« égayer », définition dans le dictionnaire Littré

égayer

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

égayer [1]

(é-ghè-ié), j'égaye, tu égayes, il égaye ou égaie, nous égayons, vous égayez, ils égayent ou égaient ; j'égayais, nous égayions, vous égayiez, ils égayaient ; j'égayai ; j'égayerai ; ou égaierai ou égaîrai ; j'égayerais ou égaierais ou égaîrais ; égaye, égayons ; que j'égaye, que nous égayions, que vous égayiez, qu'ils égayent ; que j'égayasse ; égayant ; égayé v. a.
  • 1Rendre gai. Égayer la compagnie. Égayer la conversation. Il égayait les convives par ses heureuses saillies. C'est par cette raison qu'égayant leur esprit Nombre de gens fameux en ce genre ont écrit, La Fontaine, Fabl. VI, 1.
  • 2 Par extension, répandre, donner, ajouter quelque ornement. Égayer son style, son sujet. Égayer la matière. Égayer un tableau. Égayer un appartement. Il a fort égayé la tristesse du voyage, Sévigné, 424. On ne cherche qu'à égayer ses maux par le récit des affaires et des vanités du siècle, Massillon, Av. Mort du péch. Un objet capable d'égayer vos ennuis, Massillon, Car. Mélange. Pourrai-je de couleurs aimables Égayer le sombre tableau De mon domicile nouveau ? Gresset, Chartreuse. [Une plante] Court vêtir les rochers, égayer les tombeaux, Delille, Trois règnes, VI.

    Égayer son deuil, commencer à le porter moins rigoureusement.

  • 3Égayer sa force, sa dextérité, en faire parade. Ces vers où je m'ébats pour égayer ma force, Régnier, Sat. I. Mais la princesse a voulu égayer sa dextérité, et de son dard qu'elle lui a lancé un peu mal à propos…, Molière, Am. magn. V, 1.

    Vieilli en ce sens.

  • 4 Terme d'horticulture. Égayer un arbre, en ôter le bois inutile.

    Égayer un espalier, le palisser si proprement que les branches soient également partagées des deux côtés.

  • 5S'égayer, v. réfl. Devenir gai. Muses, gardez vos faveurs pour quelqu'autre, Ne perdons plus ni mon temps ni le vôtre Dans ces débats où nous nous égayons, Rousseau J.-B. Ép. I, 1. J'aime à voir le bon sens sous le masque des ris, Et c'est pour m'égayer que je viens à Paris, Voltaire, le Russe à Paris.

    S'égayer aux dépens de quelqu'un, s'en moquer. Les courtisans s'égayaient à faire des chansons sur lui [Jacques II], Voltaire, Louis XIV, 15. Leurs utiles professions ne seront ni moins honorables ni moins honorées, parce que je me suis un peu égayé aux dépens de quelques individus qui les exercent, Picard, Vieux comédien, SC. 5.

    Molière a dit dans le même sens : s'égayer avec. Et je vais m'égayer avec lui comme il faut, Molière, Amph. I, 2.

    Se donner carrière. Ce serait donner à son génie, pour s'égayer, toute l'étendue des choses humaines, Guez de Balzac, liv. VI, lett. 4. Mon esprit… Qui dans ses caprices s'égaye, Régnier, Épît. III. Ainsi, dans cet amas de nobles fictions, Le poëte s'égaye en mille inventions, Boileau, Art p. III. Ce monsieur Fleurant-là et ce monsieur Purgon s'égayent bien sur votre corps, Molière, Mal. imag. I, 2. Boileau, correct auteur de quelques bons écrits, Zoïle de Quinault et flatteur de Louis, Mais oracle du goût dans cet art difficile Où s'égayait Horace, où travaillait Virgile, Voltaire, Ép. XCV.

REMARQUE

La véritable orthographe, pour conserver l'analogie, serait : j'égaie, tu égaies, etc. et ainsi devant l'e muet ; c'est ainsi qu'on écrit pour les verbes en oyer.

HISTORIQUE

XIIIe s. …le bel tens de mai Qui fist ton cuer trop esgayer, la Rose, 3013. Et sachiés, quant j'oï lor chant, Et je vi le leu [lieu] verdoier, Je me pris moult à esgaier, ib. 684.

XIVe s. Appius dist que ceste tourbe n'estoit pas esmeue par misere mais par jolivetez, et que le pueple se esgaioit plus que il ne se forcenoit, Bercheure, f° 38, recto. Aus feus embatre [mettre le feu] s'esgaierent Par pluseurs maisons qui là ierent [étaient] ; Tost est la flambe tant creüe…, Guiart, t. II, p. 213.

XVIe s. Afin de leur monstrer qu'ils ne se doivent egayer en une folle presomption, Calvin, Instit. 439. De la teste nous convions, desadvouons, esconduisons, esgayons, caressons…, Montaigne, II, 159. Quand je saisis des matieres plus gayes, c'est pour m'esgayer, non pour esgayer mon style, Montaigne, III, 37. Et pourtant en acquit Marcellus encore de tant plus sa bonne grace et la faveur du commun populaire, pour avoir ainsi embelly et esgayé la ville de Rome des ingenieuses delices et elegantes voluptez des Grecs, Amyot, Marc. 34. Soit que des vers sans loy tu accordes les sons, Ou soit que tu t'esgaye' en rustiques chansons, Du Bellay, J. V, 33, recto.

ÉTYMOLOGIE

É- pour es- préfixe, et gai.