« harnais », définition dans le dictionnaire Littré

harnais

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

harnais ou harnois

(har-nê ; l's se lie : un har-nê-z en bon état ou har-noî ; cette prononciation n'est usité qu'en poésie ; de ces deux prononciations, harnois est l'ancienne prononciation de Paris et de la Picardie ; harnais est l'ancienne prononciation de la Normandie et de l'Ouest ; au XVIe siècle, H. Estienne, Du Nouv. lang. f. ital. p. 557, déclare préférer de beaucoup la prononciation de harnois, comme étant plus virile, à celle de harnès) s. m.
  • 1 Anciennement. L'armure complète d'un homme d'armes. Il faut remettre encor le harnois sur le dos, Tristan, M. de Chrispe, III, 2. Savez-vous pour la gloire oublier le repos, Et dormir en plein champ le harnois sur le dos ? Boileau, Sat. V.

    Endosser le harnois, embrasser la profession des armes.

    Fig. et par plaisanterie. Endosser le harnois ou le harnais, se dit d'un homme d'Église ou de robe qui revêt les habits de sa profession.

    Il sue dans son harnois, dans son harnais, se dit d'un homme trop vêtu.

    Fig. et familièrement. Suer dans son harnois ou dans son harnais, être mal à l'aise. Don Mathéo suait dans son harnois, Pressait, priait, conjurait avec larmes, La Fontaine, Belph.

    Cet orateur s'échauffe dans son harnois ou dans son harnais, il parle avec beaucoup de chaleur et de véhémence. Le duc de Noailles bavarda longtemps sans dire grand'chose ; peu à peu s'échauffant comme exprès dans son harnais : vous n'avez pas voulu, me dit-il, des finances, Saint-Simon, 405, 5.

    S'échauffer dans son harnais, dans son harnois, signifie aussi s'exciter. Ma foi, le philosophe D'un feu long et discret dans son harnois s'échauffe, Regnard, Distrait, II, 6.

    Blanchir sous le harnais, sous le harnois, vieillir dans le métier des armes. Sire, ainsi ces cheveux blanchis sous le harnois, Ce sang pour vous servir prodigué tant de fois…, Corneille, Cid, II, 9. Excusez un Tartare, excusez un soldat Blanchi sous le harnois et dans votre service, Voltaire, Orphel. IV, 2.

    Familièrement. Blanchir sous le harnois, sous le harnais, vieillir dans un métier quelconque. Vous, qui avez blanchi, comme on dit, sous le harnois, Molière, Pourc. I, 11. Il a vieilli sous le harnois en voyant ; il est spectateur de profession, La Bruyère, VII.

    Il faut mourir dans le harnois ou dans le harnais, se dit d'une profession pénible qu'on a embrassée et qu'on ne peut quitter.

    Par extension, toute espèce d'habit militaire. C'est à la faveur de mon harnais que j'ai parcouru l'Italie, où l'on ne pouvait voyager qu'avec une armée, Courier, Lett. I, 115.

  • 2Harnais, tout l'équipage d'un cheval de selle.

    Tout l'équipage de cuir d'une voiture.

  • 3 Par extension, chevaux et attirail d'un voiturier, d'un roulier. C'est un chemin trop étroit pour les harnais.

    Cheval de harnais, cheval de charrette.

  • 4 Terme d'oiselier et de pêcheur. Tout l'équipage qui sert pour la chasse des petits oiseaux ou pour la pêche.
  • 5Assemblage de plusieurs pièces, dont le rubanier et le gazier se servent pour confectionner leurs étoffes.
  • 6 Terme de métallurgie. Double harnais, appareil qui fait mouvoir les soufflets.

HISTORIQUE

XIIe s. Harnois [bagage] et toute la frapaille Qui riens ne surent de bataille, [il] Fist dejouste le mont ester, Brut, ms. f° 94, dans LACURNE. Du sanc des bestes ont lor cors ensanglantez, Lor harneiz e lor hons en ont avironnez, Wace, Rou, 1781.

XIIIe s. Bien i ot vint mile que homes, que femes, que enfans, et bien trois mile chars chargiés de leur robes et de leur harnois, sans leur autres proies, Villehardouin, CLXV. Nus ne puet ouvrer au diemenche… se ce n'est pour enarmer un escu au besoing, ou pour metre uns estriez et un poitral à une sele ou un harnais à some atachier, Liv. des mét. 211. Hom quelconques il soit, se il vient de dehors Paris por ester à Paris, ou vait hors de Paris por ester ailleurs et il amaine ou remaine le harnais de son ostel en une nef, ib. 305. Et li destrier sor quoi [elles] seoient, Molt tost et molt souef ambloient ; Et sachiés bien que l'un hernois N'esligast mie [ne dédaignât] uns riches rois, Lai du trot. Il deit perdre son harneis de chevau et d'armeures, et deit estre bani fors dou pays, Ass. de Jér. I, 212.

XIVe s. Je vous donne congiet, vos harnas est toursés, Et mille florins d'or, que vous despenderés, Baud. de Seb. IX, 755.

XVe s. Jean Bourcinel avoit pourvu deux harnois d'armes bons et suffisans, Froissart, II, II, 85. Appartient il que les harnas Porte un corbeau ou un huas [chat-huant] De l'aigle et le noble courroy ? Deschamps, Poésies mss. f° 320. De bons harnois [habits], de bons chaucons [chaussons] vestus, ib. f° 234. Et y estoit portant le harnois le chancelier de France, Commines, I, 2. Incontinent qu'il [le duc de Bourgogne] estoit descendu de cheval au lieu où il venoit pour loger, il ostoit le menu harnoys et retenoit le corps de la cuyrasse, Commines, V, 6.

XVIe s. Nous sommes icy assez mal avitaillés, et pourveus maigrement des harnoys de gueulle, Rabelais, Garg. I, 32. Benoist monsieur, dit Panurge [à Dindenault qui s'exaltait à vanter ses moutons], vous vous eschauffez en vostre harnois, Rabelais, Pant. IV, 7. La jeunesse s'eschauffe si avant en son harnois toute endormie, que…, Montaigne, I, 92. Nous louons un cheval de ce qu'il est vigoreux, non de son harnois, Montaigne, I, 324. Harnois ne vaut rien s'il n'est deffendu, Leroux de Lincy, Prov. t. II, p. 169. Que nul ne se ingere ou advance de pesquier [pêcher] d'aucun harnas es eauwes de nostre dit pays, Coust. gén. t. I, p. 813.

ÉTYMOLOGIE

Picard, harnas, attelage de quatre chevaux ; wallon, herna ; namur. hernè ; Berry, harnas ; provenç. et espagn. arnes ; portug. arnez ; ital. arnese ; angl. harness ; du celtique : bas-bret. harnez, ferraille ; kimry, haiarn, fer ; irl. iaran ; mot qui est de même racine que le germanique : angl. iron, fer ; allem. Eisen ; anc. h. allem. îsarn. Le moyen h. allem. harnasch, et l'allem. mod. Harnisch viennent des langues romanes. Le sens propre est engin en fer, armure ; puis de là le mot a passé au sens de toute espèce d'engin soit pour le cheval, soit pour la chasse, soit pour la cuisine, etc.