« errer », définition dans le dictionnaire Littré

errer

Définition dans d'autres dictionnaires :

Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

errer

(è-rré) v. n.
  • 1Aller de côté et d'autre, à l'aventure. Errer çà et là. L'humble toit est exempt d'un tribut si funeste ; Le sage y vit en paix et méprise le reste ; Content de ses douceurs, errant parmi les bois…, La Fontaine, Phil. et Bauc. Ces hommes autrefois morts au monde erraient par le désert et dans les villes, Fléchier, Panég. I, p. 391. Tantôt un livre en main, errant dans les prairies, J'occupe ma raison d'utiles rêveries, Boileau, Épit. VI. Il erra cinq à six mois, toujours poursuivi et toujours tranquille, dans les montagnes et les petites îles au nord de l'Écosse, D'Alembert, Éloges, Milord Maréchal.
  • 2 Fig. S'égarer, flotter çà et là. Mais sans errer en vain dans ces vagues propos, Boileau, Sat. IV. Le bonheur de l'impie est toujours agité ; Il erre à la merci de sa propre inconstance, Racine, Esth. II, 9. Son esprit errait d'impiété en impiété, Massillon, Car. Évid.

    Se dit de la pensée, de l'esprit qui ne se fixe pas. Où allez-vous, cœurs égarés ? quoi ! même pendant la prière, vous laissez errer votre imagination vagabonde ? Bossuet, Marie-Thèr. Notre esprit erre sur mille vains objets, Massillon, Myst. Pentecôte.

    Laisser errer, laisser en toute liberté. Laisser errer ses pensées, s'abandonner à ses rêveries, à de vagues méditations. Il laisse errer sans art sa plume et son esprit, Sait peu ce qu'il va dire, et peint tout ce qu'il dit, Delille, Imagin. VI.

  • 3Se tromper, avoir une opinion fausse. Ses chagrins le rendaient pourtant méconnaissable, Un œil indifférent à le voir eût erré, La Fontaine, Filles de Min. Très lourdement il errait en cela, La Fontaine, Cal. Ils n'auront point le malheur d'avoir erré dans la foi, Pascal, Prov. 17. Dont quelques-uns ont pris sujet d'errer contre l'immortalité de l'âme, Pascal, Juifs, 31. La même erreur les fait errer diversement, Boileau, Sat. IV. Si j'avais erré dans ma méthode, Rousseau, Émile, I.

    Absolument. Se tromper dans quelque doctrine. Cet esprit de douceur et de modestie, seul capable de ramener ceux qui errent, Massillon, Myst. Dispos. Si ce grand homme a erré, que ne dois-je pas craindre ? Montesquieu, Esp. XXX, 25. Il est faux que le mufti prétende, comme le grand lama, qu'il ne peut errer ; loin de vouloir persuader qu'il est infaillible, il met toujours au bas de ses réponses et de ses décisions : D'ailleurs il n'y a que Dieu qui ne peut jamais se tromper, Saint-Foix, Ess. Paris, Œuvres, t. IV, p. 372, dans POUGENS.

SYNONYME

ERRER, VAGUER. Vaguer, c'est être vagabond, c'est-à-dire n'avoir pas de demeure fixe, ou sortir de l'ordre fixé. Errer, c'est porter ses pas à l'aventure. On erre dans les bois ; et l'on n'y vague pas, ou, si l'on y vague, c'est comme un vagabond. Il ne faut pas laisser vaguer les bestiaux dans les champs ; errer ne pourrait pas ici remplacer vaguer, attendu que vaguer a quelque chose de blâmable qui n'est pas dans errer. Au figuré, Bossuet (cité par Roubaud) a dit : " L'homme qui se présente à vous par contrainte, par bienséance, laisse vaguer ses pensées, sans que vos discours arrêtent son esprit distrait. " Ici errer pourrait remplacer vaguer, sauf que vaguer a une nuance méprisante qui n'est pas dans errer.

HISTORIQUE

XIIIe s. Qui erre contre la foi, comme en mescreance, de lequele il ne veut venir à voie de verité, il doit estre ars [brûlé], Beaumanoir, XXX, 11.

XIVe s. Et pour ce aucuns errent en ceste question, Oresme, Eth. 162.

XVe s. Et cognoissoit lors qu'il avoit erré en beaucoup de passages, Commines, III, 12.

XVIe s. Il alla errant cà et là par le monde, jusques à ce que…, Amyot, Lyc. 3.

ÉTYMOLOGIE

Provenç. et espagn. errar ; ital. errare ; du latin errare ; grec, ἔῤῥειν ; allem. irren. Il ne faut pas confondre ce verbe avec un autre errer, qui se trouve dans l'ancien français et qui signifie aller, voyager, cheminer : Tant erra qu'il vint en uns prés par delà Andrenople, H. de Valenciennes, XI. ; Les chevaliers qui la menoent, Qui ensemble od li erroent, Si cumanda tuz à rester, Marie de France, I, p. 394. Ce verbe, sous cette forme ou sous celle de oirrer, était très employé ; il vient du bas-latin iterare, voyager (voy. ERRE). Le chevalier errant était, d'après la remarque de Diez, non pas le chevalier qui erre, mais le chevalier qui voyage de pays en pays.