« régler », définition dans le dictionnaire Littré

régler

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

régler

(ré-glé. La syllabe ré prend un accent grave quand la syllabe qui suit est muette : je règle, excepté au futur et au conditionnel : je réglerai) v. a.
  • 1Tirer avec la règle des lignes sur du papier.

    Régler les cartons, en couper les bordures avec la ratissoire.

    Terme de jardinage. Régler la surface d'une planche qui vient d'être plombée, passer le râteau dessus.

  • 2 Fig. Diriger suivant certaines règles, soumettre à la règle. J'ai de l'ambition, mais je la sais régler, Corneille, Pomp. II, 3. Je verrai les lauriers d'un frère ou d'un mari Fumer encor d'un sang que j'aurai tant chéri ; Pourrai-je entre vous deux régler alors mon âme ? Corneille, Hor. II, 6. Heureux qui vit chez soi, De régler ses désirs faisant tout son emploi ! La Fontaine, Fabl. VII, 12. S'ils [Platon et Aristote] ont écrit de politique, c'était comme pour régler un hôpital de fous, Pascal, Pens. VI, 52, éd. HAVET. Si Mme de Montausier sut régler les mouvements de son cœur, elle ne régla pas moins les mouvements de son esprit, Fléchier, Mme de Mont. Quelle discipline peut établir dans un camp celui qui ne sait régler ni son esprit ni sa conduite ? Fléchier, Turenne. …un Dieu maître du monde, Et qui règle à son gré le ciel, la terre et l'onde…, Boileau, Épître XI. Chacun veut en sagesse ériger sa folie, Et, se laissant régler à son esprit tortu, De ses propres défauts se fait une vertu, Boileau, Sat. IV. Si je ne vins pas à bout d'éteindre entièrement une passion coupable et malheureuse, j'en réglai du moins si bien les restes qu'ils ne m'ont pas fait faire une seule faute depuis ce temps-là, Rousseau, Conf. X.

    Régler sur, conformer à. Sur leurs hauts sentiments réglons plutôt les nôtres, Corneille, Hor. III, 1. Le ciel règle souvent les effets sur les causes, Et rend aux criminels ce qu'ils ont mérité, Corneille, Pomp. V, 2. Que ne puis-je vous représenter sainte Thérèse réglant son courage, non pas sur des possibilités humaines, mais sur la confiance et la protection divine ? Fléchier, Panég. sainte Thér. M. de Lamoignon ne régla jamais sur la faveur ou sur la disgrâce des personnes le bon ou le mauvais accueil qu'il leur pouvait faire, Fléchier, Lamoignon. Ah ! sur toi tu veux régler ton père ? Racine, Plaid. I, 4. Sur Titus et sur moi réglez votre conduite, Racine, Bérén. V, 7. Ils règlent leurs mœurs sur la loi, Massillon, Carême, Inconst. Je te recommande, quand nous irons chez elle, de régler tes manières sur les miennes, Marivaux, Pays. parv. part. 2.

    On a dit quelquefois dans le même sens : régler à. Que sur cette conduite à son aise l'on glose ; Chacun règle la sienne au but qu'il se propose, Molière, D. Garc. II, 1. Vous savez mieux que moi qu'aux volontés des dieux, Seigneur, il faut régler les nôtres, Molière, Psyché, II, 1. L'épouse que tu prends, sans tache en sa conduite, Aux lois de son devoir règle tous ses désirs, Boileau, Sat. X.

  • 3Servir de règle, avec un nom de chose pour sujet. La raison règle enfin l'ardeur qui les emporte, Corneille, Cinna, I, 3. Mais la raison n'est pas ce qui règle l'amour, Molière, Mis. I, 1. Je sais que la modération et la charité doivent régler les guerres parmi les chrétiens, Fléchier, Turenne. Les mœurs règlent les opinions, comme les opinions règlent les mœurs, Condillac, Hist. anc. IV, 1.
  • 4Mettre ordre à. Faire aller son ménage, avoir l'œil sur ses gens, Et régler la dépense avec économie, Molière, Femm. sav. II, 7. Séquestrée du monde, elle s'occupa trois mois entiers à régler sa conscience et ses affaires, Bossuet, Anne de Gonz.

    Régler sa table, son équipage, mettre un certain ordre dans les dépenses de table, d'équipage.

