« bataille », définition dans le dictionnaire Littré

bataille

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bataille

(ba-tâ-ll', ll mouillées, et non bata-ye) s. f.
  • 1Combat de deux armées. Il va présenter la bataille au roi son frère, Bossuet, Hist. I, 8. Clovis gagna la bataille de Tolbiac, Bossuet, I, 11. Il croyait donner la bataille, Sévigné, 211. Ils ont perdu contre eux des batailles, Fénelon, Tél. X. Mais Rome ignore encor comme on perd des batailles, Corneille, Hor. I, 1. Il lui donna bataille, où mille beaux exploits…, Corneille, Rodog. I, 1. Je vais à ce moment donner la bataille à l'armée impériale, Voiture, Lettr. 7. Il [Archimède] n'a pas donné des batailles, mais il a laissé à tout l'univers des inventions admirables, Pascal, Pens. II, art. 10. Les loups rôdaient autour de ses batailles ; De ses exploits ils vivaient plus d'un jour, Millevoye, Rançon d'Egill.

    Corps de bataille, le centre de l'armée, les corps placés entre les deux ailes.

    Cheval de bataille, cheval propre à être monté un jour de combat.

    Fig. Un cheval de bataille, la chose où l'on s'appuie de préférence.

    Champ de bataille, lieu où se livre le combat.

    Fig. Le champ de bataille lui est resté, c'est-à-dire il a eu l'avantage. Choisir son champ de bataille, porter le débat, la question sur le point qu'on regarde comme le plus avantageux.

  • 2Ordre d'une armée disposée pour combattre. Ranger une armée en bataille, c'est-à-dire disposer son ordre de bataille. Troupes en bataille. Leur flotte se présenta en bataille devant la nôtre. Marcher en bataille. Charles XII fait débarquer son canon et forme sa bataille, Voltaire, Charles XII, 2. Il défit en bataille rangée Arphaxad, Bossuet, Hist. I, 7.

    En termes de théorie militaire, l'ordre dans lequel une troupe est déployée, par opposition à l'ordre en carré ou en colonne ou par le flanc.

    En termes de marine, la vergue de misaine est dite en bataille, lorsqu'elle est disposée dans le sens longitudinal du navire.

    Fig. L'armée que J.-C. a mise en bataille contre les erreurs, Bossuet, Instr. 2.

  • 3 En termes de peinture, représentation d'une bataille. Un peintre de batailles. Les batailles d'Alexandre par le Brun.
  • 4Querelle, lutte. Trêve, trêve, Nature, aux sanglantes batailles, Qui si cruellement déchirent mes entrailles, Rotrou, Vencesl. V, 3.

    Il a bien fallu donner des batailles, on a bien donné des batailles pour… c'est-à-dire il a fallu bien contester, bien lutter pour…

  • 5Nom d'un jeu de cartes.
  • 6Galerie qui couronne la cheminée d'une grosse forge.

REMARQUE

Bataille, batailler, bataillon, devraient s'écrire par deux t ; ou battre s'écrire par un seul t ; car ces mots ont même radical.

SYNONYME

BATAILLE, COMBAT. On verra à l'étymologie que bataille a signifié anciennement et proprement troupe, bande ; tandis que combat n'exprime que l'idée de se battre avec. De là, quand ces deux mots sont devenus synonymes, une inclination de l'usage à consacrer bataille au conflit d'une armée, et combat à tout conflit quelconque. Dans un langage précis, bataille signifie un combat dans lequel deux armées ont engagé toutes leurs forces. Les armées ont ordinairement des combats avant d'en venir à une bataille. On dit gagner, perdre une bataille ; ce qui ne se dit pas avec combat.

HISTORIQUE

XIe s. [Qu'] une bataille leur i rendent [livrent] cil primes [d'abord], Ch. de Rol. XLIII. Par tel glouton n'ert [sera] bataille vaincue [gagnée], ib. CII. Je nen ai ost qui bataille lui donne, ib. II. Une bataille [il] leur livrat, le jur, pesme [funeste], ib. LXII. Ce dist li reis : bataille font nostre home, ib. CXXXI.

XIIe s. E feirent à eaus [eux] bataille le jor de samadi, Machab. I, 2. Autre bataille [corps d'armée] lor envoyez hastie, Ronc. p. 28. Bataille auront, Dex les puit delivrer, ib. p. 37. Tante bataille en [de mon épée] ai faite et vaincue, ib. 105. Dont [pour cela] [ils] firent la bataille sur deux homes jugier [remettre la bataille à deux champions], Sax. IV. Quant il ont en bataille fiché leur estendart, ib. XI. Nous entrerons en France en bataille rangie, ib. XXXII. Abner le fiz Ner asemblad ost del esliture de Israel, pur damagier e bataille tenir encuntre ces de Juda, Rois, 125.

