« étaler », définition dans le dictionnaire Littré

étaler

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

étaler [1]

(é-ta-lé) v. a.
  • 1Exposer pour vendre. Les marchands étalent leurs marchandises les plus nouvelles.

    Fig. et familièrement. Étaler sa marchandise, tirer vanité de ce qu'on sait, de ce qu'on possède.

    Absolument. L'endroit du Pirée où les marchands étalent, La Bruyère, Théoph. XXIII.

    Fig. Le savant qui ne parle que pour instruire les autres, et qu'autant qu'ils veulent être instruits, fait une grâce ; au lieu que, lorsqu'il ne parle que pour étaler, on lui fait une grâce si on l'écoute, Fontenelle, Louville. Gens à qui une communion ne coûte qu'une journée de gêne et de réserve, qui ce jour-là ne jouent pas, n'étalent pas, ne médisent pas, ne s'assemblent pas, Massillon, Avent, Disp. à la comm.

  • 2Étendre, déployer. Étaler une carte de géographie. Étaler une robe. Il étale son cordon bleu ou le cache par ostentation, La Bruyère, IX. Étalant toutes deux l'or, la pourpre et l'hermine, Delille, Géorg. IV.

    Étaler son jeu, montrer toutes ses cartes.

    Disposer sans ordre, mais de manière à faire voir. Étaler des livres sur un bureau.

  • 3Faire voir, montrer avec l'idée d'éclat, de solennité. J'ai horreur de leur infamie, car ils étalent ici partout leur mollesse et leur lâcheté, Perrot D'Ablancourt, Lucien, t. I, dans RICHELET. Ainsi [flatteuses voluptés] n'espérez pas qu'après vous je soupire ; Vous étalez en vain vos charmes impuissants, Corneille, Poly. IV, 2. Il [Dieu] étale à son tour des revers équitables, Par qui les grands sont confondus, Corneille, ib. Celle que j'étale N'est pas tant qu'il vous semble une vertu brutale, Corneille, Nicom. III, 2. Quelque ravage affreux qu'étale ici la peste…, Corneille, Œd. I, 1. Par ce trait de magnificence Le prince à ses sujets étalait sa puissance, La Fontaine, Fabl. VII, 7. Elle m'étale avec plaisir toute sa belle âme, Sévigné, 433. La fortune, trompeuse en toute autre chose, est du moins sincère en ceci, qu'elle ne nous cache pas ses tromperies ; au contraire, elle les étale dans le plus grand jour, Bossuet, 2e serm. pour le 4e dim. de carême, II. Dans le moment fatal Où j'étale à ses yeux les pleurs de mon rival, Racine, Bérén. III, 4. Le monde étale des prospérités ; le monde ne fait pas d'heureux, Massillon, Dauphin. Égisthe… Étalerait en vain l'orgueil de sa naissance, Voltaire, Mérope, I, 3. Un des premiers qui étala dans la chaire une raison toujours éloquente, fut le P. Bourdaloue vers 1668, Voltaire, Louis XIV, 33. Jamais écrivain n'avait étalé des idées politiques, en prose, aussi fortement que Corneille les approfondit en vers, Voltaire, Comment. sur Cinna, II, 1. Quand j'étale à tes yeux ton crime et ma misère, Ducis, Othello, III, 5.

    Présenter. …Le sénat Dont plus de la moitié piteusement étale Une indigne curée aux vautours de Pharsale, Corneille, Pomp. I, 1.

    Fig. En parlant de choses qui étalent pour ainsi dire. …La perte de sa vie Étalera sa gloire et ton ignominie, Corneille, Cinna, IV, 7. Ce discours vous fera paraître un de ces exemples redoutables qui étalent aux yeux du monde sa vanité tout entière, Bossuet, Reine d'Anglet. Les spectacles pompeux que ces bords nous étalent, Racine, Iphig. I, 1. L'Angleterre, si fertile en beautés, étalait ce qu'elle avait de plus rare dans la cour du roi, Hamilton, Gramm. 8. Le petit terrain où nous étions étalait les charmes d'un séjour riant et champêtre, Rousseau, Hél. IV, 17.

