« vache », définition dans le dictionnaire Littré

vache

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

vache

(va-ch') s. f.
  • 1La femelle du taureau. Traire les vaches. Le roi revient aujourd'hui à la Fère… au moins, si l'on n'a pas pris beaucoup de villes, on a bien tué des vaches et des poules à de pauvres gens qui sont innocents, Patin, Lett. t. II, p. 197. Et qui m'empêchera de mettre en notre étable, Vu le prix dont il est [le cochon vendu], une vache et son veau ? La Fontaine, Fabl. VII, 10. La vache est à dix-huit mois en pleine puberté, et le taureau à deux ans, Buffon, Quadrup. t. I, p. 197. On dit que les vaches noires sont celles qui donnent le meilleur lait, et que les blanches sont celles qui en donnent le plus, Buffon, ib. t. I, p. 214. Un paysan suisse qui se croyait le plus riche des hommes, et à qui l'on tâchait d'expliquer ce que c'était qu'un roi, demandait d'un air fier si le roi pourrait bien avoir cent vaches à la montagne, Rousseau, Ém. IV.

    Fig. Voir vaches noires en bois brûlé, se forger d'agréables chimères, comme un vacher qui, se chauffant au feu, y croit voir des vaches noires qui sont réputées les meilleures (locution vieillie).

    Fig. Chercher vache noire en bois brûlé, chercher une chose impossible ou très difficile à trouver (locution vieillie).

    Vache laitière, vache beurrière, vache fromagère, vache nourrie à l'effet d'en tirer du lait, du beurre, du fromage.

    On disait que les soldats couraient la vache, quand ils allaient à la picorée, à la maraude.

    Ranz des vaches, voy. RANZ.

    Roux comme une vache, très roux.

    Poil de vache, poil roux.

    Vache rousse, vache dont le sacrifice était ordonné aux Juifs, afin de faire de ses cendres une eau d'expiation destinée à purifier ceux qui seraient souillés par l'attouchement d'un mort.

    Les sept vaches grasses et les sept vaches maigres, vaches grasses et maigres que le roi d'Égypte vit en songe, et qui, d'après l'interprétation de Joseph, annoncèrent sept années d'abondance et sept années de disette.

    Populairement, pleurer comme une vache, pleurer abondamment. Qu'il tremble de peur comme un lâche ; Qu'il en pleure comme une vache, Scarron, Virg. IV.

    Fig La vache est à nous, nous avons gagné, nous sommes les maîtres, nous sommes sûrs de réussir. S'il ne tient qu'à battre, la vache est à nous, Molière, Méd. malgré lui, I, 5.

    Porter à la vache morte, se dit dans un jeu d'enfants, quand on porte quelqu'un sur son dos avec la tête pendante en bas.

    Terme de manége. Ce cheval rue en vache, il rue du pied de derrière en le jetant en avant, comme s'il voulait se frapper le ventre.

    Se coucher en vache, se dit d'un cheval qui appuie le coude sur la partie de dedans.

  • 2Se dit, par extension, de la chair même de l'animal préparée pour servir d'aliment. Les Indiens haïssent les mahométans parce qu'ils mangent de la vache ; les mahométans détestent les Indiens parce qu'ils mangent du cochon, Montesquieu, Esp. XXIV, 22.

    Fig. Il mangera de la vache enragée, il sera réduit à manger même de la viande d'une vache mordue et devenue enragée, il éprouvera beaucoup de privations et de fatigues. Nous avons voyagé ensemble et mangé de la vache enragée, Lesage, Guzm. d'Alf. v, 1.

  • 3Le plancher des vaches, la terre, par opposition à l'eau, à la mer. Il n'est rien tel, rien de tel que le plancher des vaches. Loin du benoît plancher des vaches, Scarron, Virg. v.

    Le pavé des vaches, même sens. Il verra M. de Seignelai dans son bord, M. le maréchal d'Estrées sur le pavé des vaches à Brest, Sévigné, 30 juill. 1689.

  • 4 Fig. et familièrement. Parler français comme une vache espagnole, parler très mal français.

    En ce sens, vache est, dit-on, une corruption de basque (dont un ancien nom est vace). Comme il y a des Basques en Espagne et d'autres en France, on a dit d'abord : Parler français comme un Basque espagnol ou comme une Basque espagnole, Legoarant

  • 5Vache à lait, vache à laquelle on a enlevé son veau, et dont le lait est employé pour les besoins de l'homme.

