« vif », définition dans le dictionnaire Littré

vif

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

vif, vive

(vif, vi-v') adj.
  • 1Qui est en vie. Ayant ouvert la poitrine d'un animal vif, Descartes, Fœtus, 2. Mais que vif aux enfers je sois précipité, Si jamais je consens à cette lâcheté, Mairet, Sophon. IV, 3. D'un loup écorché vif appliquez-vous la peau Toute chaude et toute fumante, La Fontaine, Fabl. VIII, 3. Marie-Thérèse, aussitôt emportée que frappée par la maladie, se trouve toute vive et tout entière entre les bras de la mort sans presque l'avoir envisagée, Bossuet, Mar. - Thér. Ces voleurs, remarquant que j'étais plus mort que vif, me protestèrent, pour me rassurer, qu'ils ne me feraient aucun mal, Lesage, Est. Gonz. 8. Cinquante-neuf chevaliers [du Temple] furent brûlés vifs à Paris, à la porte Saint-Antoine, Voltaire, Hist. parl. 4. Les amants de ces princesses [les femmes des trois fils de Philippe le Bel] furent condamnés à un nouveau genre de supplice ; on les écorcha vifs ; quels temps ! et nous nous plaignons encore du nôtre ! Voltaire, Mœurs, 75.

    Poétiquement et fig. Une mort toujours vive, la damnation éternelle. Amoureux d'une vie ingrate et fugitive, Ils acceptent pour l'âme une mort toujours vive, Où, mourant à toute heure et ne pouvant mourir, Ils ne sont immortels que pour toujours souffrir, Corneille, Imit. III, 12.

    Par plaisanterie, imprimé tout vif, se dit d'un homme qui se voit imprimé ou qu'on voit imprimé, sans qu'il s'attendît beaucoup à l'être. Quand il a su que j'étais imprimé tout vif, Beaumarchais, Barb. de Sév. I, 2.

    Chair vive, se dit, dans un corps vivant, par opposition à chair morte. Couper jusqu'à la chair vive.

    Cheveux vifs ou naturels, cheveux tels qu'ils ont été coupés sur la tête.

    Haie vive, voy. HAIE, n° 1.

    Terme d'eaux et forêts. Une forêt est vive quand elle a de beaux et grands arbres.

    Bois vif, se dit des arbres qui donnent des branches et des feuilles, par opposition à bois mort.

    Arbre vif, celui qui est sans défaut et qui doit produire 60 planches (Lorraine).

    Terme de chasse. Une forêt, une garenne est vive, quand elle renferme beaucoup de bêtes fauves.

    Plaine vive, plaine où il y a beaucoup de gibier.

    Vive pâture, voy. PÂTURE, n° 4.

  • 2 Fig. Il se dit de choses auxquelles on prête le titre de vif ou vivant, en raison de quelque qualité.

    Eau vive, eau qui coule de source. Car ainsi que d'un mont tombent de vives eaux…, Hugo, Voix intér. IX.

    Eau vive se dit aussi d'une eau qui est trop crue. Les eaux trop vives sont malsaines.

    Vive eau, grande marée. Je suis bien aise d'apprendre que vous espérez faire sortir à cette vive eau tous les bâtiments armés, Seignelay à Hubert, 7 août 1678, dans JAL. Les navires d'un tirant d'eau de 3m,90 à 4m peuvent entrer dans le port de Lannion, à haute mer de vive eau ; mais, à haute mer de morte eau, il ne peut entrer que les petits bâtiments de 2m à 2m,50 au plus de tirant d'eau, E. Grangez, Voies navig. de Fr. p. 265.

    Substantivement. Le vif de l'eau, la haute eau d'une marée.

    Force vive, voy. FORCE, n° 16.

    Roche vive, roche dont la surface n'a pas été altérée.

    Le roc vif, ce qui forme le roc même, par opposition à la terre, au sable qui le recouvre. Ce chemin, taillé de main d'homme dans le roc vif à une hauteur considérable au-dessus de la rivière, est un ouvrage admirable, Saussure, Voy. Alpes, t. IV, p. 138.

    Vif fonds, terre qui n'a pas été remuée. Vers 1840, il a été procédé… au curage à vif fond du Mardyck, E. Grangez, Voies navig. de France, p. 363.

    Curer les fossés à vif fond, vif bord, les curer en les tenant dans leur profondeur et leur largeur réglementaires.

    Vive arête, le tranchant des angles de la pierre, du bois, etc. lorsqu'ils ne sont ni écornés ni émoussés. Une poutre à vive arête.

    Chaux vive, chaux qui n'a point été imprégnée d'eau.

