« acquérir », définition dans le dictionnaire Littré

acquérir

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

acquérir

(a-ké-rir ; ne prononcez pas a-krir, comme en quelques provinces. J'acquiers, tu acquiers, il acquiert, nous acquérons, vous acquérez, ils acquièrent. J'acquérais, etc. J'acquerrai, etc. J'acquis, etc. Acquiers, qu'il acquière, acquérons, acquérez, qu'ils acquièrent. Que j'acquière, que tu acquières, qu'il acquière, que nous acquérions, que vous acquériez, qu'ils acquièrent. Que j'acquisse, etc. J'acquerrais, etc. Acquérant, Acquis. La syllabe quie prend un accent grave, quand la syllabe qui suit est muette) v. a.
  • 1Devenir propriétaire par achat ou échange. Acquérir des terres. Acquérir à prix d'argent.
  • 2En général, se procurer, venir à posséder. Acquérir un héritage. Acquérir de l'argent. Acquérir des richesses. La France a acquis par une expédition promptement terminée le territoire d'Alger. En moins d'un siècle l'Angleterre a acquis l'Inde. Ceux par le sang desquels ce territoire fut acquis. La passion d'acquérir du bien pour soutenir une vaine dépense, corrompt les âmes les plus pures, Fénelon, Tél. XXII.
  • 3 Absolument. Il se rendait propriétaire de l'héritage ; ainsi les parjures étaient sûrs d'acquérir, Montesquieu, Espr. XXVIII, 18. La fureur d'acquérir corrompit leur justice, Voltaire, Scyth. IV, 2.
  • 4Avec une personne pour sujet, attirer sur soi, appeler sur soi, en bonne ou en mauvaise part. Acquérir les bonnes grâces de quelqu'un. S'acquérir des amis, de la gloire. S'il voyait le monde pour se faire un nom, pour acquérir du crédit, de la réputation, Bourdaloue, Pensées, t. II, p. 492. Ils y auraient beaucoup mieux rempli que moi la place que j'occupe, et y auraient acquis bien d'autres mérites que moi, Bourdaloue, ib. p. 453. N'acquérez point ma haine en perdant votre temps, Corneille, Théod. II, 4. C'était le vrai moyen d'acquérir sa tendresse, Molière, l'Étourdi, IV, 1. [Elle] Efface son estime et s'acquiert des mépris, Rotrou, Vencesl. I, 1. Ne vous acquérez pas par votre dureté Un renom odieux à la postérité, Rotrou, Antig. II, 2. Quelle gloire il acquit dans ces tristes combats ! Voltaire, Zaïre, I, 1.
  • 5Procurer, faire avoir, en bonne ou en mauvaise part. Cela lui a acquis l'estime publique. Ses services lui ont acquis une position honorable. Il n'est point de climat où mon amour fatale N'ait acquis à mon nom la haine générale, Corneille, Médée, III, 3. Mon bonheur ordinaire M'acquiert les volontés de la fille et du père, Corneille, Méd. I, 1. Vous ai-je acquis sur eux en ce dernier effort La puissance absolue et de vie et de mort ? Corneille, Pomp. III, 2. Ces fameux Lévites… qui… Et par ce noble exploit vous acquirent l'honneur D'être seuls employés aux autels du Seigneur, Racine, Athal. IV, 3.
  • 6Gagner. Cet artiste acquiert de l'habileté. Ce terrain acquiert de la valeur. Avec le secours d'en haut, on peut s'y former [à la prudence], on peut l'acquérir ; on l'acquiert par la réflexion et par de fréquents retours sur soi-même, Bourdaloue, Pens. t. II, p. 478. L'autre se fait écouter comme un maître, tant il paraît avoir acquis de connaissances et être versé en tout genre d'érudition, Bourdaloue, ib. p. 199. Et, à mesure que l'on acquiert d'ouverture dans une nouvelle métaphysique, y perdre un peu de sa religion, La Bruyère, 16.
  • 7 Absolument. Devenir meilleur, en parlant des personnes et des choses. Cet orateur acquiert tous les jours. Ce vin acquiert en vieillissant.
  • 8Acquérir quelqu'un, acquérir sa foi, son cœur, gagner son affection, ses services, et, en parlant d'une femme, son amour, sa main. Ce cœur vous est acquis après le diadème, Corneille, Rod. III, 4. Ce qui touche mon cœur, ce qui charme mes sens, C'est Laodice acquise à mes vœux innocents, Corneille, Nic. V, 5. Quand, pour vous acquérir, je gagnais des batailles…, Corneille, Perth. I, 4. Il pense m'acquérir par cette perfidie, Corneille, Tois. d'Or, IV, 7. Et si vous refusez par là de m'acquérir, Vous ne sauriez vous-même éviter de périr, Corneille, Attila, IV, 6. Le désespérer ce n'est pas l'acquérir, Corneille, Théod. II, 6. …ne me perdez pas envoulant m'acquérir, Corneille, ib. III, 5. Sa tête est le seul prix dont il peut m'acquérir, Corneille, Cinna, I, 2. Et c'est pour l'acquérir [Émilie] qu'il nous fait conspirer, Corneille, ib. III, 1. Je viens de la trouver tout à fait adorable ; Et je suis en suspens si, pour me l'acquérir, Aux extrêmes moyens je ne dois point courir, Molière, l'Étourdi, III, 2. Il faut se multiplier en quelque façon par la charité et avoir autant d'esprits et autant de cœurs qu'on a de sujets qu'on veut acquérir à l'Église, Fléchier, Panég. II, p. 361. Ma foi lui fut acquise et lui fut enlevée, Voltaire, Irène, I, 1.
  • 9Obtenir. J'ai acquis la preuve de ce que je vous dis. De ses feux tôt ou tard j'acquerrai quelque indice, Ducis, Othel. IV, 1. Ces mortels dont l'État gage la vigilance, Ont de tous ses projets acquis la connaissance, Ducis, ib. V, 5.
  • 10S'acquérir, v. réfl. Être acquis. Tout ce qui peut s'acquérir par l'expérience. Les amitiés s'acquièrent par les services.

