« genou », définition dans le dictionnaire Littré

genou

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

genou

(je-nou. Chifflet, Gramm. p. 209, dit que ce mot, s'écrivant genouil, se prononçait néanmoins genou) s. m.
  • 1Partie antérieure de l'articulation de la cuisse avec la jambe. Il avait mis [Salomon] les deux genoux en terre, et tenait les mains étendues vers le ciel, Sacy, Bible, Rois, III, VIII, 54. Et mes genoux tremblants se dérobent sous moi, Racine, Phèdre, I, 3. Il me prit sur ses genoux, Fénelon, Tél. III. En parlant ainsi, il appuyait son large genou contre la poitrine de son adverse partie, Voltaire, l'Ingénu, 3. L'usage a toujours subsisté que les députés du tiers état parlassent au roi un genou en terre, ainsi que les gens du parlement, du parquet, et le chancelier même dans les lits de justice, Voltaire, Mœurs, 83. Le munitionnaire n'obtint la vie qu'en se traînant longtemps sur ses genoux aux pieds de Napoléon, Ségur, Hist. de Nap. IX, 14.

    Populairement. La boîte du genou, l'articulation du genou.

    Mettre à genoux, genre de punition usité dans les écoles.

    Être, tomber, se prosterner aux genoux de quelqu'un, prendre une posture de suppliant devant lui.

    Fig. Être aux genoux de quelqu'un, lui être soumis, obéissant. Son repentir le ramènera bientôt à vos genoux.

    Fig. Être aux genoux d'une femme, lui témoigner son amour par des respects et des adorations. L'orgueilleuse m'attend encore à ses genoux, Racine, Andr. II, 5.

    Fléchir les genoux, se mettre à genoux. Le prince fléchit le genou, et, dans le champ de bataille, il rend au Dieu des armées la gloire qu'il lui envoyait, Bossuet, Louis de Bourbon. Fléchir le genou devant la divinité, Massillon, Avent, Circonc.

    Fig. Fléchir ou ployer le genou, faire acte de soumission. En vain, pour satisfaire à nos lâches envies, Nous passons près des rois tout le temps de nos vies à souffrir des mépris et ployer les genoux, Malherbe, I, 3. Le roi ne sera pas plutôt en chemin que tout fléchira le genou, Sévigné, 439. Il n'a devant Aman pu fléchir les genoux, Racine, Esth. III, 4.

    Fig. Fléchir les genoux devant les idoles, adorer les idoles.

    On dit de même : fléchir les genoux devant Baal.

    Les genoux fléchissent, on ne peut se tenir debout, on tombe à genoux. Il me fut impossible de me traîner seul jusque-là ; mes genoux fléchissaient sous moi, il fallut que l'on me soutînt, Marmontel, Mém. III.

    Fig. Les genoux fléchissent, on fait acte de soumission. Il venait d'épouser la nièce d'un ministre devant qui tous les genoux fléchissaient, Hamilton, Gramm. 3.

    Embrasser les genoux de quelqu'un, se prosterner devant lui et lui prendre les genoux d'une façon suppliante ; locution qui vient de l'usage qu'avaient, chez les anciens, les suppliants de s'agenouiller devant la personne qu'ils suppliaient et de lui saisir les genoux. Seigneur, c'est donc à moi d'embrasser vos genoux, Racine, Iphig. III, 5.

    Fig. et familièrement. Rompre l'anguille au genou, voy. ANGUILLE.

    À genoux, les genoux en terre. Être à genoux pour prier. Tomber, se jeter à genoux devant quelqu'un. Chaque jour, à l'église, il venait d'un air doux Tout vis-à-vis de moi se mettre à deux genoux, Molière, Tart. I, 6. Allons, mettez-vous à genoux. - à genoux ? - Oui, à genoux et sans tarder, Molière, G. Dand. III, 14. Elle me fit mettre à genoux auprès de son lit, Sévigné, 12. Quand Cortez arriva dans la ville de Mexico, il fut reçu par Montezuma comme son maître, et par les habitants comme leur dieu ; on se mettait à genoux dans les rues, quand un valet espagnol passait, Voltaire, Mœurs, 147. Les Anglais servent leur monarque à genoux, mais ils le déposent, l'emprisonnent et le font périr sur l'échafaud, Voltaire, Dict. phil. Contradiction.

    On dit aussi : se mettre à deux genoux. Il se mit à deux genoux aussitôt qu'il m'aperçut, Sévigné, 235.

    Genou terre ! commandement militaire elliptique, lorsque le premier rang doit mettre un genou en terre pour faire feu.

    À genoux ! locution elliptique par laquelle on commande de se mettre à genoux. …Profanes, à genoux ! Boileau, Lutr. v.

    Fig. À genoux, avec une profonde soumission. Les gardes sans tarder l'ont ouverte [la porte] à genoux, Racine, Bajaz. III, 8. En voyant devant moi tout l'empire à genoux, Racine, ib. II, 1. Un peuple obéissant vous attend à genoux Sous un ciel plus heureux et plus digne de vous, Racine, Mithr. I, 3. Les soudans qu'à genoux cet univers contemple, Voltaire, Zaïre, I, 2. L'Amérique à genoux adoptera vos mœurs, Voltaire, Alz. I, 1. Allez, portez en pompe et servez à genoux L'idole dont le poids va vous écraser tous, Voltaire, Fanat. I, 1.

