« ou », définition dans le dictionnaire Littré

ou

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

ou

(ou) conj.
  • 1Il marque l'alternative. Oui ou non. N'était-elle assez belle ou assez bien parée ? Régnier, Élég. IV. Je n'ouïs jamais parler d'une telle ou impatience ou irrésolution, Guez de Balzac, liv. VII, lett. 27. Pour les mauvaises doctrines, je pensais déjà connaître assez ce qu'elles valaient pour n'être plus sujet à être trompé ni par les impostures d'un magicien, ni par les artifices ou la vanterie d'aucun de ceux qui font profession de savoir plus qu'ils ne savent, Descartes, Méth. I, 13. Je vivrai sans reproche, ou périrai sans honte, Corneille, Hor. II, 5. Je vous enseignerai par là Ce que c'est qu'une fausse ou véritable gloire, La Fontaine, Fabl. IV, 3. Et ne vais point chercher, pour m'estimer heureux, Si Mascarille ou non s'arrache les cheveux, Molière, le Dép. I, 1. Voyez, est-ce, madame, ou ma faute, ou la vôtre ? Mon cœur court-il au change, ou si vous l'y poussez ? Est-ce moi qui vous quitte, ou vous qui me chassez ? Molière, Femm. sav. IV, 2. Vous pouvez choisir, ou de me donner Marianne, ou de perdre votre cassette, Molière, l'Av. V, 6. Le secrétaire d'État, ou rebuté d'un traitement qui ne répondait pas à son attente, ou déçu par la douceur apparente du repos qu'il crut trouver dans la solitude, ou flatté de l'espérance d'être plus avantageusement rappelé…, Bossuet, le Tellier. Moi seul je leur résiste [aux Romains] : ou lassés, ou soumis, Ma funeste amitié pèse à tous mes amis, Racine, Mithr. III, 1. Est-ce une alternative inévitable, ou d'abuser des choses saintes, ou de s'en éloigner ? Massillon, Carême, Inconst. Le ciel n'est ouvert ou qu'aux innocents ou qu'aux pénitents, Massillon, Carême, Élus. Ou jeune, ou vieille, ou grande, ou petite, ou dondon, Ou maigre, ou blonde, ou brune, enfin tout vous est bon, Dancourt, Trahison punie, I, 7. Bartholo : Je soutiens, moi, que c'est la conjonction copulative et, qui lie les membres corrélatifs de la phrase : je paierai la demoiselle, et je l'épouserai. - Figaro : Je soutiens, moi, que c'est la conjonction alternative ou, qui sépare lesdits membres : je paierai la donzelle, ou je l'épouserai, Beaumarchais, Mar. de Fig. III, 15.
  • 2Ou, avec deux sujets et le verbe au pluriel (cas où la force conjonctive de ou l'emporte). Avant l'affaire, Le roi, l'âne ou moi, nous mourrons, La Fontaine, Fabl. VI, 19. La crainte ou le déplaisir ne l'ont jamais empêchée, Fléchier, Mme de Mont. Le bonheur ou la témérité ont pu faire des héros ; mais la vertu seule peut former de grands hommes, Massillon, Petit carême, Triomphe. La peur ou le besoin font tous ses mouvements [de la souris], Buffon, dans GIRAULT-DUVIVIER.

    Avec le verbe au singulier (cas où l'idée de disjonction domine). En quelque endroit écarté du monde que la corruption ou le hasard les jette [les parcelles de notre corps], Bossuet, Duch. d'Orléans. Sa perte ou son salut dépend de sa réponse, Racine, Bajaz. I, 3. Seigneur, il vous est donc indifférent que nous périssions, et notre perte ou notre salut n'est plus une affaire qui vous intéresse, Massillon, Pet. carême, Écueils. L'un ou l'autre cas est digne des siècles les plus barbares, Voltaire, Lett. Mme de Florian, 20 mai 1762. La vivacité ou la langueur des yeux fait un des principaux caractères de la physionomie, Buffon, dans GIRAULT-DUVIVIER.

  • 3L'adjectif se rapportant à deux ou plusieurs substantifs construits avec ou se met au pluriel. On demande un homme ou une femme âgés. Les Samoïèdes se nourrissent de chair ou de poisson crus.
  • 4Avec ou, précédé de lequel, on peut mettre devant les noms la préposition de, qui n'a pas son sens ou qui n'a pas de signification. Lequel des deux fut le plus intrépide, de César ou d'Alexandre ? Dans les champs phrygiens les effets feront foi Qui la chérit le plus ou d'Ulysse ou de moi, Racine, Iphig. I, 2.

    Voy. à la préposition DE la discussion de cette locution.

    La construction se passe très bien de la préposition de. Je ne sais dans son funeste sort, Qui m'afflige le plus, ou sa vie, ou sa mort, Corneille, Rodog. V, 5. Qui est plus criminel, à votre avis, ou celui qui achète un argent dont il a besoin, ou bien celui qui vole un argent dont il n'a que faire ? Molière, l'Av. II, 3. Lamoignon, nous irons, libres d'inquiétude, …Chercher quels sont les biens véritables ou faux, …Quel chemin le plus droit à la gloire nous guide, Ou la vaste science, ou la vertu solide, Boileau, Épître VI. Qui des deux est plus fou, le prodigue ou l'avare ? Regnard, Épître I, à M. le marquis de.... Lequel vaut mieux, ou une ville superbe en marbre, en or et en argent, avec une campagne négligée et stérile ; ou une campagne cultivée et fertile, avec une ville médiocre et modeste dans ses mœurs, Fénelon, Tél. XXII. Ils ne savaient lequel ils devaient admirer davantage, ou un roi de Suède qui, à l'âge de vingt-deux ans, donnait la couronne de Pologne, ou le prince qui la refusait, Voltaire, Charles XII, 2.