    Dartre vive, dartre qui paraît très enflammée.

    Terme de métallurgie. Vives fontes, fontes vives, fontes qui, une fois en liquéfaction, se tiennent liquides très longtemps.

    Terme de marine. Œuvres vives d'un vaisseau, les parties qui trempent dans l'eau.

  • 3Qui a beaucoup de vigueur, d'activité, en parlant des personnes ou des animaux. Cheval vif. Celui-ci [Condé] plus vif, mais sans que son feu eût rien de précipité, Bossuet, Louis de Bourbon. Il est cruel pour un homme aussi vif que je le suis, de lire neuf volumes entiers [la Clarisse de Richardson] dans lesquels on ne trouve rien du tout, Voltaire, Lett. Mme du Deffant, 12 avr. 1760. De tous les sots, les plus vifs sont les plus insupportables, Duclos, Consid. mœurs, 13. Peut-être y a-t-il plus d'esprit chez les gens vifs que chez les autres ; mais aussi ils en ont plus besoin, Duclos, ib. [L'écureuil] est propre, leste, vif, très alerte, très éveillé, Buffon, l'Écureuil. Les caractères vifs, sur lesquels glissent les peines légères, sont ceux qui résistent le moins aux grands dangers, Bernardin de Saint-Pierre, Paul et Virg.

    Avoir le sentiment vif, les sens vifs, être fort sensible à l'impression des objets extérieurs.

    Avoir les passions vives, les sentiments vifs, avoir l'âme extrêmement sensible, avoir les passions violentes.

    Avoir l'esprit vif, l'imagination vive, concevoir, produire promptement et facilement.

  • 4Qui sent vivement. Très reconnaissante des services, elle aimait à prévenir les injures par sa bonté ; vive à les sentir, facile à les pardonner, Bossuet, Duch. d'Orl. Toujours vive pour ce grand prince [Louis XIV], toujours jalouse de sa gloire, Bossuet, Mar.-Thér. Plus vous êtes vif pour le monde et pour ses faux plaisirs…, Massillon, Carême, Pécheresse. Toujours éloquents à décrier le monde, toujours plus vifs à l'aimer, Massillon, Orais. fun. Dauphin.

    Être vif, s'impatienter, s'emporter facilement.

    On dit aussi en ce sens-là : vif comme la poudre, comme le salpêtre.

  • 5Vif sur, prenant grand intérêt à, se passionnant pour. Je n'ai jamais vu un si bon homme [que le Camus], ni plus vif sur tout ce qui vous regarde, Sévigné, 29 janv. 1672. Ne soyez point si vive sur des riens, Sévigné, 14 juin 1677. Magneux et Aubry, vifs sur notre affaire, étaient par là devenus odieux au premier président, Saint-Simon, 21, 248. Ce sont des cœurs tranquilles et paresseux qui ne sont vifs sur rien, Massillon, Carême, Tiéd. 2.
  • 6Qui a de la vivacité, en parlant des choses. Des manières vives. Cette compagnie était la maréchale d'Estrées, le Chanoine, Bussy, Rouville et Corbinelli ; tout a prospéré, vous n'avez jamais rien vu de si vif [que la conversation], Sévigné, 292. Je suis dans le mouvement d'un commerce fort vif avec le mien [fils] qui est en Bretagne et sur le point d'épouser une fille de bonne maison, Sévigné, 4 déc. 1683. L'un [Turenne], par de vifs et continuels efforts, emporte l'admiration du genre humain et fait taire l'envie, Bossuet, Louis de Bourbon. Dans le feu, dans le choc, dans l'ébranlement, on voit naître tout à coup [chez le prince de Condé] je ne sais quoi de si net, de si posé, de si vif, de si ardent…, Bossuet, ib.

    Un feu vif, un feu qui brûle avec activité.

    Attaque vive, attaque prompte et forte. Ce fut là qu'après une action assez vive il [Marsigli] tomba blessé et presque mourant entre les mains des Tartares, Fontenelle, Marsigli.

    Une vive canonnade, une vive fusillade, une canonnade, une fusillade rapide et continue.

    On dit dans le même sens : Les ennemis firent un feu très vif.

    Terme de médecine. Pouls vif, pouls qui réunit la promptitude, la fréquence et la force, sans dureté.

    Cet atelier est fort vif, il y règne beaucoup d'activité (phrase qui a vieilli).

  • 7Il se dit pour caractériser la force de certaines impressions physiques. Une chaleur vive. Un froid vif. Un vif accès de goutte.

    Air vif, air pur et frais, tel que celui des lieux élevés et qui fait impression sur la poitrine.

