« raillerie », définition dans le dictionnaire Littré

raillerie

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

raillerie

(râ-lle-rie, ll mouillées, et non raye-rie) s. f.
  • Action de railler. Je tourne en raillerie un si fâcheux mystère, Régnier, Sat. X. Et l'amertume enfin de cette raillerie…, Corneille, Théod. III, 5. Quittez ces contre-temps de froide raillerie, Corneille, Don Sanche, I, 4. La raillerie est un air de gaieté qui remplit l'imagination, et qui lui fait voir en ridicule les objets qui se présentent ; l'humeur y mêle plus ou moins de douceur ou d'âpreté, La Rochefoucauld, Réfl. div. p. 117 dans POUGENS. Ce qui n'était que jeu doit-il faire un divorce ? Et d'une raillerie a-t-on lieu de s'aigrir ? Molière, Amph. II, 6. Ils vous reprocheraient de tourner les choses de la religion en raillerie, Pascal, Prov. VIII. J'avouerai franchement que, si j'en avais de bons témoignages [d'un miracle], sans faire ni l'esprit fort ni me soucier des railleries de M. Basnage, je le croirais de bonne foi, Bossuet, Déf. Var. 1er disc. 7. Ne sont-ce pas les railleries qui font les plaies les plus vives, les plus cruelles et les plus sanglantes ? Bourdaloue, 11e dim. après la Pentecôte, Dominic. t. III, p. 268. C'était sa maxime [de la Dauphine] que la raillerie ne convient pas à ceux qui sont élevés au-dessus des autres ; que les traits qui partent d'en haut font des blessures plus profondes, Fléchier, Dauphine. Il est convaincu que, quelque scrupuleuse exactitude que l'on ait dans sa manière d'écrire, la raillerie froide des mauvais plaisants est un mal inévitable, et que les meilleures choses ne leur servent souvent qu'à leur faire rencontrer une sottise, La Bruyère, I. Celui qui est d'une éminence au-dessus des autres qui le met à couvert de la répartie, ne doit jamais faire une raillerie piquante, La Bruyère, V. Il en faisait des railleries, le traitant de faible et d'efféminé, Fénelon, Tél. XVI. Elle [Mme de Montespan] joignait à cette dureté de cœur une raillerie continuelle, Mme de Caylus, Souvenirs, p. 108, dans POUGENS. Épargnez-vous, marquis, ces froides railleries, Destouches, Phil. mar. V, sc. dern. Quelques-unes de ces lettres [lettres d'Henriette à Charles Ier, saisies par les parlementaires] n'étaient que des expressions de tendresse et de douleur ; la chambre les lut avec ces railleries amères qui sont le partage de la férocité, Voltaire, Mœurs, 180. Rousseau ayant montré à son antagoniste une ode à la postérité, celui-ci lui dit : Mon ami, voilà une lettre qui ne sera jamais reçue à son adresse ; cette raillerie ne fut jamais pardonnée, Voltaire, Comment. œuv. aut. Henr. La raillerie est l'éclair de la calomnie, Pensée chinoise, dans GRIMM, Correspond. t. IX, p. 491. Cette tournure de raillerie qui est le sublime de l'insolence, Marmontel, Mém. VIII.

    Familièrement. Cela passe la raillerie, se dit d'une raillerie trop forte, d'une chose qui pourrait avoir des suites fâcheuses. Mais tout ceci passait la raillerie, La Fontaine, Court. Il a tort ; et ceci passe la raillerie, Molière, Éc. des mar. II, 11.

    Familièrement. La raillerie en est-elle ? c'est-à-dire est-il permis de railler ? peut on railler sans crainte d'offenser ?

    Raillerie à part, sans raillerie, sérieusement, tout de bon.

    Entendre la raillerie, entendre bien la raillerie, avoir le talent de railler avec esprit.

    Entendre raillerie, ne point s'offenser des railleries dont on est l'objet. Mais les hypocrites n'ont point entendu raillerie, Molière, Tart. Préface. Je ris quand on veut rire, et j'entends raillerie, Th. Corneille, Baron d'Albikrac, V, 4. J'ai reconnu en vous une qualité que j'estime fort ; c'est que vous entendez très bien raillerie, quand d'autres que moi vous font la guerre sur vos petits défauts, Racine, Lett. à son fils, 41.

    Il n'entend pas raillerie, se dit d'un homme sévère, exigeant, difficile. Ils ont accusé M. de Saint-Foix d'avoir mal parlé de la religion ; M. de Saint-Foix, qui n'entend pas raillerie, a résolu de leur donner sur les oreilles, Voltaire, Facéties, Préface.

    Il n'entend pas raillerie là-dessus, se dit d'un homme sensible, sévère sur une certaine chose. Nous n'entendons point raillerie sur les matières de l'honneur, et nous l'avons élevée [notre fille] dans toute la sévérité possible, Molière, G. Dandin, I, 4.

    Familièrement. C'est une raillerie, c'est une plaisante raillerie, se dit d'une chose qui ne paraît pas vraisemblable.

    C'est une raillerie de nous venir dire que… C'est une raillerie de croire que… c'est-à-dire c'est une chose ridicule, absurde, de dire… de croire… La maison du garde… réellement nous appartient comme ayant de tout temps fait partie de la forêt ; c'est une raillerie de prétendre avoir vendu le pot et non l'anse, Courier, Corresp. 6 fév. 1816.

    Il n'y a point de raillerie à cela, ce n'est point une raillerie, la chose est sérieuse, ce n'est pas un conte fait à plaisir. Je suis venue ce matin dîner chez Mme de Villars, pour lui dire adieu ; car il n'y a plus de raillerie, elle s'en va jeudi, Sévigné, 310. Répondez, mon esprit ; ce n'est plus raillerie, Boileau, Sat. IX.

    PROVERBE

    Cette raillerie passe le jeu, passe jeu, c'est-à-dire elle va trop loin.

    On dit dans le même sens : le jeu passe la raillerie. C'est là que de la fourbe il a fallu m'aider, Et que le jeu pour moi passait la raillerie, Th. Corneille, Gal. doubl. III, 1.

SYNONYME

RAILLERIE, MOQUERIE. Ces deux mots sont très voisins l'un de l'autre ; cependant la nuance est que la raillerie est une aggravation de la moquerie, une moquerie acerbe.

HISTORIQUE

XVIe s. Quiconque soit trouvé à peler les chesnes de quelqu'un, ou les taillader par raillerie [pour s'amuser]…, Nouv. coust. gén. t. I, p. 843.

ÉTYMOLOGIE

Railler.