« baigner », définition dans le dictionnaire Littré

baigner

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

baigner

(bè-gné) v. a.
  • 1Faire mettre dans l'eau, mettre dans le bain. Baigner des troupeaux dans le ruisseau. Baigner quelqu'un dans de l'eau tiède.
  • 2Mouiller, inonder. Baigner son visage de larmes. Vous baignant de ses larmes paternelles, Massillon, Exempl. Elle prend ses enfants et les baigne de pleurs, Racine, Phèd. V, 5.

    Fig. Un si touchant regard baigne votre prunelle, Hugo, F. d'automne, 24.

  • 3Couler dans, auprès ou autour, en parlant d'une rivière. Le Nil baigne l'Éthiopie. Le fleuve qui baigne ces parages. La mer qui baigne la Bretagne. J'ai, malgré leurs efforts, soumis à votre règne Ce que le Tibre lave et que le Gange baigne, Rotrou, Bélis. I, 6. Un captif qui voit chaque jour Voguer la plus belle des filles Sur les flots qui baignent la tour, Béranger, Prisonn.
  • 4 V. n. Être plongé dans. Cet arbre baigne dans l'étang. Des olives baignent dans la saumure.
  • 5Se baigner, v. réfl. Se mettre au bain. Se baigner dans la rivière.

    Fig. Il se baigne dans la confiance, Sévigné, 453. Le crédit de Chamillard s'augmentait tous les jours par l'orgueilleux plaisir dans lequel le roi se baignait de former son ministre, Saint-Simon, 96, 12.

    Se baigner dans le sang, se plaire à en répandre. Songe aux fleuves de sang où ton bras s'est baigné, Corneille, Cinna, IV, 2. Qu'un jeune audacieux se baigne dans leur sang, Corneille, Cid II, 9. Que … malgré la pitié dont je me sens saisir, Dans le sang d'un enfant je me baigne à loisir, Racine, Androm. I, 2. Dans l'infidèle sang baignez-vous sans horreur, Racine, Ath. II, 2. Une impie étrangère Se baigne impunément dans le sang de nos rois, Racine, Ath. I, 1. Vengez-vous, baignez-vous au sang du criminel, Voltaire, Mér. IV, 2. Dans le sang innocent ta main va se baigner, Voltaire, Alz. V, 5.

REMARQUE

1. Lorsqu'il s'agit de l'action d'une personne qui prend un bain, le verbe baigner doit toujours être réfléchi ; ainsi on dira : ils sont allés se baigner ensemble ; et non : ils sont allés baigner ensemble. Il ne devient neutre que lorsqu'il exprime qu'un objet trempe dans un liquide.

2. On dit : ils le trouvèrent baigné dans son sang. Mais peut-on dire : ils le trouvèrent baignant dans son sang ? Des grammairiens ont condamné cette locution, mais évidemment elle est légitime ; et baignant dans son sang est acceptable au même titre que nageant dans son sang.

HISTORIQUE

XIIe s. Je vous plevis qu'en lor sanc iert [mon épée sera] bagnie, Ronc. p. 43. Dedens le cors son espié [il] a baingnié, ib. p. 89. Et les malades reposer et beignier, ib. p. 159. Et la grant court de France au dous renom Où toute valeur se baigne, Hues de la Ferté, Romancero, p. 182. Iluec curreit une ewe… Là se baignout les seirs pour sa char refreidier, Th. le mart. 94.

XIIIe s. Et li homme estoient si baignié [mouillé], que tout estoient tout ensi comme mort que de le [la] gielée que du froit, H. de Valenciennes, XXVIII. Seiner [saigner] se fet cuntre sun mal ; Al terz jur dist k'il baignereit [se baignerait], Marie de France, Equitan. Que baignier se doivent ensemble, la Rose, 14580. L'on ne puet trere en plet cels qui ovrent en vigne, ne qui se beignent, ne qui sont en moutiers, Liv. de just. 84. Baron, dist-il à eus, ne soiés esmaié ; Moult furent, en vos terres, li plusor aaisié, Vestu et conreé, remué et baignié, Ch. d'Ant. VIII, 415. Et quant Tangrés le voit, à poi qu'il ne forsaigne, L'espée a traite nue, o grant ire se baigne, Ch. d'Ant. III, 135. S'on les trueve noiés où il fust accoustumé d'aler, si comme por baignier, ou por avoir de l'yaue, ou por pesquier [pêcher], Beaumanoir, LXIX, 13. Chanoine, clerc, et roi, et conte Sont trop aver [avares] ; N'ont cure des ames sauver, Mès les cors baignier et laver Et bien norrir, Rutebeuf, II, 1. Mal furent tiex avoirs acquis et gaaigné, Dont li filz et li pere sunt en enfer baigné, J. de Meung, Test. 342.

XIVe s. À la premiere riviere qu'il verroit d'en haut, [l'esprevier] s'en yroit baignier, Ménagier, III, 2.

XVe s. Elle fut percée et baignée [par la pluie] jusques à la peau, Louis XI, Nouv. XL.

XVIe s. Nous contentans de nostre justice, sagesse et vertu, nous sommes bien aises et nous bagnons à nous flatter, jusques à nous priser comme demi-dieux, Calvin, Inst. 3. Que ces contreroleurs se monstrent un peu, et puis qu'ils se bagnent à rejecter des cœurs humains toute reverence de l'Escriture, Calvin, ib. 44. Que nous n'affections point une grace de brocarder et mordre en riant les uns et les autres, comme font aucuns, qui se bagnent [délectent] quand ils peuvent faire vergongne à quelcun, Calvin, ib. 309. J'en laisserai du tout faire à l'Espaigne, De qui la main en nostre sang se baigne, Marot, I, 328. Tout estoit mer ; et la mer qui tout baigne, N'a aucuns borts…, Marot, IV, 27. Il se baigne et delecte à tourmenter toutes sortes de gens, Carloix, IV, 10. Le sang de ceulx qui furent occis sur la grande place seulement, baigna tout le quartier, Amyot, Sylla, 31. Le malade sera purgé, baigné, saigné, Paré, XI,14. L'on doit appliquer estoupades baignées en oxycrat, Paré, XIV, 6.

ÉTYMOLOGIE

Wallon, baniï ; picard, bagner ; Berry, beugner ; provenç. et portug. banhar ; espagn. bañar ; ital. bagnare ; de balneare, de balneum, bain, grec βαλανεῖον, bain ; allem. baden ; angl. to bath ; celt. bathain ; sanscrit, bad ou vad, plonger. Bèze dit que plusieurs prononçaient, au XVIe siècle, bagner.

SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIRE

BAIGNER.
4 V. n. Ajoutez :

Fig. Il se dit de la lune quand elle est entourée d'un cercle et que son contour est mal terminé. La couleur pâle de la lune, les cercles concentriques plus ou moins obscurs dont elle est entourée, ses cornes mal terminées, l'auréole lumineuse qui s'étend autour d'elle et qui fait dire que la lune baigne, sont autant de signes de pluie ; les étoiles présentent des signes pareils : leur lumière perd de sa vivacité et elles baignent aux approches de la pluie, Journ. offic. 20 sept. 1873, p. 5976, 1re col.