  • 8Il se dit pour caractériser la force de certaines impressions morales. Vif désir. Vif amour. Les jalousies [de la part de Montespan à l'égard du roi] sont vives ; ont-elles jamais rien empêché ? Sévigné, 30 sept. 1676. Que le lâche pressé du vif remords que donne…, Th. Corneille, Essex, III, 2.

    Foi vive, foi ardente et ferme, et aussi la foi qui est accompagnée des œuvres.

    Les objets font sur lui une impression vive, une sensation vive, ils produisent sur lui une impression, une sensation forte et prompte.

    Cela fit sur l'assemblée une vive sensation, cela fit une sensation marquée.

  • 9Qui dure, subsiste, comme quelque chose de vivant. Cette disgrâce est encore bien vive dans nos têtes, Sévigné, 388. Nous parlâmes de vous… avec un souvenir tout vif ; vous viendrez le renouveler, Sévigné, 21 févr. 1689.

    Être vif dans le souvenir, dans l'esprit, y avoir laissé une marque profonde. Il [la Rochefoucauld] vous prie de croire que vous êtes encore toute vive dans son souvenir, Sévigné, 10 avr. 1671. Je n'ai jamais vu une personne absente être si vive dans tous les cœurs ; c'était à vous qu'était réservé ce miracle… on ne se passe point de vous, Sévigné, 11 mars 1671.

  • 10Qui se fait sentir comme dans une partie vivante. Je vous aime avec une tendresse si sensible que je n'ose y penser ; c'est un endroit si vif et si délicat dans mon cœur, que tout est loin en comparaison, Sévigné, 27 oct. 1673.
  • 11Se dit pour exprimer la force de la lumière, des couleurs. Couleur vive. Dans un âge, Où ce peu de beauté que m'ont donné les cieux D'un assez vif éclat faisait briller mes yeux, Corneille, Pomp. I, 3. Avez-vous jamais vu, madame, un diamant plus vif que celui que vous voyez que mon père a au doigt ? Molière, l'Av. III, 12. L'autre [Condé] jette d'abord une si vive lumière, qu'elle [l'envie] n'osait l'attaquer, Bossuet, Louis de Bourbon. La moindre ombre se remarque sur ces vêtements qui n'ont pas encore été salis ; et leur vive blancheur en accuse toutes les taches, Bossuet, Mar.-Thér. Du rouge vif sur le sommet de la tête, du beau bleu sur l'occiput…, Buffon, Ois. t. x, p. 307.

    Un teint vif, un teint fort coloré.

    Yeux vifs, yeux brillants et pleins de feu. Des yeux vifs et prêts à être tendres, Montesquieu, Temple de Gnide, 5.

    On dit dans le même sens : avoir l'œil vif, le regard vif.

  • 12Exprimé avec chaleur, avec force ; énergique, animé. Reproches vifs. Une vive prière. La discussion fut vive. Ils eurent une altercation fort vive. Dans ces sortes de disputes… quand on s'est un peu expliqué… tout ce qui suit est plus vif et plus pressant, Bossuet, Conf. avec Claude, Avert. En rassemblant les divers sujets dont on veut dire la même chose, on abrège le discours, et on le rend plus vif, Dumarsais, Œuv. t. v, p. 82.

    Expressions vives, expressions où se fait sentir le feu de l'imagination.

    Traits vifs, traits piquants.

    Des propos vifs, des propos qui approchent de l'insulte.

  • 13 Familièrement, un peu vif, se dit d'un langage où l'on traite l'adversaire sans ménagement. Cet article est un peu vif ; mais il est vrai et utile ; il faut confondre quelquefois l'ignorance orgueilleuse, Voltaire, Dict. phil. Fonte.
  • 14 Terme d'ancienne coutume. Vif gage, celui dont les fruits se comptent sur la dette, et servent à la diminuer en proportion, voy. GAGE à l'historique, XVIe siècle, et MORT-GAGE.
  • 15 S. m. Terme de jurisprudence. Le mort saisit le vif, dès qu'un homme est mort, ses biens passent à son héritier légitime, sans qu'il soit besoin d'aucune formalité.

    Entre vifs, entre personnes vivantes. Donation entre vifs. Un code qui statue sur les dispositions des biens par testament ou entre vifs, Montesquieu, Esp. XXVIII, 37.

    Terme de chasse, le vif, l'oiseau vivant.

    Peindre au vif, peindre d'après nature. Tel de fâcheux a mérité le titre, Qui sera peint au vif dans mon épître, Scarron, Œuv. t. VII, p. 168.

  • 16Le vif, la chair vive. Il faut couper toutes ces chairs jusqu'au vif. Le maréchal, en ferrant ce cheval, l'a piqué jusqu'au vif.

