« cuire », définition dans le dictionnaire Littré

cuire

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

cuire

(kui-r'), je cuis, nous cuisons ; je cuisais ; je cuisis ; je cuirai ; je cuirais ; cuis, cuisons ; que je cuise, que nous cuisions ; que je cuisisse ; cuisant, cuit v. a.
  • 1Préparer les aliments par l'action de la chaleur. Cuire du bœuf dans une marmite. Cuire du pain, des pommes au four.

    Par extension, il se dit de la préparation qu'on donne à de certaines choses par l'action du feu. Cuire du plâtre, de la chaux, de la brique. Cuire du fil, de la soie.

    Dans le style familier, faire périr par le supplice du feu. C'était [ma nation] un composé d'ignorance, de superstition, de bêtise, de cruauté et de plaisanterie ; on commença par pendre et par faire cuire tous ceux qui parlaient sérieusement contre les papegauds, Voltaire, Dial. 10.

    Un boute-tout-cuire (voy. BOUTE-TOUT-CUIRE). C'est une vraie boute-tout-cuire, Qui ne fait que sauter et rire, Et ne va jamais qu'au galop, Scarron, Virg. trav. II.

  • 2Opérer la cuisson, en parlant du feu, de la chaleur. Un feu doux et modéré cuit un rôti à point.
  • 3 Absolument. Ce boulanger cuit deux fois par jour, il met deux fois une fournée de pain à cuire.
  • 4Amener à maturité, en parlant du soleil et de la chaleur. Le soleil n'est pas assez chaud pour cuire les melons.
  • 5 Terme de médecine. Digérer, élaborer. Il y a des aliments que l'estomac a peine à cuire. Cuire un rhume.
  • 6 V. n. Devenir cuit. Il faut que cette viande cuise dans son jus. Être plus ou moins facile à cuire. Ces légumes, ces pois ne cuisent pas bien.

    Fig. J'ai été ravie de ce discours, mettons-le cuire, nous y penserons quelque jour, Sévigné, 379. Je vous ai vu mettre cuire des pensées et rêver profondément pour des sujets qui le méritaient moins, Sévigné, 460.

  • 7Causer une douleur brûlante. Je me suis brûlé, la main me cuit. Les yeux me cuisent comme du feu. C'est un mal [l'amour] qui jamais n'en tendit raillerie, Qui cuit et qui chatouille, et qui sut de tout temps Donner à corps perdu sur les honnêtes gens, Hauteroche, Crisp. music. V, 3. Un aiguillon qui, prompt à la venger, Cuit plus d'un jour à qui l'ose outrager, Rousseau J.-B. Ép. I, 1.

    En cuire, V. impers. Être l'occasion d'un désagrément, d'un regret, d'un repentir. Il vous en cuira quelque jour. Il pourra bien vous en cuire. Chacun d'eux s'éveilla chapon, Don. cuit à la pauvre volaille, Piron, Fabl.

  • 8Se cuire, v. réfl. Devenir cuit. Le gigot à la casserole se cuit à petit feu.

    Fig. Tout se cuisait de loin en Bretagne, on y flattait les Bretons d'une conquête d'indépendance qui ne serait due qu'à leur union et à leur fermeté, Saint-Simon, 479, 195.

PROVERBES

Trop gratter cuit, trop parler nuit, c'est-à-dire il faut se garder de trop parler.

Vous viendrez cuire à mon four, vous aurez quelque jour besoin de moi, et j'aurai l'occasion de me venger.

HISTORIQUE

Xe s. Elle colpes non avret, por o no s'coist [ne fut pas brûlée], Eulalie.

