« assez », définition dans le dictionnaire Littré

assez

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

assez

(a-sé ; le z se lie ; j'ai assez attendu, dites : a-sé-z attendu. Chifflet, (Gramm. p. 219, dit : " En ce mot plusieurs ne prononcent pas le z devant les voyelles : j'ai assez attendu, ils prononcent : j'ai assé attendu. " Cela arrive encore souvent aujourd'hui dans la prononciation non soutenue) adv.
  • 1Autant qu'il en faut. L'avare n'a jamais assez. La ville ne lui parut pas assez grande. Assez longtemps. Ce n'est pas assez pour eux de donner des préceptes. C'est assez parler de nos affaires. Autrement, un philosophe vous dira en vain que vous devez être rassasié d'années et de jours, et que vous avez assez vu les saisons se renouveler et le monde rouler autour de vous, ou plutôt que vous vous êtes assez vu rouler vous-même et passer avec le monde, Bossuet, le Tellier. Quoi donc ! n'est-ce pas assez que nous soyons attaqués au dedans et au dehors ? Bossuet, ib. Ces belles années, dont on ne peut assez admirer le cours glorieux, Bossuet, ib. Ah ! pour cela il est toujours assez bonne heure, Molière, Dép. am. IV, 1. Sur vous l'on sait assez que je jette les yeux, Regnard, Joueur, II, 4.

    Bien assez. Il a été bien assez humble. J'ai bien assez vécu.

    C'est assez, c'en est assez, en voilà assez, et, elliptiquement, assez ; n'en parlons plus, n'en disons pas davantage.

    Assez de. Il est tombé assez de pluie. Et sans atteindre au but où l'on ne peut atteindre, Ce m'est assez d'honneur…, Malherbe, V, 30. Assez de funestes batailles, Et de carnages inhumains, Malherbe, III, 2.

    Avoir assez d'une chose, en avoir suffisamment, et, quelquefois, en être fatigué, rassasié.

  • 2Assez d'autres, un nombre bien suffisant, autant que j'en voudrai. Assez d'autres États lui prêteront asile, Corneille, Sertor. II, 4. Assez d'autres sans vous n'ont pas mis en oubli …, Corneille, Cinna, I, 2. Assez d'autres sans moi soutiendront vos lauriers, Corneille, Hor. V, 2. Assez d'autres viendront, à mes ordres soumis, Se couvrir des lauriers qui vous furent promis, Racine, Iph. IV, 6.
  • 3Quelque peu, dans un sens qui est ou diminutif ou augmentatif suivant les mots : elle est assez jolie, c'est-à-dire elle n'est qu'un peu jolie ; une lettre assez longue, c'est-à-dire qui dépasse la longueur ordinaire. Assez petit. Il est assez mal traité par la critique. Nous louons parfois des gens assez médiocres. Elle s'approcha du bûcher, en s'exposant assez. Il fit assez de chemin. Il est assez étonnant que… Ma présence est assez inutile en ce lieu, Regnard, Joueur, III, 2. Nous pouvons nous y faire un assez beau destin, Corneille, Sertor. IV, 2. Et d'abord je trouvai ses princes assemblés Qu'un péril assez grand semblait avoir troublés, Racine, Andr. I, 1.
  • 4Assez et trop longtemps, locution poétique signifiant pendant trop longtemps. Assez et trop longtemps ma lâche complaisance De vos jeux criminels a nourri l'insolence, Boileau, Sat. IX. Assez et trop longtemps mon amitié t'accable, Racine, Andr. III, 1. Assez et trop longtemps sous ma feinte poursuite, Rotrou, Vencesl. III, 2. Assez et trop longtemps votre discours la flatte, Corneille, Cid, III, 6.
  • 5Assez peu, assez souvent, assez rarement ; dans ces locutions, assez est explétif. C'est un homme d'assez peu d'esprit. Assez peu éloquent. Il venait assez rarement au sénat.
  • 6Assez pour… devant un infinitif. Il est assez riche pour acheter ce domaine. Était-il assez sot pour croire… ? Personne n'est assez méchant pour vouloir le paraître. Il n'y eut personne d'assez dur pour ne pas pleurer.

    On a dit, dans le même sens, assez de… Les Athéniens ordonnèrent une punition de mort contre le premier qui serait assez hardi de proposer la guerre, Fénelon, Solon.

    On a dit aussi : assez… que de. Nous avons été assez ingrats que de faire servir les créatures contre le Seigneur même, à qui elles appartiennent, Massillon, Profession religieuse, sermon 3. Quel châtiment ne doivent pas attendre les ministres du temple eux-mêmes, s'ils sont assez malheureux que d'en abuser ? Massillon, Revenus ecclésiastiques. Si l'on est assez malheureux que de retomber, Massillon, Inconst. C'est une tournure très fréquente dans Massillon.

