« ennuyer », définition dans le dictionnaire Littré

ennuyer

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

ennuyer

(an-nui-ié, an prononcé comme dans antérieur), j'ennuie, tu ennuies, il ennuie, nous ennuyons, vous ennuyez, ils ennuient ; j'ennuyais, nous ennuyions, vous ennuyiez ; j'ennuyai ; j'ennuierai ; j'ennuierais ; ennuie, ennuyons ; que j'ennuie, que nous ennuyions, que vous ennuyiez ; que j'ennuyasse ; ennuyant ; ennuyé v. n.
  • 1 Impersonnellement, il ennuie à, c'est-à-dire de l'ennui est éprouvé (l'emploi neutre et impersonnel est le premier, à cause de l'étymologie de ennui, in odio, en haine). Il ennuie à qui attend. Est-il possible qu'il vous ennuie si fort en Asie, qui est le théâtre de vos exploits ? Vaugelas, Q. C. 559. Il t'ennuie avec moi, Corneille, Mélite, III, 6. Lorsque j'étais aux champs, n'a-t-il point fait de pluie ? - Non. - Vous ennuyait-il ? - Jamais je ne m'ennuie, Molière, Éc. des f. II, 6. Il vous ennuyait d'être maître chez vous, Molière, G. Dand. I, 3. Il m'ennuie de ne plus vous avoir, Sévigné, 19. Il m'ennuyait de leur absence, Sévigné, 517. Depuis deux jours que je suis de retour, il m'ennuie déjà de ne point vous voir, Rousseau, Corresp. du Peyrou, t. III, p. 59, dans POUGENS. Marquez-moi si je puis compter sur votre libraire, il m'ennuierait fort d'en chercher un autre, Courier, Lett. I, 58.
  • 2 V. a. Causer de l'ennui. Nous pardonnons souvent à ceux qui nous ennuient ; mais nous ne pouvons pardonner à ceux que nous ennuyons, La Rochefoucauld, Max. 304. Le sage quelquefois évite le monde de peur d'être ennuyé, La Bruyère, V. On lit peu ces auteurs faits pour nous ennuyer, Qui toujours sur un ton semblent psalmodier, Boileau, Art p. I.

    Absolument. Un homme habile sent s'il convient ou s'il ennuie, La Bruyère, V. À quelque prix que ce puisse être, Sauve-moi l'affront d'ennuyer, Lamotte, Odes, t. I, p. 155, dans POUGENS. Mais malheur à l'auteur qui veut toujours instruire ; Le secret d'ennuyer est celui de tout dire, Voltaire, Discours VI.

  • 3S'ennuyer, v. réfl. Éprouver de l'ennui. S'ennuyer de tout. Enfin ce galant homme s'ennuya de les ennuyer : il les délivra de sa fâcheuse visite, Scarron, Rom. com. I, 13. Nous nous vantons souvent de ne nous point ennuyer ; nous sommes si glorieux que nous ne voulons pas nous trouver de mauvaise compagnie, La Rochefoucauld, Max. 141. Qu'on leur die Qu'ils se font trop attendre et qu'Attila s'ennuie, Corneille, Attila, I, 1. Et vous qui vous plaisez aux folles passions, Profanes amateurs de spectacles frivoles, Dont l'oreille s'ennuie au son de mes paroles, Racine, Esther, Prologue. Il [Stilicon] s'ennuya de n'être que le tuteur, le beau-père, le favori et le maître même de l'empereur, et entreprit de mettre l'empire dans sa maison, Fléchier, Hist. de Théod. IV, 75. Parce qu'Alexandre s'ennuie, Il va mettre le monde aux fers, Lamotte, Fabl. I, 16.

    S'ennuyer à, avec l'infinitif. S'ennuyer à attendre.

    Faire ennuyer, avec suppression du pronom personnel, faire qu'on s'ennuie. Et ceux qui l'ont tiré de l'exercice de sa charge pour le promener à Paris ne prétendent autre chose que de le faire ennuyer, Guez de Balzac, VIII, Lett. 47.

HISTORIQUE

XIe s. Nos cheval sont et las et ennuiez, Ch. de Rol. CLXXVI.

XIIe s. Les Frans de France trouverez enuiez De coups ferir…, Ronc. p. 69. Baron, dit l'anfes [l'enfant], ne vous doit anuier…, ib. p. 187. Mout annuia Tierri quant se sentit navré, ib. p. 195. Tant [je] ne porroie servir [ma dame] Qu'il me peüst ennuyer, Couci, XI. Gilemer, dit li dus, mout nous doit anuier Que tant nous veut cist rois pener et travaillier, Sax. XVI.

XIIIe s. Seignor, or escoutez, pour Dieu [que cela] ne vous ennuit, Berte, XXXVI. Mout forment luy ennuye de sa fille Bertain, De qui la gent se plaignent de toutes pars à plain, ib. LXXIII. Ci se volt taire Faus-semblant ; Mais amors ne fait pas semblant Qu'il soit ennoiés de l'oïr, la Rose, 11417.

XVe s. Tous maulx suis content de porter, Fors ung seul qui trop fort m'ennuye, C'est qu'il me faut loing demourer De celle que tiens pour amye, Orléans, Ball. 40. Par la raison que vous avez ouye cy dessus, et aussi que les choses longues luy ennuyoient, Commines, III, 3. Ceste armée d'Angleterre mist bien ung an à estre preste ; il ennuya à monseigneur de Bourgogne, Commines, IV, 1.

XVIe s. Veu que tous ceux qui le plus fort s'appuyent Sur leurs plaisirs, de leurs plaisirs s'ennuyent, Marot, I, 383. Vous pouvés penser combien la longueur de son mal luy ennuye, Marguerite de Navarre, Lett. 143. Il luy ennuyoit de veoir les choses en paix et repos, Amyot, les Gracq. 44.

ÉTYMOLOGIE

Ennui ; Berry, ennier, ennueyer ; prov. enoiar, enujar, enuiar, enuejar, enueiar ; anc. catal. enojar, ennujar ; catal. mod. enujar ; espagn. et portug. enojar ; ital. annoiare.