    En cet emploi, régler signifie quelquefois retrancher de la dépense, de la table. Il [le cardinal de Richelieu] ne fera plus de nouveaux édits que pour régler le luxe et pour rétablir le commerce, Voiture, Lett. 74. Je ne sais si vous faites bien de croire qu'il n'y ait rien à régler à vos dépenses, Sévigné, à Mme de Grignan, 5 janv. 1680.

  • 5Mettre d'accord avec un mouvement, un cours régulier. Dans les beaux siècles des Arabes, les sciences et les arts fleurirent chez les Numides ; aujourd'hui ils ne savent pas même régler leur année, Voltaire, Mœurs, 166.

    Régler une pendule, une montre, faire en sorte qu'elle n'avance ni ne retarde. Il y a soixante ans qu'on leur envoie [aux Turcs] des montres de Genève, et ils n'ont pas su encore en faire : ils ne savent pas même les régler, Voltaire, Lett. au roi de Pr. 1er mars 1771.

    Il signifie aussi : la mettre à l'heure du soleil ou d'une horloge.

  • 6Déterminer, décider d'une certaine façon définitive. On régla la préséance. On a réglé que les choses se passeraient ainsi. Ce sera une affaire à régler entre votre confesseur et vous, Sévigné, 110. Dieu règle tous les événements de notre vie, Bossuet, Lib. arb. V. Il [Pompée] régla les affaires d'Orient, Bossuet, Hist. II, 5. Vierge, effroi des méchants, appui de mes autels, Qui, la balance en main, règles tous les mortels, Boileau, Lutr. VI. Hé ! monsieur, contentez-vous de donner les rangs dans l'autre monde : ne réglez point les récompenses dans celui-ci, Racine, 1re lettre à l'auteur des imag. Du carnage avec lui je réglai la journée, Racine, Esth. II, 1. De sa suite avec vous qu'elle [Athalie] règle le nombre, Racine, Ath. V, 2. Auguste, ce maître de l'univers, cet homme qui réglait d'un mot le sort des nations, Diderot, Cl. et Néron, II, 75.

    Régler un choix sur, le fixer en considération de. Je crois malaisément que tes affections Sur l'éclat d'un beau teint qu'on voit si périssable Règlent d'une moitié le choix invariable, Corneille, Mél. I, 1.

    Régler un différend, le terminer.

    Régler des personnes, terminer leur différend. Pompée, que les deux frères [Hyrcan et Aristobule] appelèrent pour les régler, Bossuet, Hist. II, 5.

    Régler un compte, l'arrêter.

    Régler le mémoire d'un entrepreneur, en réduire les différents articles à leur juste valeur.

    En termes d'ancienne pratique, régler les parties à écrire et produire, ordonner que les parties écriraient et produiraient dans un certain temps.

    Régler de, avec un verbe à l'infinitif. Je ne puis oublier la petite Marie Blanche [fille de Mme de Grignan] ; je crois que vous réglerez de la mettre à Sainte-Marie [un couvent], Sévigné, 15 avr. 1676.

  • 7Il se dit aussi des choses qui sont causes de décision. Car ce n'est point l'amour qui fait l'hymen des rois ; Les raisons de l'État règlent toujours leur choix, Sévigné, D. Sanche, IV, 5. L'événement réglera tout ; je le souhaite heureux, Sévigné, 24 nov. 1673. L'amour ne règle pas le sort d'une princesse, Racine, Andr. III, 2. Juges aveugles que nous sommes, Sur le mérite des grands hommes Le sort règle nos jugements, Lamotte, Odes, t. I, p. 142, dans POUGENS.
  • 8Fixer une somme. On lui régla [au roi Jacques II] 600 000 francs pour l'entretien de sa maison, outre les présents sans nombre qu'on lui fit, Voltaire, Louis XIV, 15.
  • 9Régler une chose à…, disposer une chose de telle façon qu'un certain résultat soit atteint. On régla le mécanisme à trente tours de roue par minute. Ces quatre volumes contiennent trente-deux pièces de théâtre ; ils sont réglés à huit chacun, Corneille, Théâtre, préface, édit. de 1682.
  • 10 Terme de pratique. Régler de juges, décider devant quels juges une affaire sera portée. Un arrêt va nous régler de juges, Dict. de l'Acad.
  • 11Se régler, v. réfl. Être réglé, déterminé. Le douaire se règle au bien qu'on vous apporte, Molière, Éc. des femmes, IV, 2. Ses conseils se réglaient plus que jamais par la justice, Bossuet, Louis de Bourb.