XIIIe s. Aucunes fois les fait on sainnier [les artères de la tête], et cuire [brûler] après chou [ce] qu'ele sont trancies, Alebrand, f° 12. Riens qu'on peüst manger, [il] n'i ot ne cru ne cuit, Berte, XXXVI. Haister [rôti] [il] quisseit sur le bracer D'un sangler parcreü et grant, Lai del desiré. Que nuls ne cuise ou rotisse oues [oies] ou veel, agniaux, chevraus ou cochons, se il ne sont bons, loyaux et souffisans pour manger et pour vendre, Liv. des mét. 176. Nul talemelier ne doit cuire au dimenche ne au jour de Noel, ne…, ib. 10. Li rois Nobles est en mal point, N'en puet partir en nule guise Que de cest siege ne se cuise, Ren. 27646. Forment li delt et cuit sa plaie, ib. 2094. Ceus [ces vents] versent bléz et vignes cuisent, Et flors et fruiz d'arbres abatent, la Rose, 28114. Il ot angoisse en la pointure, Mès moult m'assoage [soulage] l'ointure ; D'une part m'oint, d'autre me cuit, Ainsinc m'aïde, ainsinc me nuit, ib. 1889. Atten e sueffre la detrece, Qui orendroit te cuit et blece, ib. 2042. Les bras li ont loiés et les piés environ, Les garés [jarrets] li ont quis à fu et à charbon, à soufre tout ardant, et puis après à plon, Ch. d'Ant. V, 340. Autant vaut fours qui ne cuist, comme chartre qui n'est uzée, Beaumanoir, L, 1.

XIVe s. Pain bien à point cuit ou bien fait, Oresme, Eth. 65.

XVe s. Cher sire, un jour viendra que telles choses vous seront si renouvelées qu'elles vous cuiront, Froissart, III, IV, 56. Veuillent au roy monstrer que je suis cuis ; Il m'aidera par leur bonne raison De trois cens frans ; d'autre chose ne ruis [je ne demande], Deschamps, Poésies mss. f° 223, dans LACURNE. Les chasteaulx prins par malefice, Dont maint païs ont esté cuis, ib. f° 299. Et pour ce dit vray le proverbe, que à grant peine peut fuyr celluy qui a les pieds cuictz, Perceforest, t. IV, f° 22. Et tant plus me doit cuire quand vous avez faict contre mon gré, Chastelain, Chr. des D. de Bourg. II, ch. 5. Vente, gresle, gelle, j'ay mon pain cuict, Je suis paillard, la paillarde me duit, Villon, Ball.

XVIe s. Je pourrai bien avoir telle haine qu'elle vous cuira, Marguerite de Navarre, Nouv. XLIII. Ils les cuisent et apprestent à diverses saulces, Montaigne, I, 106. Ils font cuire le corps du trespassé, Montaigne, I, 112. Ils en font des grils à cuire viande, Montaigne, I, 237. Si n'y en eut-il pas un à qui les paroles de Marcellus ne cuisissent plus que ses propres bleceures, Amyot, Marcel. 43. On leur bailloit leur orge toute mondée et escorchée, à fin qu'ils la cuisissent mieulx et la digerassent plus tost, Amyot, Eum. 22. Le jour il dormoit ou se promenoit tout yvre pour cuire et digerer le vin qu'il avoit trop pris la nuict, Amyot, Anton. 12. Si vous y faillez, vostre desobeissance sera chastiée par vos envieux, qui eleveront en risées les merveilles de Dieu dans mes delivrances et vous feront cuire de vostre curieuse vanité, D'Aubigné, Vie, III. Si je voulois cuire, le four cherroit [tomberait], Oudin, Curios. fr. add. Elle a payé au boulanger, il ne luy cuit plus, Oudin, ib.

ÉTYMOLOGIE

Wallon, cûre, cuire, cût, cuit ; saintong. cheure ; bourguig. cœu, cuit ; provenç. cozer, coire ; espagn. cocer ; ital. cuocere ; du latin coquere, de même radical que le grec πέσσειν, le sanscrit pacha (le p sanscrit devenant souvent c en latin, comme dans pancha, πέντε, quinque, cinq, et la syllabe cha étant ici représentée en grec par σσ et en latin par qu). Dans l'ancien français, cuire, outre son sens ordinaire, avait celui de faire périr par le supplice du feu.