REMARQUE

Il n'y a point de verbe sur l'orthographe et sur la conjugaison duquel les auteurs aient varié davantage. L'abbé Grosier, Le Gendre, l'abbé de Mably ont dit au présent il acquière pour acquiert ; et les deux derniers, ils acquèrent pour ils acquièrent. D'autres écrivains, au nombre desquels il faut mettre Corneille, ont dit au futur simple et au conditionnel, acquérera et acquérerait, au lieu de acquerra et acquerrait ; ni l'un ni l'autre ne doivent être imités.

HISTORIQUE

XIIe s. Là vint Rolant, mais il fu si aquis [fatigué], Ronc. p. 103. Par Guenelon, qui cest mal nous aquit, ib. p. 180. Dont s'escrierent et Gautiers et Geris : Cuivers bastars, com or estes aquis [réduit à l'extrémité] ! R. de Cambrai, 204.

XIIIe s. Que j'ai sans ma desserte tel mescheance aquise, Berthe, 31. Mieux [je] veuil mourir que vivre, tant sui de deuil acquise, ib. 100. Mais qui amis vodra avoir, Si n'ait mie chier son avoir, Ains par biaus dons amis acquiere, la Rose, 1163. Par eus n'aqeudrez mauvais los, Ren. 8137. Cascuns n'est tenus à respondre, fors de tant qu'il enportera de le [la] coze mal aquise, Beaumanoir, VII, 8.

XIVe s. Quant cils jeunes roys vint à terre, Moult s'entremist d'onneur aquerre, Guiart, Roy. lign. 190. Le riche pecunieux souvent aquert ou pert ses richesses par violence ou par force, Oresme, Eth. IV, 10. Et les choses que l'en fait pour aucun bien acquerir, l'en les fait avecques delettacion, Oresme, ib. 50. Des anemis avez par de çà et de là ; Se en aquerés plus, grant folie sera, Baud. de Seb. X, 1011.

XVe s. Ils vous sauront bien conseiller de quels seigneurs vous vous pourrez bien aider et lesquels et comment vous les pourrez mieux acquerir, Froissart, I, I, 62. Depuis, en bien peu de temps, il gagna tant et acquit et profita par rançons, par prises de villes et de chasteaux, qu'il devint si riche que…, Froissart, I, I, 325. A quarante ans depuis ce me trouvay Nices et foulz, chetis, poures, dolens ; Tous esbahis, de mon cuidier plouray, Et commençay lors à estre acquerans, Deschamps, Erreurs de la jeunesse. Les ennemys qu'il avoit lui mesme acquis à son advenement au royaulme, Commines, I, 10.

XVIe s. … homme ne suit la guerre, Que pour honneur ou profit y aquerre, Marot, I, 358. Il eut enfin la paix par luy acquise ; Tant quise l'as, qu'enfin tu l'as acquise, Marot, IV, 199. Se contentant par piperie de s'acquerir l'ignorante approbation du vulgaire, Montaigne, I, 157. Acquerir des cognoissances, Montaigne, II, 243. Ils ne se sont point souciez d'acquerir ce dont ils n'eussent point voulu user, Amyot, Arist et Cat. Il admonestoit ses gens d'y passer sans y faire aucun dommage, comme en païs qui leur estoit jà tout acquis, Amyot, Flam. 8.

ÉTYMOLOGIE

Provenç. acquirir ; de acquirere, de ad, à, et quaerere, querir (voy. QUERIR). Acquérir, provençal acquirir, vient d'un verbe à conjugaison changée, acquirire avec l'accent sur ri ; acquerre, qui s'est dit aussi, est formé régulièrement de acquirere qui a l'accent sur qui.