    La fièvre se règle, se dit d'une fièvre irrégulière qui prend le caractère d'une fièvre intermittente à accès réguliers. La fièvre de lady Sara, devenue moins forte en se réglant, Mme Riccoboni, Jenny, t. III, p. 38, dans POUGENS.

  • 12Se modérer, être sage. Ils réglèrent l'État et se réglèrent si peu eux-mêmes, et l'hôte tout le premier, qu'il tira sa bourse de sa pochette, et demanda à compter, Scarron, Rom. com. I, 6. [Dans la guerre] il se régla sur une prudente équité, non sur un barbare droit des armes, Fléchier, Duc de Mont.

    Se régler sur quelqu'un, le prendre pour modèle, se conduire d'après son exemple. Sois plus femme que sœur, et, te réglant sur moi, Fais-toi de mon exemple une immuable loi, Corneille, Hor. IV, 7. Quand sur une personne on prétend se régler, C'est par les beaux côtés qu'il faut lui ressembler, Molière, Femm. sav. I, 1. Mais sur l'un de ces rois s'il fallait vous régler, Racine, Athal. IV, 2. Il tient le milieu en se promenant avec ses égaux ; il s'arrête et l'on s'arrête, il continue de marcher et l'on marche, tous se règlent sur lui, La Bruyère, VI.

    Se régler sur quelque chose, se conformer à ce qui a déjà été fait en pareil cas. Réglez-vous là-dessus, Corneille, Rodog. III, 4. Que si leurs sentiments se règlent sur les vôtres, Corneille, Nicom. IV, 3. La réputation de la Grèce excita les Romains à se régler sur son exemple, Bossuet, Hist. I, 8. Il ne pouvait pas se régler sur un plus parfait modèle, Bossuet, ib. III, 3.

    Au lieu de sur, on a employé la préposition à. Mais moi qui ne me règle aux jugements des hommes, Régnier, Sat. X.

  • 13Se régler à, avec un infinitif, s'astreindre régulièrement à. Je me suis réglé à rendre chacun de ses huitains par un dixain, Corneille, Louanges de la Vierge.
  • 14Être réduit à sa juste valeur, en parlant d'un mémoire. Ces mémoires ne se règlent pas sur-le-champ.

    Se dit d'un payement dont on fixe le mode et les termes. Cela se régla en billets et de mois en mois.

HISTORIQUE

XIIe s. Cist forainz habiz fu de chanoine ruilé [régulier], Th. le mart. 155.

XIIIe s. Com chanoine rielé se fussent pris à estre avoquaz en cort laie [laïque], Liv. de jost. 102.

XIVe s. Li sires, qui droit regle et ligne, Prent ses vengeances si obscures Maintes fois sur les creatures, Que nulz ne le porroit penser, Machaut, p. 96. Et se il regule telles passions par raison, il est à loer, Oresme, Eth. 43. Les eschevins de Vervin, selon la loi duquel Vervin la ville de Venderesse se rieugle et gouverne, Du Cange, regulare.

XVe s. Et si il estoit mort, si se voudroit le royaume de France rieuler et ordonner aussi bien et mieux que par son conseil, Froissart, II, III, 71. Cestuy sage roi volt [voulut] par charité ruiler le cours de son vivre, Christine de Pisan, Charl. V, I, 32. Nul prince ne le passa jamais [le duc de Bourgogne] de desirer nourrir grans gens et les tenir bien reiglez, Commines, V, 9.

XVIe s. Ce n'est pas à dire qu'on doyve regler les vestemens à la simplicité du temps ancien, Lanoue, 95. Quatre regimens d'infanterie, reglez à six cens hommes chacun, Lanoue, 262. Il se laissoit aller, ou le poulsoit l'impetuosité de sa nature, sans la regler et guider avec le jugement de la raison, Amyot, Thém. III. En son vivre ordinaire il fut homme reglé et bien ordonné, Amyot, Crassus, 1. Ladite dame estoit bien reglée de ses mois, Paré, V, 18. Nos appetits simples et reglez par la condition de nostre naissance, Montaigne, II, 287.

ÉTYMOLOGIE

Provenç. reglar ; espagn. reglar, regular ; ital. regolare ; du lat. regulare, dénominatif de regula, règle. L'ancienne langue disait ruiler, rieuler ; au XIVe siècle, il s'établit une forme calquée sur le latin, reguler, qui n'a pas duré.