« détour », définition dans le dictionnaire Littré

détour

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

détour

(dé-tour) s. m.
  • 1Changement de direction. La rivière fait là un détour. Le détour d'une rue, d'un promontoire. Un de mes gens la garde au coin de ce détour, Molière, Éc. des f. V, 2. Allez m'attendre au prochain détour ; je vous dirai dans un moment ce qu'il faudra faire, Regnard, Sérén. sc. 20.
  • 2Voie sinueuse et difficile à reconnaître et à suivre. Il le fit avancer, afin de reconnaître les détours des montagnes, Vaugelas, Q. C. liv. III, dans RICHELET. Pour esquiver sa flamme et ses discours, Elle cherchait les plus secrets détours, Benserade, Rondeaux, dans RICHELET. Nourri dans le sérail, j'en connais les détours, Racine, Baj. IV, 7. C'est moi, prince, c'est moi dont l'utile secours Vous eût du labyrinthe enseigné les détours, Racine, Phèd. II, 5. J'errais dans les détours de ce grand monument, Voltaire, Sémiram. V, 6.
  • 3 Par extension, voie détournée, allongée. C'est un détour de plus d'une lieue. Je veux vous remercier d'avoir pris un détour pour éviter ces petits ruisseaux, Sévigné, 481. Les ennemis ont fait un grand détour pour éviter les passages gardés, Fénelon, Tél. X. Ajoutez à cela les différents détours que fit Alexandre, premièrement pour aller à l'extrémité de la Cilicie, où se donna la bataille d'Issus, jusqu'au temple d'Ammon dans la Libye, et pour revenir de là à Tyr, Rollin, Hist. anc. Œuvres, t. VI, p. 189, dans POUGENS. À la nuit, au hasard, que je dois rendre grâce ! De détours en détours m'amener jusqu'ici ! C'est conduire fort bien que s'égarer ainsi ! Collin D'Harleville, Chât. en Esp. II, 3.

    Fig. Où l'on voit tous les jours l'innocence aux abois Errer dans ces détours d'un dédale de lois, Boileau, Sat. I. Et sans qu'un long détour t'arrête et t'embarrasse, à peine as-tu parlé qu'elle-même [la rime] s'y place, Boileau, Sat. II. Revenu des erreurs après de longs détours, Comme moi vous aurez recours, Quelque jour, aux leçons de la philosophie, Chaulieu, à l'abbé Courtin. Les Perses, dit-il, au lieu de tant de détours et de circuits pour apaiser la faim, prennent un chemin bien plus court pour arriver au même but : un peu de pain et de cresson les y conduisent, Rollin, Hist. anc. Œuvres, t. II, p. 140, dans POUGENS.

    Les détours du cœur, ses replis secrets.

  • 4Moyen subtil, ruse, biais. Les détours de la chicane. Mais certes le détour est un peu surprenant, Corneille, Sertor, II, 2. C'est ce qu'il y a de bon en vous, que vous n'allez point chercher de détours, Molière, Fest. de P. IV, 1. Ah ! le détour est bon et l'excuse admirable ! Molière, Mis. IV, 3. Ce détour ridicule est en vain pris par vous, Molière, Amph. II, 6. Je ne veux point chercher de détours et vous nier la chose, Molière, l'Avare, V, 3. Ce n'est point à des avocats qu'il faut aller ; car ils sont d'ordinaire sévères et s'imaginent que c'est un grand crime que de disposer en fraude de la loi ; ce sont gens de difficultés et qui sont ignorants des détours de la conscience, Molière, Mal. imag. I, 9. De quelque belle apparence que l'iniquité se couvrît, il en pénétrait les détours, et d'abord il savait connaître, même sous les fleurs, la marche tortueuse de ce serpent, Bossuet, le Tellier. Je serais très blessée que vous eussiez ces détours, Maintenon, Lett. à Mme de la Viefville, 5 févr. 1706. Et pourquoi te cachais-je avec tant de détours Un secret si fatal au repos de tes jours ? Racine, Alex. IV, 1. Faut-il que je dérobe, avec mille détours, Un bonheur que vos yeux m'accordaient tous les jours ? Racine, Brit. II, 6. Vous ne me trompez point, je vois tous vos détours, Racine, ib. IV, 2. Ah ! loin de m'ordonner cet horrible détour, Si votre cœur était moins plein de son amour, Je vous verrais sans doute en rougir la première, Racine, Baj. II, 5. À prendre ce détour qui l'aurait pu forcer ? Racine, Mithr. IV, 1. Ciel ! comme il m'écoutait ! par combien de détours L'insensible a longtemps éludé mes discours ! Racine, Phèdr. III, 1. Une autre chose contribue beaucoup aux longs discours des femmes, c'est qu'elles sont nées artificieuses et qu'elles usent de longs détours pour venir à leur but, Fénelon, Éduc. filles, 9. Je sais que ce détour blesse la vérité, Ducis, Othello, III, 7.

    Sans détour, sans rien cacher, sans subterfuge. Vos ordres sans détour pouvaient se faire entendre, Racine, Iphig. IV, 4.

    Être sans détour, être franc, ouvert, loyal.

HISTORIQUE

XIIe s. Cil sait mout bien les destors du païs, Ronc. p. 162.

XIIIe s. Grains [chagrin] et marriz, fist tant par sa maistrise [habileté], Que à la dame en un destour A fait sa plainte et sa clamour, Audefroi le Bastard, Romancero, p. 6. En ung destor fu li cuvers [perfide] D'erbes et de fuelles couvers. Por ceus espier et sorprendre Qu'il voit as roses la main tendre, la Rose, 2841. Où sera leur destors, où sera leur refuges, Fabliaux mss. t. II, f° 143, dans LACURNE. Se li puis est en destor, et non pas hantés de gent, on doit moult penre garde s'il [l'homme assassiné] estoit hays ou maneciés de nului, Beaumanoir, LXIX, 10.

XVIe s. Et l'eust voulentiers veu en personne, ne feust que Xenomanes l'en descouraigea, tant pour le grand destour du chemin, que…, Rabelais, Pant. IV, 29. Le plaisir estoyt grand veoir les ruses et destours desquelz ilz usoyent pour surprendre l'ung l'autre, Rabelais, Pant. V, 25. Depuys descendismes ung degré, là estoyt ung repous ; puys troys à destours, et repous pareil, Rabelais, Pant. V, 36. Les Romains, n'ayans pas les destours et retraittes qu'ilz avoient eues le jour precedent, furent contraints de venir au combat tout de front par païs ung et plain, Amyot, Pyrrh. 46. Laissant leur fallacieux destour du droit chemin, Amyot, Lucull. 37. Comment la philosophie… qui me doibt roidir le courage pour fouler aux pieds toutes les adversitez humaines, vient-elle à cette mollesse de me faire conniller par ces destours couards et ridicules ? Montaigne, II, 218.

ÉTYMOLOGIE

Dé… préfixe, et tour ; bourguig. détor.