [L'âne] Content de ses chardons, et secouant la tête : Ma foi, non plus que nous, l'homme n'est qu'une bête, Boileau, Sat. VIII. Son billet que je lus, en secouant la tête, à l'endroit où il me recommandait le silence, Marivaux, Marianne, 6e part. À ce discours, tous les philosophes secouèrent la tête, Voltaire, Micr. 7.

    Fig. Secouer les oreilles, ne tenir compte de quelque chose, s'en moquer.

    Se dit aussi d'un homme qui ne veut point accorder ce qu'on lui demande. À cette proposition il secoua l'oreille, les oreilles.

    Fig. et familièrement. Il ne fait qu'en secouer les oreilles, se dit d'un homme qui, éprouvant quelque accident fâcheux ou recevant quelque affront, témoigne n'y être pas sensible.

    Fig. Il n'y a qu'à secouer un peu l'oreille et cela est passé, se dit en parlant d'une petite peine qu'on oublie bientôt.

  • 3Secouer la poussière, faire tomber la poussière de dessus quelque chose. Secouer la poussière d'un habit. [Le hibou] De ses ailes dans l'air secouant la poussière, Boileau, Lutr. III. Oui, je secouerai la poussière Qui ternit ses nobles couleurs [du drapeau tricolore], Béranger, Drapeau.

    Secouer la poussière de ses souliers, ôter la poussière qui les couvre, et fig. s'en aller avec indignation, douleur, affliction. Secouez, en sortant de cette maison ou de cette ville, la poussière de vos pieds, Sacy, Bible, Evang. St Matthieu X, 14. Eloignez-vous de celles-ci [les sœurs qui ne sont pas suffisamment fidèles à leurs obligations] ; secouez même contre elles la poussière de vos pieds, comme parle l'Évangile, Bossuet, Lett. Corn. 149. Comme lui [le voyageur], de nos pieds secouons la poussière ; L'homme par ce chemin [la vie] ne repasse jamais, Lamartine, Médit. VI.

  • 4Se défaire, s'affranchir de quelque chose par un mouvement violent. Ce taureau a secoué le joug.

    Fig. Secouer le joug, s'affranchir violemment d'une autorité qui pèse. Ils [les Machabées] secouèrent le joug des rois de Syrie, qui les persécutaient pour leur religion, Bossuet, 5e avert. 24. Quand on veut secouer le joug de l'autorité divine, et ne régler ses sentiments, non plus que ses mœurs, que par sa raison égarée, Bossuet, Hist. II, 13. Personne n'ignore comme, au seizième siècle, la moitié de l'Europe, lassée des crimes d'Alexandre VI, de l'ambition de Jules II, des extorsions de Léon X… secoua enfin le joug appesanti depuis longtemps, Voltaire, Fragm. sur l'hist. XX.

    On dit de même : secouer les chaînes. Il se fait une très grande révolution dans les esprits en Italie et en Espagne ; le Nord entier secoue les chaînes du fanatisme, Voltaire, Lett. Le Riche, 1er mars 1768.

    Secouer le joug des passions, les refréner, les dompter.

    Il se dit aussi de tout ce qui est regardé comme pesant, gênant, et qu'on écarte. Le moine secoua le cilice et la haire, Boileau, Lutr. VI. Mon cœur, enivré d'une folle passion, secouait presque toute pudeur, Fénelon, Tél. IV. Tandis qu'il se croit plus libre en secouant l'obéissance qu'il doit à Dieu seul … il multiplie ses maîtres, Massillon, Carême, Lazare. Je vous aime tendrement, surtout quand vous secouez avec moi votre paresse, Voltaire, Lett. Thibouville, 26 nov. 1777.

    Il signifie aussi écarter par un effort de l'âme. Secouons, s'il se peut, de mon âme l'impression que cet enfant y a faite, Diderot, Père de famille, II, 5. Le poëte… cherche… S'il pourra de sa tête apaiser les orages, Et secouer le dieu qui fatigue son sein, Chénier, l'Invention, V. 345.

