« muraille », définition dans le dictionnaire Littré

muraille

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

muraille

(mu-râ-ll', ll mouillées, et non murâ-ye) s. f.
  • 1Ensemble de murs épais et d'une certaine élévation. Saper une muraille. Escalader la muraille. Le comble s'est abattu sur les murailles, et les murailles sur le fondement, Bossuet, la Vallière. Représentez-vous un homme né dans les richesses, mais qu'il a dissipées par ses profusions ; il ne peut souffrir la pauvreté, ces murailles nues, cette table dégarnie, Bossuet, ib.

    Se ranger contre la muraille, se dit, dans une ville, d'une personne qui se serre contre les murs des maisons pour éviter les voitures.

    Fig. Toute mon attention est de me ranger promptement contre la muraille pour laisser passer quelques lettres de change à Beaulieu, qui aura soin de contenter les plus altérés, Sévigné, 25 mai 1689.

  • 2Particulièrement, il se dit des murs qui entourent une ville, une forteresse, etc. Tu céderas ou tu tomberas sous ce vainqueur, Alger… tu te verras attaqué dans tes murailles, comme un oiseau ravissant qu'on irait chercher parmi les rochers, Bossuet, Mar.-Thér. Cet époux, dans une ardeur de gloire qui transporte les jeunes courages, trouve bientôt une honorable mais triste mort sous les murailles d'une ville rebelle, Fléchier, Aiguill. J'attends tout de nous seuls, et rien de nos murailles, Voltaire, Henr. X. Des milliers d'hommes, la plupart sans armes, ont couvert les deux rives escarpées du Borysthène ; ils se sont pressés en masse contre les hautes murailles et les portes de la ville [Smolensk], Ségur, Hist. de Nap. IX, 14.

    Fig. Ils nous servaient comme de muraille tant de nuit que de jour, pendant le temps que nous avons demeuré au milieu d'eux, Sacy, Bible, Rois, I, XXV, 16.

  • 3Il se prend dans le style soutenu pour la ville même. Du gain de six batailles, Des glorieux assauts de plus de cent murailles, Corneille, Nicomède, III, 6. Vous portâtes la mort jusque sur leurs murailles [des Juifs], Racine, Bérén. I, 3.
  • 4Un mur, en particulier. Il fut écrasé par la chute d'une muraille. Ils [des gens opiniâtres] sont faits tout d'une pièce ; et, s'il est question de passer par quelque ouverture difficile, au lieu qu'ils doivent baisser la tête, il leur faudrait hausser la muraille, Guez de Balzac, De la cour, 6e disc.

    Cette muraille pousse, elle tombe et menace ruine.

    Familièrement. Enfermer quelqu'un entre quatre murailles, le mettre en prison. L'abbé de Prades doit être condamné en parlement comme en Sorbonne, et passer sa vie entre quatre murailles, Voltaire, Mél. litt. Tomb. Sorbon.

    Entre quatre murailles, dans un logement dénué de tout. Épousez des femmes de chambre et vous aurez des rouleaux d'argent ; prenez une honnête fille, et vous voilà niché entre quatre murailles, Marivaux, Paysan parv. 1re part.

    Entre quatre murailles, se dit aussi de la clôture d'un couvent. Nous étonnerons-nous que ceux à qui Dieu a voulu faire voir en cette vie quelque petite partie de ce spectacle [les joies célestes], se soient portés à des résolutions extraordinaires, jusqu'à s'enfermer tout le reste de leur vie entre quatre murailles ? Nicole, Essais, t. IV, p. 117, dans POUGENS.

    Il n'y a que les quatre murailles, se dit d'une maison, d'un appartement où il n'y a point de meubles. Il ne restait que les quatre murailles, Lesage, Guzm. d'Alf. I, 3.

    Fig. Être comme une muraille devant l'ennemi, se dit d'une troupe en bataille que l'ennemi ne peut faire reculer.

    Se casser la tête contre la muraille, se tuer de désespoir en se heurtant la tête contre un mur. Ce pauvre Lauzun… ne croyez-vous pas bien qu'il se cassera la tête contre la muraille ? Sévigné, 257.

    Fig. Se casser la tête contre la muraille, se donner une peine inutile.

    Couleur de muraille, se dit d'une couleur qui se confond avec celle des murailles. Tu prendras ce manteau fait pour bonne fortune, De couleur de muraille, Regnard, Joueur, II, 7.

    À moi la muraille ! cri des ivrognes qui perdent l'équilibre.

  • 5Muraille se dit de très longs murs que certains peuples ont fait pour empêcher des incursions. Les Vénitiens avaient cru mettre en sûreté ce territoire [le Péloponnèse] et défendre la Grèce par une muraille de huit milles de long, selon cet ancien usage que les Romains eux-mêmes avaient pratiqué au nord de l'Angleterre, Voltaire, Mœurs, 89.

    Muraille de la Chine, ou, absolument, grande muraille, muraille construite pour arrêter les incursions des Tartares. La grande muraille fut admirable et inutile ; le courage et la discipline militaire eussent été des remparts plus assurés, Voltaire, Fragm. sur l'hist. art 11. C'est pour arrêter les irruptions que ces brigands faisaient à la Chine, que fut élevée, environ trois siècles avant l'ère chrétienne, cette fameuse muraille qui s'étend depuis le fleuve Jaune jusqu'à la mer de Kamschatka, Raynal, Hist. phil. V, 17.

  • 6 Terme de manége. Les murs du manége, dits aussi les dehors.

    Passager la tête à la muraille, mener son cheval de côté, la tête vis-à-vis et près de la muraille.

  • 7 Terme d'escrime. Tirer à la muraille, synonyme de tirer au mur. Après trois mois de leçons [d'armes], je tirais encore à la muraille, Rousseau, Conf. V.
  • 8 Terme de marine. Enveloppe intérieure du navire.
  • 9Se dit quelquefois du sol d'une mine.
  • 10 Terme de vétérinaire. L'épaisse couche cornée qui enveloppe le pied du cheval.

PROVERBES

Les murailles ont des oreilles, voy. MUR.

La muraille blanche est le papier des fous ; locution qui vient du penchant qu'ont certaines gens à écrire sur les murailles.

HISTORIQUE

XIIe s. Dunt li murail erent [étaient] versé, Benoit de Sainte-Maure, dans RAYNOUARD, Lexique.

XIVe s. Trestourner les ennemis des mesons de la cité et des temples et des murailz de Rome, Bercheure, f° 103, verso.

XVIe s. Panurge consideroit les murailles de la ville de Paris, Rabelais, II, 15. Ce mot te soit comme une muraille d'airain, Cotgrave

ÉTYMOLOGIE

Dérivé de mur ; provenç. muralh, s. m. et muralha, s. f. ; esp. muralla ; ital. muraglia.

SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIRE

MURAILLE. - HIST.

XIVe s. Ajoutez : Les diz eschevins requerans ladicte muraille et closure faite en leur prejudice estre mise au neant (1346), Varin, Archives administr. de la ville de Reims, t. II, 2e part. p. 1126.