« écorcher », définition dans le dictionnaire Littré

écorcher

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

écorcher

(é-kor-ché) v. a.
  • 1Dépouiller un animal de sa peau. Écorcher un cheval. Je veux être Écorché vif si…, La Fontaine, Gag. Il le livra aux exécuteurs, et leur commanda de l'écorcher tout vif, de le coucher ensuite tout de travers sur trois croix, et d'étendre sa peau à part sur les pieux dressés tout auprès, Rollin, Hist. anc. Œuvres, t. IV, p. 218, dans POUGENS.

    Bassement et fig. Écorcher le renard, vomir.

    Écorcher l'anguille par la queue, commencer par où l'on devrait finir, par ce qu'il y a de plus difficile.

    Il crie comme si on l'écorchait, ou avant qu'on ne l'écorche, se dit d'un homme qui se plaint sans grand sujet.

  • 2Enlever une partie de la peau. Vous m'avez écorché la jambe. Je me suis écorché le bras.

    Par extension. Les charrettes en passant ont écorché cet arbre. Les essieux des roues écorchent en passant les murailles.

    Terme militaire. Écorcher une fortification, l'endommager extérieurement.

    Fig. Écorcher une matière, en parler superficiellement ou inexactement. M. de Noailles, qui écorchait la superficie de tout, n'avait jamais pu rien approfondir en aucun genre, Saint-Simon, 333, 108. Je ne fais ici qu'écorcher la matière que j'aurai lieu ailleurs d'étendre davantage, Saint-Simon, 506, 163.

  • 3Faire mal au palais, à la gorge. Ce vin vous écorche le palais, la gorge.

    Par extension. Ce mot [Hershalaïm, Jérusalem] écorchait le gosier d'un Athénien, Voltaire, Mœurs, Déluge.

    Écorcher l'oreille, les oreilles, mal prononcer les mots, ou, en musique, produire des sons discordants. Platon : Ah ! elle m'écorche les oreilles, Boileau, Héros de roman.

    Par extension, faire de la peine, déplaire. Le beau sexe était sauvage ; Il ne l'est plus maintenant ; Et des louanges pareilles De nos dames d'à présent N'écorchent point les oreilles, La Fontaine, Cand.

  • 4 Familièrement. Écorcher les auteurs, les entendre imparfaitement, les expliquer à grand' peine.

    Écorcher une langue, la parler d'une manière incorrecte. Toutes deux [ces dames] écorchent l'italien, Courier, Lett. I, 29.

    Écorcher un mot, le nom de quelqu'un, le mal prononcer.

  • 5Exiger au-dessus du prix des fournitures, des vacations, etc. Il faut être raisonnable et ne pas écorcher les gens. On est écorché dans cette hôtellerie. Il ne faut pas écorcher les malades, Molière, Mal. im. I, 1. Avec sept hommes nous nous chargeons de tondre et d'écorcher les Français pour votre compte, Courier, I, 228.
  • 6 Terme de fondeur en bronze. Écorcher la figure, diminuer la grosseur de la figure de terre qui sert de noyau.
  • 7S'écorcher, v. réfl. Se faire une écorchure. S'écorcher en se grattant.

    Fig. Il ne s'écorche pas, se dit de quelqu'un qui parle trop avantageusement de soi-même.

    Subir une perte superficielle de substance. La couverture d'un livre relié en veau s'écorche facilement.

PROVERBES

Beau parler n'écorche point la langue, c'est-à-dire il ne coûte pas plus de parler civilement que d'une façon arrogante.

Autant fait, autant vaut celui qui tient que celui qui écorche, c'est-à-dire le recéleur est aussi punissable que le voleur, ou, en général, le complice autant que l'auteur principal.

Il ressemble aux anguilles de Melun (voy. ANGUILLE), il crie avant qu'on l'écorche, c'est-à-dire il se plaint avant de sentir le mal. Votre cœur crie avant qu'on ne l'écorche, Molière, Préc. 10.