  • 5Ou, employé dans des cas où l'on met ni d'ordinaire. Ce n'est pas que Chimène écoute leurs soupirs, Ou d'un regard propice anime leurs désirs, Corneille, Cid, I, 1, scène changée. Monsieur, j'ai grande honte et demande pardon D'être sans vous connaître ou savoir votre nom, Molière, Tart. V, 4.
  • 6Ou, autrement, en d'autres termes. La logique ou la dialectique. Naples ou Parthénope.
  • 7Il se joint quelquefois à l'adverbe bien. Il payera, ou bien il ira en prison. Non, ou vous me croirez, ou bien de ce malheur Ma mort m'épargnera la vue et la douleur, Racine, Brit. IV, 3.
  • 8Ou remplaçant un second soit. J'avais mes desseins, soit que vous eussiez un fils ou une fille, Sévigné, à Mme de Guitaut, 2 déc. 1671.

REMARQUE

1. Les grammairiens disent sur l'accord avec ou : " Dans une proposition composée de deux sujets liés ensemble par la conjonction ou, et d'un seul verbe, ce verbe se met au singulier, s'il n'y a qu'un des sujets qui puisse avoir fait l'action ; exemple : C'est Cicéron ou Démosthène qui a dit cela. Le verbe est au singulier parce que l'attribut ne peut convenir qu'à l'un des deux sujets, à Cicéron ou à Démosthène. Si les deux sujets peuvent concourir à l'action, il faut employer encore le singulier, parce que la disjonctive ou indique séparément l'action de l'un ou de l'autre, et ne permet pas qu'on puisse concevoir l'action des deux sujets comme simultanée ; exemple : Ce sera son père ou sa mère qui obtiendra cela de lui. En effet ils n'obtiendront pas cela ensemble, ce sera l'un ou l'autre. Cependant, si les deux sujets sont supposés avoir opéré de la même manière, à part et dans des temps différents et indéterminés, le verbe prend alors le pluriel. Ainsi Massillon a dit : Le bonheur ou la témérité ont pu faire des héros, Petit car. Triomphe. " Ces décisions des grammairiens ne peuvent tenir contre la syntaxe et l'usage. La construction nécessaire : Lui ou moi ferons cela, où l'alternative est la plus nette et où, suivant leur décision, il faudrait : Lui ou moi je ferai cela, indique qu'en général c'est l'idée de conjonction qui domine ; de sorte que le pluriel est la construction la plus naturelle. Mais l'idée de disjonction peut aussi prévaloir dans l'esprit de celui qui parle ou écrit ; et alors on peut mettre le singulier : c'est donc le sentiment de l'écrivain et l'euphonie qui en décident. Vaugelas, à tort, voulait qu'on mît toujours le singulier.

2. Après ou, il faut répéter l'article, le pronom ou la préposition, dont on s'est servi auparavant. Corneille a dit : Réduit à te déplaire ou souffrir un affront, Cid, III, 4. Il fallait répéter la préposition et dire : ou à souffrir… Pourtant il serait trop rigoureux d'assujettir absolument la poésie à cette règle.

3. Lorsque soit doit être redoublé, on met quelquefois ou au lieu du second soit : Soit que vous ayez fait cela, ou que vous ne l'ayez pas fait.

4. Ou ne doit être employé que dans le sens affirmatif. Dans le sens négatif on se sert de ni. Voyez cependant des exemples de Molière et de Corneille dans lesquels ou est pour ni.

HISTORIQUE

Xe s. U ne fereiet [ou en ferait], Fragm. de Valenc. p. 468.

XIe s. U diz u vint, Ch. de Rol. III.

XIIe s. Pris fust Marsile, ou il perdist la vie, Ronc. p. 82. Et je sui si siens quites ligement, Que tout [elle] me puet ou engager ou vendre, Couci, V.

XIIIe s. Vers le lion [il] s'en va, ou soit sens ou folie, Berte, II.

XVIe s. De vray, ou la raison se mocque, ou elle ne doibt viser qu'à…, Montaigne, I, 69. Il attendoit du secours qui n'estoit encore prest, ou bien il avoit quelque autre projet, Carloix, I, 5. Bleds et autres grains après la Saint-Jean, ou qu'ils [ou lorsqu'ils] sont noués, sont reputés meubles, Loysel, 214. Prés sont defensables depuis la mi-mars jusqu'à la Toussaint, ou que [à moins que] le foin soit du tout fanné et enlevé (car dès lors ils sont ouverts aux bestiaux), Loysel, 245.

ÉTYMOLOGIE

Bourg. vou ; wallon, au ; prov. esp. et ital. o ; du lat. aut, ou, qui est pour auti (forme osque), comme ut pour uti ; comparez le grec αὐτὸς et αὖτι, ici.