« concevoir », définition dans le dictionnaire Littré

concevoir

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

concevoir

(kon-se-voir), je conçois, tu conçois, il conçoit, nous concevons, vous concevez, ils conçoivent ; je concevais ; je conçus ; je concevrai ; je concevrais ; conçois, concevez, qu'ils conçoivent ; que je conçoive, que tu conçoives, qu'il conçoive, que nous concevions, que vous conceviez, qu'ils conçoivent ; que je conçusse ; concevant ; conçu v. a.
  • 1Devenir enceinte, en parlant de la femme et des femelles des animaux. Le sein qui nous a conçus. Un sceptre que jadis vos pères ont reçu De ce fameux mortel que la terre a conçu, Racine, Phèd. II, 2.

    Absolument. Dès l'instant qu'une femme a conçu. La sainte Vierge ayant conçu du Très Haut, Bossuet, II, Concept.

  • 2 Fig. Former en soi, en son cœur, en son esprit. Et d'apaiser leur dieu j'ai conçu la pensée, Racine, Athal. II, 5. Et malgré les soupçons que vous avez conçus, Corneille, Nicom. III, 8. Le généreux espoir que j'en avais conçu, Corneille, Poly. II, 2. Tu me parles déjà d'un bienheureux retour, Et dans tes déplaisirs tu conçois de l'amour, Corneille, Cinna, IV, 6. L'un conçoit de l'envie, et l'autre de l'ombrage, Corneille, Poly. III, 1. Mon esprit en conçoit une mâle assurance, Corneille, Hor. II, 1. Sans que tes pareils en conçussent d'effroi, Corneille, Pomp. IV, 4. Et concevez des vœux dignes d'une Romaine, Corneille, Hor. I, 1. Soit afin que les belettes En [des aigrettes] conçussent plus de peur, La Fontaine, Fabl. IV, 6. Mon père ignorait jusqu'au nom de Monime Quand je conçus pour elle un amour légitime, Racine, Mithr. I, 1. J'ai conçu pour mon crime une juste terreur, Racine, Phèd. I, 3. Mon cœur même en conçut un malheureux augure, Racine, Brit. I, 1. N'en aurions-nous conçu qu'une vaine espérance ? Voltaire, Zaïre, I, 1.

    Absolument. Des esprits légers ne veulent pas se donner la peine de concevoir. Pour être clair il ne faut pas concevoir à demi.

  • 3Penser, croire. Quant aux raisons d'État qui vous font concevoir Que nous craignons en vous l'union du pouvoir, Corneille, Nicom. II, 3. Il est vrai, je n'ai pu concevoir sans effroi Que Bajazet pût vivre et n'être plus à moi, Racine, Baj. II, 5. Soit qu'il [l'homme] fût conçu agir en conséquence de la propre nécessité de l'être absolu, Boullainvilliers, Réfut. de Spinosa, p. 198.
  • 4Comprendre, saisir. Ce que l'on conçoit bien s'énonce clairement, Boileau, Art poét. I. Ils conçoivent une période par le mot qui la commence, La Bruyère, I.

    Absolument. Il a l'esprit vif, il conçoit facilement. Comme les yeux ont besoin de lumière pour voir, l'esprit aussi a besoin d'idées pour concevoir, Malebranche, Recherche, VI, 1. Je ne le conçois point, donc il est impossible, Vrai syllogisme d'ignorant, Lamotte, Fabl IV, 17.

  • 5Se rendre raison de quelque chose, ne s'en plus étonner. Concevez-vous un pareil procédé ? Je conçois mal, seigneur, ce qu'il faut ce que j'en pense, Corneille, Nicom. III, 4. Je conçois vos douleurs, Racine, Androm. III, 4. Je conçois vos raisons mieux que vous ne pensez, Racine, Baj. III, 6. J'ai mes raisons, Narcisse, et tu peux concevoir Que je lui vendrai cher le plaisir de la voir, Racine, Brit. II, 2. Je conçois vos bontés par ses remercîments, Racine, ib. III, 8. … J'entends que votre cœur soupire Et j'ai conçu l'adieu qu'elle vient de vous dire, Racine, Mithr. I, 5. Vois l'homme en Mahomet ; conçois par quel degré Tu fais monter aux cieux ton fantôme adoré, Voltaire, Fanat. I, 4.