  • 7 S. m. Séparer le peu d'avec le beaucoup, l'assez d'avec le trop, Bayle, Dict. hist. Chrys. remarque O.

SYNONYME

ASSEZ, SUFFISAMMENT. Suffisamment exprime que ce qu'on a suffit, mais ne va pas au delà. Assez exprime que ce qu'on a non-seulement suffit, mais encore satisfait amplement à ce que nous voulons. Ce qui suffit ne surabonde pas ; ce qui est assez peut surabonder. De plus, au point de vue de la syntaxe, assez reçoit facilement un complément avec de ; ce que suffisamment ne fait pas, au moins dans le style correct.

HISTORIQUE

XIe s. En ceste terre ad assez osteiet [fait la guerre], Ch. de Rol. III. Assez est mieuz qu'il i perdent les chefs [têtes], ib. III. Dient paien : de ce avom asez, ib. v. Neymes li dux et des autres asez, ib. LIII. Or endreit sei at il asez que faire, ib. CLV. Asez i meurent et des uns et des autres, ib. CCLIV. Baptizét sont asez plus de cent mille, ib. CCLXVIII.

XIIe s. Asez oez que Guenes va disant, Ronc. p. 35. Mieux vaut Mahons que St Pieres assez, ib. p. 41. Assez savez quex est li cuens Rolanz, ib. p. 84. Ains que tu l'aies, auras assez à faire, ib. p. 145. Se je vous aim, j'i assez ai raison, Couci, II. Assez aim [j'aime] mieux mourir en bon desir, Que vivre irez et m'amie haïr, ib. IX. Ainçois me dout [je crains] qu'en trestout mon aage [je] Ne puisse assez lui [elle] et s'amour servir, ib. XI. Car j'ai assez autre chose à penser, Quesnes, Romanc. p. 100. Il leur a demandé : quels nouveles, baron ? - Sire, ce dist Gisarz, assez [nous] vous en diron, Sax. XXII.

XIIIe s. Et là trova il pelerins assés et gens qui s'en alloient en l'ost, Villehardouin, XLII. Et furent assez plus que cil qui estoient devant Constantinoble, Villehardouin, C. Et la dame n'ot pas assez de vesteüre, Berte, XLII. Elle amast assez mieux que elle eüst mentit, ib. LIII. Qui n'avoit encores passés, Si cum je cuit [crois], douze ans d'assés [de beaucoup], la rose, III, 1270. Pour ce que il croient que il seront assez plus aise quant il seront mors, que il n'estoient devant, Joinville, 260.

XIVe s. Dieu loent [ils], sans estre lassés, Aussitost d'un pou com d'assez, J. Bruyant, dans Ménagier, t. II, p. 21. Ceulx ici mesmes profitassent plus assez en telles besongnes, se avecques la bonne abilité de nature que ilz ont, ilz eussent la doctrine, Oresme, Prol.

XVe s. L'autre [fils] eut nom Jean d'Eltheus et mourut assez jeune, Froissart, I, I, 3. Si gasterent tout le pays, et ardirent jusques à la cité de Dureunne, et assez outre, Froissart, I, I, 30. Et dit le roi d'Angleterre à son cousin le comte Derby qu'il prist assez or et argent, et le donnast et departist largement aux chevaliers et escuyers…, Froissart, I, I, 215. Ils les haioient plus assez que les Escots, Froissart, I, I, 31. Et à ce temps là les Escots aimoient et prisoient assez peu les Anglois, et encore font ils à present, Froissart, I, I, 34. Il leur sembla qu'ils seroient forts et puissans assez pour la conquerre, Froissart, I, I, 97. En ladicte bataille estoient mors huyt mil hommes et autres menues gens assez, Commines, V, 3. Et que ils avoient passé la riviere ; c'estoit assez et suffisoit bien sans passer celle…, Commines, I, 2.

XVIe s. Assez moins que…, Montaigne, I, 11. Non-seulement en basque, les femmes… mais assez ailleurs, et, qui plus est, en…, Montaigne, II, 201. Rien n'a qui assez n'a, Génin, Récréat. t. II, p. 249.

ÉTYMOLOGIE

Bourguig, aissez ; provenç. assatz ; anc. espagn. asaz ; portug. assaz, assas ; ital. assai ; de ad, à, et satis, suffisamment (voy. SATIÉTÉ). Dans l'ancien français, assez, comme aujourd'hui encore assai en italien, voulait dire beaucoup.

SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIRE

ASSEZ. Ajoutez : - REM. On trouve assez que avec le subjonctif du verbe suivant. Je ne serai jamais assez éloigné d'ici que, lorsque vous y viendrez, nous ne puissions pas nous joindre, Rousseau, Lett. à d'Ivernois, 30 mai 1765.