« règne », définition dans le dictionnaire Littré

règne

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règne

(rè-gn' ; au XVIe siècle, on prononçait rène, d'après Bèze) s. m.
  • 1Gouvernement d'un prince souverain, roi, reine, empereur, duc, etc. D'un règne commençant la première action Fait dessus les esprits beaucoup d'impression, Rotrou, Antig. IV, 1. J'ai malgré leurs efforts soumis à votre règne Ce que le Tibre lave et que le Gange baigne, Rotrou, Bélis. I, 6. Votre nom s'est rendu célèbre jusqu'aux îles les plus reculées, et vous avez été aimé dans votre règne de paix, Sacy, Bible, Ecclésiastiq. XLVII, 17. Enfin, des légions l'entière obéissance Ayant de votre empire affermi la puissance, On vit Claude ; et le peuple, étonné de son sort, Apprit en même temps votre règne et sa mort, Racine, Brit. IV, 2. Un mauvais règne fait quelquefois la calamité de plusieurs siècles, Fénelon, Tél. XXIV. Le règne du feu roi [Louis XIV] a été si long, que la fin en avait fait oublier le commencement, Montesquieu, Lett. pers. 111. Je crois qu'on ne peut mieux faire dans ce silence de la chronologie, que de recourir à la règle de Newton, qui, ayant composé une année commune des années qu'ont régné les rois des différents pays, réduit chaque règne à vingt-deux ans ou environ, Voltaire, Mœurs, 1.
  • 2Avant-règne, règne anticipé. En un clin d'œil, ce pupille [de M. de Beauvilliers] devient Dauphin, en un autre… il parvient à une sorte d'avant-règne, Saint-Simon, t. IX, p. 288, édit. CHÉRUEL.
  • 3 Par extension, il se dit de la domination d'un ministre, d'un favori, d'une compagnie. Les méchants et les impies qui ont leur règne sur la terre, Bossuet, Sermons, Septuag. préambule. Tremble, son jour [de Dieu] approche, et ton règne est passé, Racine, Esth. III, 5. Ils [les jésuites] eurent, dans les dernières années de leur trop long règne, le malheur ou la sottise d'attaquer…, D'Alembert, Éloges, Crébillon.
  • 4Le règne de Dieu, le triomphe de la grâce. Que le règne de Dieu s'accomplisse dans notre cœur, Massillon, Carême, Tiéd. 1.

    Dans le style de l'Écriture sainte, le règne de Jésus-Christ sur les âmes. Il eût été inutile à notre Seigneur Jésus-Christ, pour éclater dans son règne de sainteté, de venir en roi, Pascal, Pens. XVII, I, éd. HAVET.

    En théologie, le règne de la grâce, le pouvoir de la grâce. Le règne du péché, l'empire du péché sur les hommes.

  • 5Il se dit de ce que l'on compare à une autorité régnante. Le règne des lois. Aussitôt qu'on cesse pour nous de compter les heures… sortis des figures qui passent et des ombres qui disparaissent, nous arrivons au règne de la vérité, où nous sommes affranchis de la loi des changements, Bossuet, Duch. d'Orl. Cette tyrannie [de l'amour] qu'on y étale [sur le théâtre]… asservit l'un et l'autre [sexe] au règne des sens, Bossuet, Comédie, 6. Un roi dont la vie fut le règne de la religion, Fléchier, le Tellier. J'ai vu finir le règne de la raison et du goût ; je vais mourir en laissant la France barbare [il s'agit de Shakespeare et des drames], Voltaire, Lett. d'Argental, 30 juill. 1776. Le règne de l'amour est passé ; que celui de l'amitié commence, Rousseau, Hél. VI, 3.

    On dit de même : être en règne (locution qui vieillit). Le pays où les préjugés sont le plus en règne, Rousseau, Ém. V.

  • 6 Terme d'histoire naturelle. Les grandes divisions qui comprennent tous les corps de la nature. Le règne minéral, le règne végétal, le règne animal ; ou bien le règne inorganique (minéraux) et le règne organique (animaux, végétaux). La terre offre à l'homme, dans l'harmonie des trois règnes, un spectacle plein de vie, d'intérêt et de charmes, Rousseau, 7e prom. Le règne animal a aussi ses terres australes, où probablement ce n'est point la mode d'avoir un cerveau, un cœur, un estomac…, Bonnet, Contempl. nat. Œuv. t. VIII, p. 182, dans POUGENS. Théophraste est le premier qui ait parlé du règne végétal en philosophe et en naturaliste, Mirbel, Instit. Mém. scienc. 1809, p. 546.
  • 7La triple couronne du pape, dite aussi trirègne. Je vis mettre le règne sur la tête de Paul V, quand je le vis couronner à Rome, Guez de Balzac, Socrate chrétien, X.

    Nom donné aussi aux couronnes qui sont suspendues sur le maître-autel des églises.

  • 8Il s'est dit autrefois pour royaume. [Le sultan] Qui, paisible oppresseur de la Grèce abattue, Partage à notre vue La plus belle moitié du règne des Césars, Rousseau J.-B. Odes, III, 4.

    Particulièrement, le Règne, le royaume de Naples. Autrefois, à la cour, ceux qui italianisaient en français appelaient les coursiers de Naples les chevaux du Règne, Guez de Balzac, Socrate chrét. X.

HISTORIQUE

XIe s. De plusors regnes viendront li home estrange, Ch. de Rol. CCV.

XIIe s. Chascun ira al reigne [pays] où il fu nez, Ronc. p. 3. Teles lois volt [veut] li reis en sun regne establir, Th. le mart. 57.

XIIIe s. Si a moult grant merveille pourquoi vos estes entrés en sa terre ne en son reigne, Villehardouin, LXVI. Et se vous en faictes roi, li regnes en pora bien empirier, Chr. de Rains, p. 3. Se tu es el regne terrestre, Je sui el paradis celestre, Ren. 6760. Si chantent li uns rotruenges, Li autres notes loherenges, Por ce qu'en set en Lohereigne [Lorraine] Plus cointes notes qu'en nul regne [royaume], la Rose 756.

XIVe s. Ferry le duc d'Allemaigne, qui, nepveu à l'empereur Henry, voulut avoir le regne et l'empire après son oncle, Chr. de St-Denis, t. I, f. 259, dans LACURNE.

XVe s. Esquels conseils estoit premiere appelée Jeanne la pucele, qui pour ce temps estoit en grand regne, Monstrelet, 2, 60. Le roy Charles huytiesme, qui est au regne aujourdhuy [qui règne aujourd'hui], Commines, IV, 11.

ÉTYMOLOGIE

Provenç. regne ; espagn. regno ; ital. regno ; du lat. regnum : reg-num, de regere (voy. RÉGIR), avec le suffixe participial num. L'ancien français avait aussi regné ou regnet, qui venait d'un mot fictif regnatus, formé sur le modèle de principatus.