Il faut tondre ses brebis et non pas les écorcher, c'est-à-dire il ne faut exiger des sujets, des contribuables que ce qu'ils peuvent donner.

Il n'y a rien de plus difficile à écorcher que la queue, c'est-à-dire la fin d'une affaire est souvent le plus difficile. La queue en sera difficile à écorcher.

HISTORIQUE

XIIe s. Chartain, Borgoignon e Franceis Virent qu'orent [ce qu'eurent] fait li Daneis, Cum lur lices [retranchements] sunt esforcées De cors [cuirs] des bestes escorchées, Benoit de Sainte-Maure, II, 5965. Autresi fait il faute e force, Qui tient le pié cum qui escorce, Benoit de Sainte-Maure, 7372. Faites le traïtor trestout vif eschorcer, Ronc. p. 200. [Ils nous voulaient] Escorchier et livrer à lor ours en chaaine, Sax. XX. …à quel martire Sera cist chevaliers rendus ? Iertil escorchiez ou pendus, Noiez ou ars en feu d'espines ? la Charrette, 410.

XIIIe s. Qu'un los [loup] seit escurchiez tuz vis ; Si seit li sanz e la pel mis Sur vostre pis [poitrine] dusqu'à demein ; Lors vus sentirez trestut sein, Marie de France, Fabl. 59. De si grant force governa, Que totes les mains s'escorcha Au governail que il tenoit, Ren. 22970. L'en ne puet oster de sa pel Le leu, tant qu'il soit escorchiés, Jà tant n'iert batu ne torchiés, la Rose, 12201. Et por ce qu'il orent or chier, Firent-ils la terre escorchier, ib. 9606. Et si dist on un proverbe, que cil qui à une lois escorche, deus ne trois ne tont, Beaumanoir, XLV, 37. [Cheval] Qu'onquos non laissast acorchier, Rutebeuf, 274. Asnes, chevaus et muls [ils] faisoient escorchier ; Si manjuent la char en l'aue et el rostier, Ch. d'Ant. VII, 269. À l'escorcher gardez la pel, Leroux de Lincy, Prov. t. I, p. 175. Li prince e cunte, et li barun Ne vunt querant si gloire nun, Povres eschorchent e defulent [foulent, oppriment], Édouard le conf. V. 3745.

XIVe s. Ne pren de tes gens que tes rentes, Soit en blez, en cens ou en ventes ; Car se tu les vues [veux] escorchier, Miex te vaurroit estre un porchier, Machaut, p. 120. Estuiz de cuir escorchiez aux armes de France, Invent. des livres de Charles V, art. 262, dans LACURNE.

XVIe s. Tu escorches le latin ; par St Jan, je te feray escorcher le regnard, car je t'escorcheray tout vif, Rabelais, Pant. II, 6. J'estime que si on vouloit escorcher le peuple, qu'ils y consentiroyent moyennant qu'ils eussent un petit lopin de la peau, Lanoue, 240. On leur bailloit leur orge toute mondée et escorchée, à fin qu'ilz la cuisissent mieulx et la digerassent plutost, Amyot, Eumènes, 22. À l'escorcher la queue est pire, Leroux de Lincy, Prov. t. I, p. 175. Nul ne peut faire latrines et retraits, cloacques, fours, puits et esgouts d'eau sur son heritage contre l'heritage d'autrui, sinon que la muraille moyenne demeure entiere et sans estre escorchée, Nouv. coustum. gener. t. II, p. 1057. Meslons-y les femmes : qui n'a ouï parler à Paris de celle qui se feit escorcher, pour seulement en acquerir le teint plus frais d'une nouvelle peau ? Montaigne, I, 308.

ÉTYMOLOGIE

Berry, acorcher ; wallon, hoirsî ; namur. choirchî ; provenç. escorgar, escortegar ; catal. escorxar ; espagn. et portug. escorchar ; ital. scorticare ; du bas-latin excorticare, de ex, et cortex, écorce. On a voulu le tirer de excoriare ; mais le ch de plusieurs des langues romanes mène nécessairement à excorticare.