« monnaie », définition dans le dictionnaire Littré

monnaie

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

monnaie

(mo-nê) s. f.
  • 1Pièce de métal servant aux échanges, frappée par une autorité souveraine, et marquée au coin de cette autorité ; en d'autres termes, lingot dont le poids et le titre sont certifiés. La monnaie d'or de France, sur mille parties, doit contenir 898 à 902 d'or, ou 900, terme moyen. Portion de matière à laquelle l'autorité publique a donné un poids et une valeur certaine pour servir de prix et égaler dans le commerce l'inégalité des choses, Bouteroue, Traité des monnaies, p. 8, dans RICHELET. Pourrait-on jamais s'imaginer l'étrange disproportion que le plus ou moins de pièces de monnaie met entre les hommes ? La Bruyère, VI. Interdire [à Sparte] tout usage de la monnaie d'or et d'argent, et en introduire à sa place une de fer, qui était d'un grand poids et d'une très petite valeur, et qui ne pouvait avoir de cours que dans le pays même, Rollin, Hist. anc. Œuvr. t. IV, p. 473, dans POUGENS. J'insiste souvent sur ce prix des monnaies ; c'est, ce me semble, le pouls d'un État, et une manière assez sûre de reconnaître ses forces, Voltaire, Mœurs, 51. Vous savez que la première monnaie d'or fut frappée sous Darius, fils d'Hystaspe, Voltaire, Quelq. niais. ch. 7. Suivant la Chronique de Paros, la première monnaie d'argent fut frappée par ordre de Phidon, dans l'île d'Égine, l'an 895 avant l'ère vulgaire, Levesque, Inst. Mém. sc. mor. et pol. t. III, p. 368.

    Battre monnaie, fabriquer de la monnaie, qui en effet se frappe au balancier, et autrefois se frappait au marteau. Le prince seul a droit de battre monnaie, Rousseau, Ém. III. L'Angleterre avait toujours été si pauvre que le roi Édouard III fut le premier qui fit battre de la monnaie d'or, Voltaire, Dict. phil. Argent.

    Fig. Battre monnaie, se procurer de l'argent. Chamillart avait battu monnaie de tout ce qu'il avait, et emprunté le reste, Saint-Simon, 70, 153. On ne peut que vous fournir du papier. - J'en ferai de l'espèce, moi, je battrai monnaie, je m'en charge, Dancourt, les Agiot. III, 9. La plume d'un négociant, d'un banquier doit battre monnaie sur son bureau, et laisser au peuple la monnaie des métaux, qui représente et paye journellement le travail de ses mains, Toulongeon, Inst. Mém. scienc. mor. et pol. t. IV, p. 428.

    Monnaie forte, nom que l'on donnait à la monnaie la plus pure d'alliage. Payer en monnaie forte, payer en espèces évaluées sur un pied avantageux à celui qui reçoit. Monnaie faible, celle qui ne pèse pas tout à fait le poids voulu.

  • 2Monnaie de compte ou monnaie imaginaire, monnaie qui n'a jamais existé ou qui n'existe plus, mais qui sert à faciliter les comptes, en les établissant toujours sur un pied certain et non variable, par opposition à monnaie réelle ou effective, monnaie dont il existe des pièces ayant cours dans le commerce. La livre tournois était une monnaie de compte ; on comptait par livres, sous et deniers : cent livres, deux cents livres ; mais, pour faire cent livres, il fallait seize écus de six livres, un écu de trois livres, une pièce de 15 sous et 5 sous.
  • 3Monnaie obsidionale, monnaie frappée dans une ville assiégée où on lui donne cours pendant le siége.

    On donne aussi le nom de monnaie à des pièces sans aucune valeur intrinsèque, mais passant pour monnaie en des temps difficiles. Le roi même fut réduit à payer ce qu'il achetait pour sa maison en une monnaie de cuir, qui avait au milieu un petit clou d'argent, Voltaire, Mœurs, 76.

  • 4Papier-monnaie, papier créé par le gouvernement pour faire office de monnaie.

    Monnaie fiduciaire, les billets, le papier.