  • 5 Fig. Donner une commotion morale. Mes événements sont incroyables ; vous en savez une partie, et assurément vous avez cru qu'il ne pouvait plus m'arriver rien qui secouât davantage mon âme, Galiani, Lett. à Mme d'Épinay, 25 juill. 1778.
  • 6 Fig. et familièrement. Réprimander, gronder. Son père l'a secoué d'importance. Il [le jeune Grignan] n'est que trop sage et trop posé ; il faut le secouer par des plaintes injustes, Sévigné, 9 juin 1680.

    Populairement. Secouer les puces à quelqu'un, le battre.

  • 7Il se dit des maladies qui remuent tout le corps et tourmentent beaucoup. Cette maladie l'a bien secoué.

    Être bien secoué, passer par une maladie qui tourmente beaucoup. Si mon état continue, adieu les tragédies ; j'ai été vivement secoué, et j'ai la mine d'aller trouver Sophocle, avant de faire comme lui des tragédies à quatre-vingts ans, Voltaire, Lett. d'Argental, 22 oct. 1766.

  • 8Se secouer, v. réfl. Se remuer fortement pour faire tomber quelque chose qui incommode.

    Fig. et familièrement. Il faut se secouer, il faut prendre de l'exercice, se donner du mouvement. Amusez-vous, secouez-vous, occupez-vous, Voltaire, Lett. d'Argental, 30 déc. 1774.

    Il faut se secouer, signifie aussi : il faut agir dans cette affaire, il ne faut pas rester oisif.

  • 9 Familièrement. Se secouer, ne pas se laisser aller à son malaise, ne pas s'écouter.

HISTORIQUE

XIVe s. En eux ainsi sequeuant et joant cortoisement, Du Cange, succusatio.

XVe s. Il fut percé au bras tant que la lance se tint dedans son bracelet ; mais il la secout [secoua] tantost sur le sablon, Monstrelet, t. II, p. 110, dans LACURNE. Lors commencerent à secourre la neige et le gresil jus de leurs haulbertz, Perceforest, t. IV, f° 33. Quant l'esperit veit ce, il print à secourre l'arbre comme pour le hocher jus ; et lors fust le chevalier tumbé sur la roche, s'il ne se fust tenu à une branche, ib. f° 127.

XVIe s. De mauvais garsons… lesquels ne cessoient faire mille insolences… si que, ung soir, les compaignons de la ville les rencontrarent qui leur secouirent bien leur pellisson, Bonivard, Chr. de Genève, II, 32. Pour eux tombe en abondance Le glan des chesnes secous, Ronsard, 921. Adonc commencerent les bœufs à se debattre, et à secouer leurs testes, et, en ce faisant, se couvrirent de feu les uns les autres de plus en plus, Amyot, Fab. 17. Il luy osta la dague qu'elle portoit, et secoua ses habillemens, de peur qu'elle n'eust dedans quelque poison caché, Amyot, Anton. 102. Ce que je considere, je l'usurpe, une sotte contenance… une forme de parler ridicule ; les vices plus ; d'autant qu'ils me poignent, ils s'accrochent à moy, et ne s'en vont pas sans secouer, Montaigne, III, 356. Comme les pals s'enfoncent plus avant et s'affermissent en les branslant et secouant, Montaigne, I, 275.

ÉTYMOLOGIE

Wallon, heûre ; namur. cheûre ; norm. escouer ; provenç. secodre, socodre ; catal. espagn. et portug. sacudir ; du lat. succutere, de sub, sous, et un radical cutere, frapper. L'infinitif secorre est régulier, du latin succutere ; le participe secous l'est aussi, de succussus. Quant à secouer, il ne l'est pas ; il est probablement une altération pour secouir (comme puer pour puir), qui serait la forme correspondante aux autres langues romanes.