    Fig. À genoux, en suppliant. Votre Rome à genoux vous parle par ma bouche, Corneille, Cinna, II, 1. Un auteur à genoux, dans une humble préface, Au lecteur qu'il ennuie a beau demander grâce, Boileau, Sat. IX.

    Fig. Demander une chose à genoux, à deux genoux, la demander avec instance. Les autres, éblouis de ses moindres exploits, Sont venus, à genoux, lui demander des lois, Racine, Alex. II, 2. Se plaignait de ses emportements, et lui demandait à deux genoux ses conseils, pour réussir auprès d'une personne dont lui seul avait véritablement possédé les affections, Hamilton, Gramm. 8.

    Fig. Être à deux genoux, se mettre à deux genoux, solliciter très vivement. Il était à deux genoux devant moi pour l'acheter, Hamilton, Gramm. 11. Luxembourg, au désespoir de se voir échapper une si facile campagne, se mit à deux genoux devant le roi et ne put rien obtenir, Saint-Simon, II, 127.

    Fig. Être à genoux, avoir des sentiments serviles par intérêt ou autrement. être à genoux devant quelqu'un. C'est un homme qui est toujours à genoux devant le pouvoir.

    Ironiquement. On dit d'un chauve : sa tête est comme un genou, comme son genou.

    Ce couteau-là coupe comme le genou de ma grand'mère, comme un genou, il ne coupe pas du tout.

  • 2Genou se dit aussi des animaux. Le genou de l'éléphant.

    Chez le cheval, genou, l'articulation complexe formée par le radius, les os carpiens et les métacarpiens.

    Genou de bœuf, genou trop volumineux. Genou de veau, genou petit, grêle et arrondi. Genou de mouton, genou creux. Genoux trop ouverts, genoux portés en dehors.

  • 3 Terme de mécanique. Boule de cuivre ou d'autre matière solide que l'on serre, avec une faible pression, entre deux capsules hémisphériques, et que l'on met en haut du pied qui sou tient certains instruments, de façon à leur permettre de tourner en tous sens. Un genou pour porter une lunette. Le genou d'un graphomètre.
  • 4Appareil qui, dans les chemins de fer, sert à commander les freins.
  • 5 Terme de marine. Pièce de bois courbe qui est entre les varangues et les allonges, pour former la rondeur et la côte d'un navire.

    Partie d'un aviron comprise entre la poignée et le point d'appui.

REMARQUE

L'Académie écrit genoux par un x au pluriel, tandis qu'elle écrit des verrous par une s ; mot qui vient d'une finale latine en uculum, veruculum, comme genou, de geniculum. Il serait mieux de conserver l'analogie et l'uniformité et de mettre partout des s.

HISTORIQUE

XIe s. Sur son genoill [il] en fiert son destre gant, Ch. de Rol. CLXXXVIII.

XIIe s. E Helyes muntad le sumet del munt de Carmele, si se mist par terre e sa face entre ses genuils, Rois, p. 318.

XIIIe s. Li mien genoil sunt affebli pour la geüne [le jeûne], Psautier, f° 137. Li empereres Baudoins estoit remès en Constantinoble, et li quens Hues de Saint Pol, qui malades estoit d'une grant maladie de goute qui le tenoit es genols et es piés, Villehardouin, CXXIX. À nus genous sur terre souvent [elle] s'agenoilloit, Berte, XXVIII. Lors [elle] se met à genous, la terre va baisier, Berte, XXXIX. Et est l'un [ami] à l'autre si comme li genoils à la jambe, Latini, Trésor, p. 322. Bele Erembors à la fenestre al jor Sur ses genoz tient paile de color, Romancero, p. 49. Au tier genoil [à la troisième génération], Liv. de just. 81.

XVe s. Jean qui se mit à un genou devant le roi, Froissart, I, I, 308. Le temps si mal se disposa, que par son ost à peine pouvoit-on aller, et estoient les gens en la boue jusques aux genouils, Juvénal Des Ursins, Charles VI, 1406. Faire le petit genoil [faire la révérence], Aresta amorum, p. 152, dans LACURNE.

XVIe s. …afin que tout genouil se fleschist devant lui, Calvin, Inst. 350. Elle se jeta à deux genoux devant son frere et lui dit…, Marguerite de Navarre, Nouv. X. Ces gens-là n'oyent la messe que d'un genou, Sat. Mén. p. 70. Resnier, le vendredi, oiant rompre les portes de sa chambre, estoit de genoux avec son vallet de chambre qu'il avoit convié de mourir en chrestien, D'Aubigné, Hist. II, 23. Ils sont à cheval et vous à genous, D'Aubigné, ib. II, 185. Le mal saint genou [la goutte], Oudin, Curios. fr. Il a les genoils gros, il profitera, Oudin, ib. Ils [les anciens] tomboient aux genouils pour requerir ou saluer un grand, Montaigne, I, 371.

ÉTYMOLOGIE

Bourguig. genon ; provenç. genolh, ginolh ; catal. genoll ; anc. espagn. ginojo ; ital. ginocchio ; du lat. geniculum, diminutif de genu, genou ; allem. Knie ; sanscrit, jāanu. Pour dire à genoux, l'ancienne langue disait souvent à genoillons.

SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIRE

GENOU. - REM. Ajoutez :

2. Au lieu de fléchir le genou ou les genoux, Bossuet a dit courber : Ils n'avaient point courbé le genou devant Baal, Instr. 2.