    Fig. Si M. l'abbé Terrai vous a rogné un peu les ongles, il me les a coupés jusqu'au vif, Voltaire, Lett. Mme du Deffant, 26 mars 1770.

    Fig. Piquer au vif, faire une offense très sensible. Et, sans piquer au vif, me mettre à la satire, Régnier, Sat. I. Jusques au vif il voulut la blesser, La Fontaine, Court. Marius, piqué jusqu'au vif de cette espèce d'insulte, ne la lui pardonna jamais, Rollin, Hist. anc. Œuv. t. I, p. 595, dans POUGENS.

    En un autre sens, piquer jusqu'au vif, faire une vive impression. Partant, madame, en un mot comme en mille, Votre beauté jusqu'au vif m'a touché, La Fontaine, Magn.

    Être touché au vif, être sensiblement touché de quelque chose. Et puisqu'au vif du cœur ma parole te touche, Régnier, Épît. I. Il ne me faut guère toucher sur ce sujet [le chagrin de l'absence de Mme de Grignan] pour me toucher au vif, Sévigné, 8 janv. 1674.

    Trancher, couper dans le vif, étendre les incisions jusqu'à la chair vive.

    Fig. Quelquefois, à force de vivre, l'étoile pâlit ; il est plus sûr de couper dans le vif [il s'agit de la mort de Turenne], principalement pour les héros, dont toutes les actions sont si observées, Sévigné, 6 août 1675.

    Fig. Trancher, couper dans le vif, renoncer tout d'un coup à une chose qui faisait beaucoup de plaisir. Pour moi, j'ai regretté Livry ; j'ai coupé dans le vif ; cette solitude me plaisait, et les beaux jours qu'il fait encore m'offensent, Sévigné, 8 nov. 1679.

    Trancher, couper dans le vif, signifie aussi rompre tout à coup des relations, des habitudes nuisibles, ou prendre des mesures énergiques dans une affaire. C'est-à-dire qu'il faut couper jusqu'au vif ; c'est-à-dire qu'il faut porter le couteau jusqu'aux inclinations les plus chères, Bossuet, Sermon pour le temps du Jubilé, Sur la pénit. 3. Il faut du moins haïr nos plaies, si nous ne pouvons pas encore couper jusqu'au vif pour les guérir, Massillon, Carême, Prière, 2.

    Fig. Prendre quelque chose sur le vif, faire un sacrifice qui coûte. Afin que notre aumône soit un sacrifice, ne jetons pas seulement un superflu qui ne coûte rien à la nature, mais prenons quelque chose sur le vif, en sorte que nous souffrions pour notre frère, Bossuet, Méd. sur l'Év. 2e partie, 11e jour.

  • 17Le vif, la partie la plus dure d'un moellon.

    Terme d'architecture. Le vif de la colonne, le fût.

    Vif du piédestal, son dé.

  • 18Le point, le moment où une chose a le plus de vivacité. Le vif du débat. Entrer dans le vif de la question.

    Quelque chose de vif, d'animé. Ami, veux-tu savoir, touchant ces deux sonnets Qui partagent nos cabinets, Ce qu'on peut dire avec justice ? L'un nous fait voir plus d'art, et l'autre plus de vif, Corneille, Épigramme. Un vif, une sorte d'étincelant autour d'eux [les courtisans que réjouissait la mort du Dauphin] les distinguait, malgré qu'ils en eussent, Saint-Simon, t. IX, p. 123, édit. CHÉRUEL. Le tour qu'on prend [dans un ouvrage], et le vif dont on l'accompagne depuis le commencement jusqu'à la fin, feront trouver à peu de lecteurs cette pièce longue, quand même elle le serait, Bayle, Nouvelles, etc. de mars 1686.

  • 19Le vif, poisson, voy. VENIN, n° 6.
  • 20De vive voix, loc. adv. En employant la parole, par opposition à par écrit. Le reste se dira de vive voix, Bossuet, Lett. Corn. 153. Il est très difficile de faire entendre par écrit ce qui concerne les sons d'une langue ; cela serait très facile de vive voix, Duclos, Œuv. t. IX, p. 16.

    Substantivement. La vive voix. Je vous prie de l'avertir que, dans l'avis, rien n'a été ajouté à la vive voix, Guez de Balzac, Avis écrit. Les réponses courtes par écrit dans les grandes questions ne durent guère ; la vive voix tranche, parce qu'on va d'abord au point, Bossuet, dans le Dict. de DOCHEZ.

  • 21De vive force, loc. adv. Avec violence, en surmontant tous les obstacles. Il enleva le poste de vive force.