    Figurément et familièrement, vache à lait, se dit d'une personne et, par extension, d'une chose dont on tire un profit continuel. Cette affaire est une vache à lait pour ce procureur. Ce monsieur Fleurant-là et ce monsieur Purgon s'égaient bien sur votre corps ; ils ont en vous une bonne vache à lait, Molière, Mal. im. I, 2. Cet homme-là fait de vous une vache à lait, Molière, Bourg. gent. III, 4. Un homme riche est toujours gracieusé des grands, quand il se rend leur vache à lait, Lesage, Diable boit. 19. Je jugeai par là que le public était une bonne vache à lait qui se laissait aisément traire, Lesage, Gil Bl. VII, 13.

  • 6Bassement et par moquerie. C'est une vache, une vraie vache, une grosse vache, se dit d'une femme qui a trop d'embonpoint.

    Elle devient vache, elle prend trop d'embonpoint.

  • 7Se dit aussi d'une nourrice qui a beaucoup de lait. Elle a du lait comme une vache. C'est une vraie vache. Ce fut un plaisir de la voir téter ; elle n'avait jamais tété de cette sorte ; sa nourrice avait peu de lait ; celle-ci en a comme une vache, Sévigné, 8 avril 1671.
  • 8Peau de vache corroyée et dont on fait des chaussures, des harnais, etc. Des souliers de vache. Vache d'Angleterre. Vache de Russie. Vache de pays.

    Vache à grain, cuir de vache dont la superficie est devenue grenue par l'effet de différents apprêts.

    Souliers de vache retournée, souliers faits avec de la peau de vache dont a mis en dehors le côté qu'on a coutume de mettre en dedans.

  • 9 Par dénigrement, la vache à Colas, le protestantisme. Il est de la vache à Colas.
  • 10Panier revêtu de cuir, qu'on place sur les voitures de voyage et qui a les dimensions de l'impériale. Mettre des habits dans la vache.

    On donne quelquefois le nom de vache au seul couvercle de cuir qui ferme le grand coffre de l'impériale.

  • 11 Terme de marine. Placer un canon en vache, le serrer le long du bord du bâtiment.

    Nœud de vache, nœud plat qui se trouve manqué.

  • 12Dans les salines, pile ou meulon de sel.
  • 13Vache ou biche de Barbarie, l'antilope bubale.

    Vache blanche, l'antilope cervicapre.

    Vache grognante ou de Tartarie, le yak.

    Vache marine, le morse, le lamantin, le dugong.

  • 14Dans les Vosges, vache, nom vulgaire de l'agaric lactiflue doré de Hoffmann, et vache blanche, nom vulgaire de l'agaric poivré.
  • 15Vache est le nom spécifique d'un insecte coléoptère, l'anthophage vache.

    Vache à Dieu ou bête à bon Dieu, la coccinelle.

  • 16Les marchands appellent vache le triton fémoral et la turbinelle rhinocéros, laquelle est dite aussi rhinocéros (mollusques).
  • 17 En termes d'imprimerie, les vaches, les cordes qui arrêtent le train de la presse ; elles s'arrêtent au coffre et à l'assemblage de derrière.
  • 18 Terme de chasse. Vache artificielle, machine qui sert à la chasse aux perdrix.
  • 19 Terme rural. Cadre en bois servant au battage des grains.
  • 20 Terme de métallurgie. Branloire d'un soufflet.
  • 21Blé des vaches, mélampyre.

    Arbre à vache, le galactodendrum.

  • 22Côtes de vache. Ils [les fers fendus] se vendent communément en hottes, et servent à des travaux grossiers, tels que fantons et côtes de vache, que l'on place sur les entretoises afin de faciliter le hourdis du plancher, Ch. Garnier, Monit. univ. 10 août 1867, p. 1093, 2e col.

PROVERBES

Quand chacun fait son métier, se mêle de son métier, les vaches sont bien gardées, toutes choses vont bien lorsque chacun ne se mêle que de ce qu'il doit faire.

Bonhomme, garde ta vache, se dit pour avertir quelqu'un de prendre garde qu'on ne le trompe, ou pour le railler de ce qu'il s'est laissé attraper.

Il a pris, il a eu la vache et le veau, se dit d'un homme qui a épousé une femme grosse d'un enfant dont il n'est pas le père.

Le diable est aux vaches, le diable est bien aux vaches, il y a du vacarme, du désordre, de la brouillerie.

C'est le grand chemin des vaches, se dit pour exprimer qu'une chose est connue, publique, commune.

La vache a bon pied, se disait chez les sergents et les procureurs, quand ils avaient fait une saisie dans une maison où il y avait moyen de payer.

Il est sorcier comme une vache, il n'y a point de sortilège, d'habileté dans ce qu'il fait.

Une vache ne sait que lui vaut sa queue, jusqu'à ce qu'elle l'ait perdue.

Il viendra un temps où les vaches auront affaire de leur queue, on peut avoir besoin quelque jour de ceux qu'on néglige.

Aussitôt meurt veau que vache, les jeunes sont comme les vieux exposés à mourir.