  • 4Il se dit quelquefois dans le sens de faire paraître sur le théâtre. Ces beautés étaient de mise en ce temps-là et ne le seraient plus en celui-ci… elles ont fait leur effet en ma faveur, mais je me ferais scrupule d'en étaler de pareilles à l'avenir sur notre théâtre, Corneille, Cid, Exam. Voulez-vous sur la scène étaler des ouvrages Où tout Paris en foule apporte ses suffrages, Boileau, Art p. III. Qui sait bien ce que c'est qu'un prodigue, un avare, Un honnête homme, un fat, un jaloux, un bizarre, Sur une scène heureuse il peut les étaler, Boileau, ib.
  • 5Exposer en un langage qui fait valoir les choses. Et d'abord leur étale Tout ce que la faveur départ aux favoris, Régnier, Sat. XI. …Quoi que nous étale un langage si doux, Elle a tout fait pour elle, et n'a rien fait pour nous, Corneille, Rodog. II, 4. J'ai voulu de Léonce étaler le courage, Corneille, Héracl. III, 2. Ils tombèrent sur la morale ; Il n'est pas besoin que j'étale Tout ce que l'un et l'autre [Hippocrate et Démocrite] dit, La Fontaine, Fabl. VIII, 26. Que j'allais à tes yeux étaler de merveilles ! Boileau, Épît. IV. Je ne me propose pas cependant de vous étaler ici l'histoire de cet événement, Massillon, Avent, Jugement. En vain ta politique Vient m'étaler ici ce tableau fanatique, Voltaire, Fanat. I, 4. Phénix voulut lui représenter que c'était avilir la magistrature à pure perte et jeter un comique extravagant sur tout le cérémonial de la cour que d'aller en grand appareil étaler du phébus à un petit marmot, avant qu'il le pût entendre ou du moins y répondre, Rousseau, Reine fantasque. Comme un jour il [Platon] étalait à leurs yeux [des prêtres égyptiens] les anciennes traditions de la Grèce…, Barthélemy, Anach. Introd. part II, sect. 1re.
  • 6Faire parade, déployer avec vanité. [Ces secours]… Qu'avec tant de pompe à vos yeux elle étale, Corneille, Nicom. IV, 2. Plus soigneux d'étaler de l'érudition et de jeter en l'air de grands mots, que de parler avec précision dans leurs décrets, Bossuet, Var. XII, § 32. Jusque-là je vous laisse étaler votre zèle, Racine, Iphig. I, 2.
  • 7 Populairement, jeter par terre. D'un coup de poing il l'a étalé.
  • 8S'étaler, v. réfl. Se montrer avec ostentation. Tant sa présomption incessamment le presse De venir s'étaler aux pieds de sa maîtresse, Scarron, D. Japhet d'Arm. III, 2. Mais on ne peut souffrir ces bruyants téméraires, Sur la scène du monde ardents à s'étaler, Voltaire, la Vanité. Il aimait à s'étaler noblement aux yeux des voisins, Rousseau, Confess. VI.

    Être montré avec ostentation. Plus savant que moi, du moins de cette science qui s'étale, Rousseau, Ém. v.

  • 9S'étendre. S'étaler sur l'herbe.

    Familièrement, prendre une posture trop abandonnée. Il ne faut pas s'étaler comme cela sur son fauteuil.

    Populairement. S'étaler, se laisser tomber. Il faisait très glissant, et il s'est étalé.

    Se dit des métaux qui s'étendent sur des corps durs à l'aide de fondants, de mordants.

    Être étalé, déployé. J'ai une grande carte qui s'étale facilement. Son cordon s'étale sur sa poitrine.

HISTORIQUE

XIIIe s. Se vos volés là fors aler En cest jardin pour estaler [pour vous y tenir], Cort D'Art. Ms. de St Germain, dans LACURNE.

XVIe s. Il fait soudain ses vaisseaux envoiler, Guinder au mast, les verges estaler, Du Bellay, J. IV, 38, verso. Un medicament a charge d'aller droict aux reins, sans estaler ailleurs ses operations, Montaigne, III, 218. Après avoir estalé les noms des plus grands Romains, Montaigne, I, 267.

ÉTYMOLOGIE

Étal.

SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIRE

ÉTALER. Ajoutez : - REM. Dans le moyen âge, étaler a eu un sens singulier ; il a signifié cracher : XIVe s. Faites le malade estaler en un bacin [cracher, par euphémisme étaler le crachat], Mss. 503, Bibl. de Montpellier. Li malades ki poi ad de salive e ne pot estaler, ço est mal signe, ib.