REMARQUE

1. On dit vif à, avec un infinitif. Vif à reconnaître les bienfaits.

2. Bouhours (Nouv. Rem.) note ainsi les variations du sens de vif dans le XVIIe siècle : " Ce mot a aujourd'hui de nouvelles significations fort élégantes. Ce n'est que depuis quelques années qu'on dit : Une personne vive, une joie vive, une reconnaissance vive, une attention vive, des manières vives, voilà comment ce mot a fait fortune. Mais on a toujours dit : Un esprit vif, une imagination vive, une couleur vive. "

HISTORIQUE

XIe s. Vif aveir [bétail], Lois de Guill. 25. Ne mais que dous [deux], nen i ad remés vifs [demeurés vivants], Ch. de Rol. c. Par vive force les encacerent Franc, ib. CXXIII. [Ils tranchent] Ces vestemenz entresque as chars vives, ib. CXXIV. L'anme de lui as vifs diables [il] dunet, ib. CCLXVI.

XIIe s. Quant estes mors, à moult grant tort sui vis, Ronc. p. 193. Car cil qui pert honor vaurroit mieux mors que vis, Sax. XXVI. À la justice puis les cumande livrer, à pendre u à ardeir, u vifs à desmembrer, Th. le mart. 27.

XIIIe s. Force de generation, Por l'espece avoir tous jors vive Par renovelance naïve, la Rose, 7001. Et ses maris [de Lucrèce] meïsmement… s'estudioit à trover Vives raisons por li prover Que ses cors n'avoit pas pechié, Quant li cuers [le cœur] ne volt le pechié, ib. 8667. Pieçà, dit-on, ce m'est advis, Les mors as mors, les vis as vis, Bl. et Jeh. 2094. Je doing et octroi à don fait entre vis la moitié de toutes ces choses, Du Cange, associare. En la haute cour peut porter garentie le vif por le mort, Ass. de Jér. 125. S'il est tesmogné par vives vois, Beaumanoir, XII, 58. Or avint ainsi que le soudanc, qui estoit deschaus, se trouva sur une escorcheure que il avoit en la jambe ; tout maintenant le venin se feri ou vif, et li tolli tout le pooir de la moitié du cors, Joinville, 213. Saciés bien que cis lions fu contrefais al vif, De Laborde, Émaux, p. 542.

XIVe s. Dit Aletaires : sire, ne vous doutez noient ; De ces deux chevaliers vous ferai vengement, Et les vous renderai mors ou vifs vraiement, Guesclin. 16004.

XVe s. Maistre Jehannet de Milan, peintre du duc de Milan, pour un tableau où sont tirés, au près du vif, le feu duc de Milan et son fils, De Laborde, Émaux, p. 542. L'Anglois frappa de sa lance ledit Louis tout dedans et au travers, sçavoir au-dessous du bras et au vif de son harnois…, Math. de Coucy, Hist. de Charles VII, p. 560, dans LACURNE. Quar trop longtemps les Alemans M'ont fait en vive [sur le qui vive] toujours estre, Du Cange, vivendus. Tantost se leva un vent contraire et un oraige si très grand, que nullement ne pouvoit aller avant, dont tout vif enrageoit, Bouciq. III, 20. Ceste chose, bien au vif examinée, me semble que ce doibt estre vertu et non autre cause, ib. II, 4. Aux autres pratiquoit plus au vif, car tousjours presentoit de tuer ou prendre son maistre, Commines, V, 6.

XVIe s. Un sepulcre fait de pierre à grands personnages elevés comme le vif, Marguerite de Navarre, Nouv. LXV. Les accidents ne nous essayant pas jusques au vif…, Montaigne, I, 67. Se faire arracher des dents vifves et saines, Montaigne, I, 308. Ayant à m'y pourtraire au vif, Montaigne, II, 68. Une vifve fontaine, Montaigne, IV, 13. Ceste parole toucha au vif Thebe, Amyot, Pélop. 52. Il faisoit enterrer des hommes tous vifz, Amyot, ib. 53. De la chaux vive, Amyot, Sert. 23. Maistre Conrard… fera les pieces qui s'ensuyvent de sa main, assavoir les visaiges, mains et les vifs [marché passé avec Conrard, le sculpteur], De Laborde, Émaux, p. 542. Faire feu vif et residence [résider], Du Cange, focus.

ÉTYMOLOGIE

Berry, vife au féminin : une couleur bien vife ; provenç. viu, vieu ; espagn. et ital. vivo ; du lat. vivus (voy. VIVRE).

SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIRE

VIF. Ajoutez :
22Duvet vif, plume vive, duvet, plume pris sur l'oiseau vivant.