Il mourrait plutôt la vache d'un pauvre homme, se dit d'une personne peu recommandable qui est revenue d'une maladie grave.

Il est bon à vendre vache foireuse, se dit d'un homme qui dit sans rire et sérieusement des choses plaisantes.

Qui mange la vache du roi, à cent ans de là en paye les os.

REMARQUE

La vache à Colas. On prétend que, au village de Bionne près Orléans, il y avait un prêche, qu'un jour la vache d'un nommé Colas Pannier y entra et fut tuée et mangée par les calvinistes. De là procès et condamnation des huguenots à payer le prix de la vache, Vasse, le Légat [legs] de la vache à Colas, p. 8. L'aventure passa en dicton ; les catholiques et les protestants se l'appliquèrent. Les protestants rejetèrent la vache à Colas sur les catholiques, comme on le voit par le titre de cette chanson : Chanson fausse [mensongère] faite par un certain calomniateur touchant la vache à Colas, laquelle il dit avoir été massacrée par les huguenots dans leur prêche, Vasse, ib. p. 2. Dans le Légat de la vache à Colas, qui est une satire protestante, la vache à Colas est catholique : Pour solennellement Faire mes funérailles, Je laisse entièrement Mes boudins et tripailles Au clergé de la France, Dont on fait si grand cas, Pour avoir souvenance De la vache à Colas, Vasse, ib. p. 30. Mais définitivement les catholiques l'emportèrent dans le dicton, et la vache à Colas est restée l'appellation des protestants. L'Estoile, Journ. du règne de Henri IV, nous apprend, septembre 1605, que, le 10 de ce mois, il fut défendu, sur peine de la hart, de chanter à Paris la chanson de Colas, à cause des grandes querelles qui en arrivaient tous les jours.

HISTORIQUE

XIIe s. Ne remist [resta] buef ne vache ne chapuns ne geline…, Th. le mart. 120.

XIIIe s. Tuit li menestrel audit mestier peut ouvrer de vache ou de buef, et de cheval, et de ane et de veel, Liv. des mét. 164. Vingt paires de sollers de vache, Rutebeuf, 229. Ne jamais nuns ne s'entremete De bareteir, que il ne sache Que baraz li rendra la vache, Rutebeuf, 287.

XIVe s. Si vault donc mielx les assaillir, En assaillant tretouz mourir, Que com vaches cy nous estandre, Liv. du bon Jeh. 2332.

XVe s. Lesquelz se prindrent à jouer aux vaches, au plus de blanches ou de noires, Du Cange, vacca. Je veuil avoir mon enfant ; vostre maistre aura la vache, mais j'aurai le veau, Louis XI, Nouv. XXII.

XVIe s. Par dieu, Panurge le veau, Panurge le plourart, Panurge le criart, tu feroys beaucoup mieulx nous aydant ici que là plourant comme une vache, Rabelais, IV, 19. Une vache avec un pet en abatroit plus de six brasses [des murs de Paris], Rabelais, II, 15. Ladite platte forme sert pour mettre de grands monceaux de sel qu'ils appellent vaches de sel, Palissy, 253. Les moutons d'or de France, la vache de Foix, la toison d'or d'Espagne, monnoies qu'on void encores de nos ancestres, De Serres, 258. Les bœufs de labourage paistront avec les vaches brehaignes ; les vaches pleines seront separées d'avec celles à laict, De Serres, 281. Qui se mesle de autruy mestier, il trait sa vache en un panier, Cotgrave Qui ne retire de sa vache que la queue ne perd pas tout, Cotgrave Il est advis à vieille vache qu'elle ne fut oncques veau, Leroux de Lincy, Prov. t. I, p. 204. Ouaille cornue et vache pançue, ne la change et ne mue, Leroux de Lincy, ib. Ru de vache, certain mouvement de jambe dans les danses du VIe siècle.

ÉTYMOLOGIE

Picard, vake ; wallon, vag ; Berry, ah ! il a eu nouvelles de ses vaches, se dit d'une personne qui est prise tout à coup de gaieté ; prov. et esp. vaca ; ital. vacca ; du latin vacca, vache ; sanscrit vaçā, vache, rattaché au védique, vāçati, mugir.

SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIRE

VACHE. Ajoutez :
23 Terme de concours. Vache de bande, vache choisie parmi cinq ou six bêtes déjà choisies comme une élite. Les vaches de bande achetées pour Paris sont choisies parmi les plus belles espèces des provenances auxquelles appartiennent les meilleurs bœufs, A. Husson, les Consommations de Paris, p. 137.
24 Dans le quartier de Cette, nom d'un filet traînant pour la pêche, Statistique des pêches maritimes, 1874, p. 115.
25 Fig. et populairement. Etre vache, n'être qu'une vache, être mou, paresseux.