  • 5Fausse monnaie, monnaie qui, imitant la monnaie de bon aloi, ne contient pas d'or ou d'argent, ou en contient moins qu'il ne faut. Hier fut ici pendue une femme pour avoir exposé de la fausse monnaie, et celui qui la faisait a eu sa grâce ; il y a de l'apparence que c'est qu'il avait de bonne monnaie, outre la fausse qu'il faisait, Patin, Lett. t. II, p. 204.

    Fig. Confondre l'apparence avec la vérité, Estimer le fantôme autant que la personne Et la fausse monnaie à l'égal de la bonne, Molière, Tart. I, 6. Je suis un sou de bon aloi ; Mais en secret argentez-moi, Et me voilà fausse monnaie, Béranger, Refus.

    On dit qu'un homme ferait de la fausse monnaie pour un autre, pour signifier qu'il lui est entièrement dévoué. Qu'elle ferait pour moi de la fausse monnaie, Régnier, Sat. X.

    Familièrement. Être décrié comme de la fausse monnaie, comme la fausse monnaie, comme fausse monnaie, avoir une très mauvaise réputation.

  • 6Menues pièces d'argent ou de billon. Je n'ai pas de monnaie sur moi. Je n'ai pas un sou de monnaie. Changer une pièce d'or en monnaie. Rendez-moi ma monnaie. Vous connaissez bien une dame qui n'aime point à changer un louis d'or, parce qu'elle trouve le même inconvénient pour la monnaie, Sévigné, 12 oct. 1677.

    Fig. Ne pouvoir supporter tous les mauvais caractères dont le monde est plein, n'est pas un fort bon caractère : il faut, dans le commerce, des pièces d'or et de la monnaie, La Bruyère, V.

    Valeur d'une pièce monnayée en plusieurs pièces moindres. La monnaie d'une pièce de cent sous.

    Fig. Les diseurs de bons mots appelèrent ces huit maréchaux [nommés après la mort de Turenne] la monnaie de M. de Turenne, Henri Martin, Hist. de France, LXXXIV.

    Valeur d'un billet en pièces d'or ou d'argent.

    Donner à quelqu'un de belle monnaie, donner des pièces d'or ou d'argent au lieu de pièces de cuivre ou de billon.

    Fig. Rendre à quelqu'un la monnaie de sa pièce, se venger, user de représailles, prendre sa revanche.

    Payer en monnaie de singe, voy. SINGE.

    Fig. Il l'a payé en même monnaie, se dit de celui qui, ayant reçu quelque service ou quelque déplaisir rend la pareille. C'est vous payer sur l'heure en la même monnaie, Th. Corneille, l'Amour à la mode, I, 1.

  • 7 Fig. Chose intellectuelle ou morale, dite monnaie en considération de sa valeur. Le plaisir, qui est la monnaie pour laquelle nous donnons tout ce qu'on veut, Pascal, Pens. VII, 30, éd. HAVET. La science est dans la plupart de ceux qui la cultivent une monnaie dont on fait grand cas, qui cependant n'ajoute au bien-être qu'autant qu'on la communique, et n'est bonne que dans le commerce, Rousseau, Hél. I, 12.

    Paroles ou actions dont il se fait une espèce d'échange dans la société. La science ne doit point être payée en même monnaie que la beauté, Fontenelle, Platon, Marg. d'Écosse. M. de Chevreuse fit force belles promesses, monnaie dont aucun ne se paya, Saint-Simon, 20, 238. Et de cette fausse monnoie Que le courtisan donne au roi, Et que le prince lui renvoie, Chacun vit ne songeant qu'à soi, Voltaire, Epît. 55.

  • 8Hôtel de la monnaie, des monnaies, et, par abréviation, la monnaie, établissement où l'on fabrique la monnaie. Aller à la monnaie. Porter des lingots à la monnaie. C'est ainsi que la monnaie des rois de France suivait la cour sous les deux premières races et au commencement de la troisième, Mongez, Inst. Mém. acad. inscr. t. IX, p. 211.

    Fig. et populairement. Être brouillé avec le directeur de la monnaie, n'avoir pas d'argent.

    La monnaie des médailles, le lieu où l'on frappe les médailles, les jetons.

  • 9Chambre des monnaies, érigée en cour par Henri II dans l'année 1551, cour supérieure qui était établie pour juger souverainement tout ce qui concernait les monnaies.
  • 10 Terme de botanique. La lunaire bisannuelle.

    Monnaie du pape, la lysimachie nummulaire ou monnayère.

