« commander », définition dans le dictionnaire Littré

commander

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

commander

(ko-man-dé) v. a.
  • 1Prescrire qu'une chose soit faite. Faites ce que je vous commande. Puisqu'enfin ma prière a si peu de pouvoir, Vous avez entendu ce que je vous demande, Madame, je le veux, et je vous le commande, Racine, Iphig. III, 1.

    Par civilité. Vous n'avez qu'à commander.

    Se commander, c'est-à-dire commander à soi-même, s'imposer l'obligation de… Si ce cœur, trop puni d'avoir été sensible, Ne s'était commandé de rester inflexible, Delille, Énéide, IV, 27.

    Il se dit des choses. L'honneur vous commande ce sacrifice. Les circonstances commandent ces mesures.

    Imposer par une sorte de contrainte morale. Commander l'estime, le respect, l'admiration.

  • 2 Terme de guerre. Avoir le commandement d'une armée, d'une flotte, d'une troupe. Vous, nourri dans les camps du saint roi Josaphat, Qui sous son fils Joram commandiez nos armées, Racine, Athal. I, 1. Ce kan de la petite Tartarie ne commandait point les armées du grand seigneur, Voltaire, Russie, II, 1.

    Diriger. Commander une expédition, une attaque.

    Mener à la guerre une troupe, du commandement de laquelle on est chargé. Commander l'artillerie, l'infanterie.

    Donner l'ordre d'exécuter une chose. Commander le feu. Commander l'attaque, la retraite.

    Commander un certain nombre d'hommes pour un coup de main, donner l'ordre de les tenir prêts pour l'opération dont il s'agit. Commander de service, ou, simplement, commander un officier, des soldats, les prévenir qu'ils seront de service.

  • 3Être le supérieur de… Ne saurais-tu juger que, si je nomme un roi, C'est pour le commander et combattre pour moi ? Corneille, Rodog. II, 2. Je ne sais pourquoi Un roi que je commande ose se nommer roi, Corneille, Agésil. I, 1. Le duc d'Enghien joint à la gloire de commander encore Turenne celle de réparer sa défaite, Voltaire, Siècle de Louis XIV, 3. Je me souviens toujours que j'étais né pour les commander [les femmes], Montesquieu, Lett. pers. 9.
  • 4 Terme de commerce. Faire une commande à un fabricant, à un artiste, à un ouvrier, etc. Commander un ameublement. Commander un tableau. Commander un dîner.
  • 5 Terme de fortification. Dominer par son élévation, pouvoir battre. La citadelle commande la ville.

    On a dit aussi dans ce sens commander à, qui est aujourd'hui moins usité. La montagne commandait au chemin par où l'ennemi devait passer, Vaugelas, Q. C. III, 4, dans RICHELET.

    Par extension, il se dit de tout lieu plus élevé qu'un autre. Les cimetières de la Suisse sont quelquefois placés sur des rochers, d'où ils commandent ces lacs, Chateaubriand, Génie, IV, II, 7. Nous le suivîmes dans ce lieu qui commandait une vue immense, Chateaubriand, Atala.

  • 6 V. n. Faire commandement. Il commande au soleil d'animer la nature, Racine, Athal. I, 4. Commande à mes tyrans d'épargner ma mémoire, Voltaire, Mariamne, V, 3.

    Avoir un commandement militaire. Ils avaient levé jusqu'à soixante mille hommes de pied, et choisi trois braves chefs pour leur commander, Vaugelas, Q. C. 500.

    Avoir, exercer l'autorité supérieure. Je veux bien un Romain, mais je veux qu'il commande, Corneille, Sertor. II, 2. Moi qui commande ailleurs, puis-je servir sous vous ? Corneille, ib. III, 2. Qui n'a fait qu'obéir saura mal commander, Corneille, Pulch. II, 2. C'est aux rois d'obéir alors qu'elle [Rome] commande, Corneille, Nicom. II, 3. Et pourquoi commandent les hommes, si ce n'est pour faire que Dieu soit obéi ? Bossuet, Reine d'Anglet. Douce, familière, agréable autant que ferme et vigoureuse, elle savait persuader et convaincre aussi bien que commander, Bossuet, ib. Cessez de vous troubler, vous n'êtes pas trahi ; Quand vous commanderez, vous serez obéi, Racine, Iphig. IV, 4. Ce Dieu jaloux, ce Dieu victorieux Est le seul qui commande aux cieux, Racine, Esth. I, 5. Sur cent peuples nouveaux Bérénice commande, Racine, Bérén. II, 2. Ô vous qui commandez avec tant d'expérience sur des peuples innombrables, Fénelon, Tél. XX. Le droit de commander n'est plus un avantage Transmis par la nature ainsi qu'un héritage, Voltaire, Mérope, I, 3.

    Commander à la baguette, avec hauteur et dureté, et aussi avec une autorité absolue.

    Familièrement et figurément. Commandez à vos valets, se dit à une personne qui parle trop impérieusement à des gens qui ne dépendent point d'elle.

    On dit absolument d'un chef militaire, d'un colonel, etc. qu'il commande bien, c'est-à-dire qu'il sait bien commander les manœuvres.

    Fig. Commander à ses passions, y résister, les maîtriser. Commander à ses pleurs en cette extrémité, C'est montrer, pour le sexe, assez de fermeté, Corneille, Hor. I, 1. Ton cœur… Prévoit qu'il ne pourra commander à tes larmes, Racine, Andr. IV, 1. Commandez à vos yeux de garder le secret, Racine, ib. III, 1. Ou si nous ne pouvons commander à nos pleurs, Racine, Bérén. IV, 5. Tu veux commander seul à mes sens éperdus, Voltaire, Zaïre, IV, 2. Répondez-vous à mes questions ? - Oh ! qui pourrait m'en exempter, monseigneur ? vous commandez à tout ici hors à vous-même, Beaumarchais, Mar. de Fig. V, 12.