    Familièrement. Je ne vous conçois pas, je ne devine pas vos intentions.

  • 6Rédiger, exprimer. Il fallait concevoir cette clause en termes plus précis.
  • 7Se concevoir, v. réfl. Être formé dans l'esprit, dans le cœur. Les projets qui se sont conçus dans ces moments de trouble.

    Être compris, expliqué. Un pareil procédé ne se peut concevoir.

HISTORIQUE

XIIe s. Cil conçut Anseys en la fille au vachier, Sax. IV. E la dame cunchut, e puis returnad à sa maisun, Rois, 155. Perisset li jors en cui je fui neiz et la nuiz en cui fut dit : Conciez est li hom, Job, 435. Nekedent [néanmoins] cheient li alkant [quelques-uns] en la voie de montement, car il conzoivent orguille de la vertu, ib. 471. Une virgine, dist-il, conciverat, et si enfanterat un fil, et ses nons sereit Eumanuel apeleiz…, Saint Bernard, 529.

XIIIe s. L'eure soit ore la maudite, Que povres homs fu conceüs ! la Rose, 459. El [Honte] fut fille Raison la sage, Et ses peres ot non Meffez, Qui est si hidous et si lez Qu'onques o [avec] lui Raison ne jut, Mes du veoir Honte conçut, ib. 2856. Male volenté ke nous arions conchieute, Tailliar, Recueil, p. 62.

XIVe s. Le cruelle ire que conceurent ceux de Vege, Bercheure, f° 46, recto.

XVe s. Ces quatre barons de Bretagne qui representoient le duc et qui concevoient bien toutes ces affaires, avoient mis ces doutes en avant, Froissart, II, II, 82. Afin que mieux soient conceutes les choses que j'ai à dire, Monstrelet, liv. I, ch. 47.

XVIe s. Qui eust pensé que l'on peust concevoir Tant de plaisir pour lettres recevoir ? Marot, I, 370. Ceulx qui ont conceu quelque bonne peur des ennemis, Montaigne, I, 64. Ils sont plus aysez à concevoir qu'un conte de Boccace, Montaigne, I, 180. Ils trompent l'esperance qu'on a conceue, Montaigne, I, 181. Ce qu'un tesmoing deposoit, ce qu'un juge ordonnoit, estoit conceu en cette forme de parler, Montaigne, IV, 183. Agis n'advoua point pour son filz l'enfant qu'elle feit, disant qu'elle l'avoit conceu d'Alcibiades, Amyot, Agésil. 3. Pompeius, comme voulant reparer à l'envie que l'on en eust peu concevoir contre Caesar, pour l'amitié qu'il luy portoit, dit…, Amyot, Pomp. 81. [Cette confession fut imprimée] pour en termes exprés et conceus faire renoncer à plusieurs la creance des reformez, D'Aubigné, Hist. I, 49.

ÉTYMOLOGIE

Provenç. concebre ; espagn. concebir ; ital. concepire ; du latin concipere, de cum, avec, et cipere pour capere, prendre (voy. CAPABLE). Conciez, participe, vient de conceptus ; conceü suppose une forme barbare concepūtus.

SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIRE

CONCEVOIR. Ajoutez :
8Se concevoir, avoir la conception, l'intelligence de soi-même. Sans cesse il [l'esprit] s'efforce, il s'anime, Pour sonder ce profond abîme, Il épuise tout son pouvoir ; C'est vainement qu'il s'inquiète ; Il sent qu'une force secrète Lui défend de se concevoir, Lamotte, Odes, l'Homme.

ÉTYMOLOGIE

Ajoutez. La forme fictive conceputus se trouve réalisée dans le roumain conceput au masculin, conceputa au féminin, de concepere.