XIIIe s. Emprès fu devisés que Henris ses freres feroit l'autre bataille [troupe], Villehardouin, LXIX. Et li Grieu firent molt grant semblant d'els recevoir à bataille, ib. LXX. Au cinquiesme [jour] après s'arma tous li os, et chevauchierent les batailles ensi come eles estoient devisées, ib. LXXIV. Puis [il] fu mors en bataille outremer devant Sur, Berte, XLI. Lor batailles en quatre partent [ils partagent], la Rose, 12230. Que il est assise ou usage, ou [au] reiaume de Jerusalem, que qui se combat por aucune carelle, et il ou son champion venque la bataille, que il a celle carelle gaaigniée, Ass. de J. I, 195. Tant que la bataille seit fornie, ou que pais en seit faite, ib. I, 171. Et ainsi n'est il pas de cix qui apelent du jugement que li home font, car li apiax est demenés par gage de bataille, Beaumanoir, 30. Maintenant que nostre gent les virent, il s'aresterent, et cil et les ennemis firent trois batailles aussi, Joinville, 270. Une grosse bataille de Turs, là où il avoit bien six mille homes à cheval, Joinville, 215.

XIVe s. Choses appartenantes en batailles ou guerres, Oresme, Eth. 316. Et de ce fust causée la bataille de Troie, Oresme, ib. 55. Car bataille de mer, c'est grant confusion ; Quant li mesquanche [mauvaise chance] tourne sur aucune parchon, Il n'en puet escaper chevalier ne pieton, Baud. de Seb. I, 654.

XVe s. Le sire de l'Esparre fut rencontré des nefs espagnoles à qui il eut la bataille, Froissart, II, II, 4. Deconfit celui roi par bataille rangée et arrestée, Froissart, I, I, 2. L'endemain, au point du jour, chacun fut armé, et trairent leurs bannieres aux champs, chacun à sa bataille et dessous sa banniere, si comme ordonné estoit, Froissart, I, I, 35. Il avoit esté dit que l'on marcheroit à trois fois, pourceque la distance des deux batailles estoit longue, Commines, I, 3. Les batailles estoient bien eclarcies, Commines, I, 4. Et n'estions point tant en gloire comme peu avant la bataille, parce que nous voyons les ennemis près de nous, Commines, VIII, 6.

XVIe s. Pour larcin n'eschet gage de bataille, Loysel, 808. En fait de bataille, le defendeur est tenu de confesser ou nier le fait dès le mesme jour qu'il reçoit le cartel, Loysel, 810. Il fit marcher l'avant-garde, bataille et arriere-garde tout d'un front, Carloix, I, 4. Les Sabins commencerent la bataille, qui fut aspre et dura longuement, Amyot, Rom. 27. Ainsi comme les deux batailles se preparoient pour recommencer à combattre de rechef, Amyot, ib. 28. Les Perses ont esté desfaicts en bataille par les Grecs le sixieme jour du mois d'aoust en la journée de Marathon, Amyot, Cam. 33. Renger une armée en bataille, Amyot, ib. 51. Estans donques les Romains arrestez tout court par la bataille macedonique, sans qu'ils la peussent aucunement forcer, Amyot, P. Aem. 33.

ÉTYMOLOGIE

Provenç. batalha ; espagn. batalla ; ital. battaglia. On lit dans Adamantius martyr : batualia, quæ vulgo battalia dicuntur. Ce passage nous apprend deux choses : d'abord que battalia est pour battualia, ce qui prouve que battre vient bien de battuere (voy. BATTRE) ; puis que battualia est un neutre pluriel de l'adjectif battualis, les choses relatives au combat, neutre devenu, dans les langues romanes, un substantif féminin comme dans aumaille, merveille, etc. De là le sens collectif qu'il avait dans l'ancien français où il signifiait un corps de troupes. On remarquera la disparition de l'u de battualia ; l'u latin ainsi placé disparaît aussi dans quelques autres mots ; par exemple, pacage, de pascuaticum.

SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIRE

BATAILLE. Ajoutez :
7Porter le chapeau à cornes en bataille, le porter en travers, de manière que les cornes tombent sur chaque oreille ; cette expression vient de l'assimilation à une troupe en bataille. Les gens mariés [de Guérande] le portent [le tricorne] en bataille, comme les gendarmes ; les veufs, les garçons en tournent les pointes d'une autre manière, Daudet, Journ. offic. 16-17 août 1875, p. 5923, 3e col.