    Absolument. Pardonne, par mes pleurs, au feu qui me commande, Régnier, Élég. 2. Il ne faut que j'attende Ni pitié, ni faveur au mal qui me commande, Régnier, ib. 1.

    L'heure me commande, se dit de l'obligation où je suis d'être quelque part ou de faire quelque chose à une heure dite.

  • 7 Terme de guerre. Cette place forte commande à tout le pays, c'est-à-dire qu'on ne peut s'établir dans le pays sans s'être rendu maître de la place.
  • 8Se commander, v. réfl. Se maîtriser. Il se commanda et contint son émotion. Dans les choses de peu si tu ne te commandes, Dis, quand te pourras-tu surmonter dans les grandes ? Corneille, Imit. I, 11.
  • 9Être obtenu par commandement. La gaieté ne se commande pas. Ce sentiment ne se commande point, ne dépend pas de la volonté.
  • 10Se commander l'un à l'autre, v. réfl. indirect, avoir un commandement l'un sur l'autre. Ces chefs fiers et du même âge, compagnons de guerre… n'étaient guère propres à se commander l'un à l'autre, Ségur, Hist. de Nap. VI, 16.

REMARQUE

Une colline commande la plaine, la domine ; une citadelle commande la ville, la domine et peut tirer dessus de haut en bas. Une place forte commande à un pays, elle empêche qu'on ne puisse s'établir en sûreté dans ce pays.

HISTORIQUE

XIe s. N'en parlez mais, si je nel vous cumant, Ch. de Rol. XI. Jointes ses mains, iert [il sera] vostre comandet, ib. LIII. Par penitence [il] les [leur] cumande à [de] ferir, ib. LXXXVII. Je vous cumant qu'en Saragoce aillez, ib. CLXXXIX.

XIIe s. [Il] Comande les mules establer, Ronc. p. 8. Mais comandez qu'il ait ajue [aide] grant, ib. p. 35. Un mien service vous voudrai comander, ib. p. 157. Naymes chevauche, com Charles comanda, ib. p. 178. Li rois comande Guenelon à juger, ib. p. 184. À Jesu Christ tu soies comandé, ib. p. 188. Se mes sires commande, nous irons voirement, Sax. XX. Veez-en ci la chartre, commandez qu'on la lise, ib. XXIII. Charles mande et commande que treü [nous] lui devon, ib. 25. Par les oilz Deu, fait-il, tute la guerpirai, E mun fil e mun regne tut vus comenderai, Th. le mart. 115. As esteilles s'en vunt e à la tenebrur, Et se sunt comandé à Deu nostre seignur, ib. 49.

XIIIe s. Mais la comtesse de Brie, Cui commans je n'os [ose] veer, M'a commandé à chanter, Aub. de Sezanne, Romancero, p. 125. Et l'avant-garde fu commandée à Joffroi le mareschal de Champaingne et de Romenie, Villehardouin, CLXI. Je vous commant à Dieu, qui est vrais gouvernere, Berte, IV. Et lors ferez vous ce que m'orrez [vous m'ouïrez] commander, ID. XVII. Lors fist li rois ordener ses batailles et les comenda as dix plus preudhomes de s'ost, Chron. de Rains, p. 146. Quant la roïne vit çou, si l'en pesa, et comenda que cius [celui] fust pris qui çou li avoit fait, ib. p. 192. Et li Juges, selonc l'estoire, Le commanda tantost à prendre Por li mener ocir ou pendre. la Rose, 5665. Li eschieles s'en vont, es les vous aroutées ; Al bon duc de Buillon ont les os [l'armée] comandées, Et il les conduit bien…, Ch. d'Ant. II, 27. Sitost comme il commença à cheoir, il se commanda à Nostre Dame, et elle le soustint par les espaules dès que il cheï, jusque à tant que la galie le roy le requeilli, Joinville, 287.

XIVe s. Nulle chose il ne font de ce que il lour ensaignent ou commandent, Oresme, Eth. 41.

XVe s. … Puis se commanderent en la garde [de] Notre Seigneur, et se mirent en chemin par mer, Froissart, I, I, 17. Après les messes, le roi commanda à toutes gens eux armer, Froissart, I, I, 84.

XVIe s. Le gentilhomme voyant que c'estoient femmes, ne put pis faire, que de les commander à tous les diables, leur fermant la porte au visage, Marguerite de Navarre, Nouv. XVI. On corrompt l'office du commander, quand on y obeit par…, Montaigne, I, 59. Pythagoras, qui tant commandoit et recommandoit le silence à ses disciples, Amyot, Numa, 14. Mon honneur me commande de mourir icy, Amyot, Sylla, 46. Il presenta son filz aux gens de guerre en le leur commandant comme son successeur et heritier, Amyot, Démétr. 37. La ville et le chasteau sont commandez, mais l'estoffe des parapets y remedie en quelque façon, D'Aubigné, Hist. II, 239. Le ciel… Qui me commande à mourir pour vos yeux, Ronsard, 47.

ÉTYMOLOGIE

Berry, c'mander, quemander ; Saintonge, coumander (d'après Palsgrave, au XVIe siècle, on prononçait coumander) ; provenç. comandar ; catal. comanar ; espagn. comandar ; ital. comandare ; du latin cum, avec, et mandare, mander, ordonner (voy. MANDER).