  • 11Nom de diverses coquilles.
  • 12 Terme de minéralogie. Monnaie de Suède, nom donné anciennement, dans le commerce, au cuivre coulé en pains ronds.

PROVERBES

Monnaie fait tout.

Il n'a point de monnaie, faute de grosses pièces, se dit de quelqu'un qui prend ce prétexte pour éviter une menue dépense.

REMARQUE

Dans le XVIIe siècle, on prononçait encore monnoie, témoin ces vers : D'un ton qui témoignait sa joie : Que de filles, Ô dieux ! mes pièces de monnoie Ont produites !…, La Fontaine, Fabl. IV, 12. Lorsqu'un homme vous vient embrasser avec joie, Il faut bien le payer de la même monnoie, Molière, Mis. I, 1. Mais la diphthongue oie n'avait pas alors exactement le son ouvert qu'elle a aujourd'hui, et on disait, comme cela se dit encore en quelques provinces, monoué [monnoie], roué [roi], etc.

HISTORIQUE

XIIe s. Je te doing congé de faire ta propre monoie, Machab. I, 15.

XIIIe s. Monoie si fut establie Por les giens qui n'avoient mie Chescun vin, blé, bestes ne dras, Image du monde, III, 12. Cil font la povre gent tuer, Et les monnoies remuer, Ren. 10968.

XIVe s. Et est monnoie aucunement le moien en commutations, car par elle mesure l'en toutes teles choses, Oresme, Eth. 151. Et que nulle monnoie ne soit prise au royaume, de la Saint Jean en avant, là où il n'a point de propre monnoie, fors la monnoie le roi… et puet [peut] et doit courre la monnoie le roy par tout son roiaume sans contredit de nulli qui ait propre monnoie, ou [au] point que ele courra en la terre le roy, Du Cange, moneta regia. Et fait crier que nus [nul], sur peine de corps et d'avoir, ne soit ousez trebuchier ni fondre nos monoies blanches ni noires que nous faisons faire, Lett. pat. 19 mai 1305. Que nuls orfevres ne rachatent… nules monnoies d'or ne d'argent, blanches ne noires, ne nul argent en plate quelque il soit, Ordonnance, juin 1313. Se ainsi estoit que li ouvriers et monoiers ne peussent garnir nos monnoies de tant d'ouvriers et monoiers comme l'en [l'on] auroit mestier [besoin], Ordonn. 25 sept. 1327.

XVe s. Et tous les jours [le comte de Foix] faisoit donner cinq francs en petite monnoie, pour l'amour de Dieu, et l'aumosne à sa porte à toutes gens, Froissart, II, III, 13. Vous luy donnerez quelque enseignement dont il pourra mieux valloir ; car ung marchant ne vault riens sanz monnoye, ne ung jeune homme sanz conduite, Perceforest, t. III, f° 115. Je, Jehan Hennequart, varlet de chambre et peintre de mon très redoubté seigneur M. S. le duc de Bourgongne, confesse avoir reçu … pour avoir fait plusieurs patrons pour faire coings de nouvelles monnoies, au nombre de trente manieres, dont je fis quatre de couleurs, lesquels M. D. S. choisit entre les autres, De Laborde, Émaux, p. 396.

XVIe s. À pouvres gens menue monnoie, Cotgrave

ÉTYMOLOGIE

Wall. manoie ; provenç. et espagn. moneda ; port. moeda ; ital. moneta ; du lat. moneta. Monēta, qui signifie sans doute celle qui avertit, était un surnom de Junon à Rome, Juno Moneta ; c'est dans son temple qu'on fabriquait la monnaie ; de là moneta prit le sens de monnaie.

SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIRE

MONNAIE. Ajoutez :
13Monnaie de faillite, admission au passif chirographaire d'un failli. M. C… [syndic de la faillite T…] l'a assigné… afin d'être autorisé à prendre possession des arbres et bois en provenant, offrant d'en payer le prix en monnaie de faillite,… donne acte au demandeur de ce qu'il offre d'admettre le sieur T… [vendeur des arbres] au passif de la faillite pour le montant de sa créance en principal et accessoires, Gaz. des Trib. 29 oct. 1876, p. 1056, 1re col.
14Monnaie de papier, valeur qui naît des contrats et qui est échangeable contre espèces à la demande du porteur.