« reconnaissance », définition dans le dictionnaire Littré

reconnaissance

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

reconnaissance

(re-ko-nê-san-s') s. f.
  • 1Action de reconnaître, de se remettre en l'esprit l'idée, l'image d'une personne ou d'une chose. La reconnaissance des meubles qui lui avaient été volés. Bientôt vous le verrez [votre père Ulysse], et vous le connaîtrez, et il vous connaîtra ; mais maintenant les dieux ne pouvaient permettre votre reconnaissance hors d'Ithaque, Fénelon, Tél. XXIV. Leurs adieux furent aussi tendres que l'avait été leur reconnaissance, Voltaire, Zadig, 18.

    Se dit de certaines péripéties des ouvrages épiques ou dramatiques, surtout dans les dénoûments. Aristote, dans sa Poétique immortelle, ne balance pas à dire que la reconnaissance de Mérope et de son fils était le moment le plus intéressant de toute la scène grecque, Voltaire, Mérope, Lett. Presque tous les romans que nous avons eus, soit anciens, soit modernes, et une infinité d'ouvrages dramatiques ont été fondés sur des reconnaissances, Voltaire, Philos. Bible expl. Gen. Variété dans les reconnaissances, qui sont un des plus grands ressorts du pathétique, surtout quand elles produisent une révolution subite dans l'état des personnes, Barthélemy, Anach. ch. 71.

  • 2 Terme de féodalité. Reconnaissance d'héritage, déclaration que l'on passait au terrier d'un seigneur pour les héritages que l'on tenait de lui à cens.
  • 3Examen, vérification de certains objets pour en constater le nombre, l'espèce, etc. Faire la reconnaissance des lieux.
  • 4 Terme de guerre. Action d'examiner un terrain, la position de l'ennemi. Pousser une reconnaissance. Soldats qui vont faire une reconnaissance.
  • 5Action d'explorer une contrée. On a fait diverses reconnaissances du pays tant par terre que par mer. Dans une reconnaissance dont il fut chargé avec M. Lefèvre, ingénieur des ponts et chaussées, il eut la satisfaction de retrouver une branche du Nil ignorée jusque-là des voyageurs, Delambre, Instit. Mém. scienc. 1812, 2e part. p. XXIX.
  • 6 Terme de marine. Action de reconnaître, en naviguant, des côtes, des rades, etc. qui n'étaient pas connues. La reconnaissance de ces plages au delà du 70e degré est une entreprise digne de l'attention de la grande souveraine des Russies, Buffon, Not. just. Ép. nat. Œuv. t. XIII, p. 340.

    Nom donné à toute marque ou balise par laquelle est indiqué un danger, l'entrée d'une rivière, une passe, etc.

    Signaux de reconnaissance, signaux à l'aide desquels se reconnaissent des vaisseaux qui se rencontrent en mer.

  • 7Écrit par lequel on déclare ou l'on reconnaît avoir reçu telle valeur en espèces ou en marchandises. Prêter à quelqu'un contre une reconnaissance. Dépôt fait moyennant reconnaissance. Dans le commerce, celui qui prend des marchandises pour les payer dans un terme convenu, reconnaît par écrit qu'il payera telle somme ; et cette reconnaissance, entre les mains de celui à qui il la fait, se nomme créance, parce qu'elle est un titre, sur lequel on doit croire qu'on sera payé, Condillac, Comm. gouv. I, 17.

    Reconnaissance du mont-de-piété, écrit par lequel un mont-de-piété déclare avoir reçu un gage et avoir prêté une certaine somme sur ce gage. Le portefeuille rempli de reconnaissances du mont-de-piété, Picard, Les deux Philibert, I, 5.

  • 8Reconnaissance de promesse ou d'écriture, acte par lequel un homme reconnaît qu'une promesse est de lui.

    Faire la reconnaissance d'un billet, vérifier si un billet qu'un homme nie être de lui en est réellement.

    Reconnaissance d'enfant, acte par lequel on reconnaît être le père ou la mère d'un enfant naturel. La reconnaissance d'un enfant naturel sera faite par un acte authentique, lorsqu'elle ne l'aura pas été dans son acte de naissance, Code Nap. art. 334.

  • 9Action de reconnaître un gouvernement, un culte. La reconnaissance de la République française par le roi de Prusse. La reconnaissance légale de la liberté des cultes.
  • 10Action d'avouer, de reconnaître un fait. En 1644, vous avez reconnu qu'elle [une certaine maxime] est détestable ; et en 1656, vous avouez qu'elle est du P. Bauny ; cette double reconnaissance me justifie assez, Pascal, Prov. X.

    Confession d'une faute. Lorsqu'on vit dans le milieu de cette lettre [écrite par Condé mourant à Louis XIV] ces fautes dont le prince faisait une si sincère reconnaissance, Bossuet, Louis de Bourbon.

  • 11Souvenir affectueux d'un bienfait reçu, avec désir de s'acquitter en rendant la pareille. Quelle reconnaissance, ingrate, tu me rends Des bienfaits répandus sur toi, sur tes parents ! Corneille, Héracl. IV, 5. Ce qui fait le mécompte dans la reconnaissance qu'on attend des grâces que l'on a faites, c'est que l'orgueil de celui qui donne, et l'orgueil de celui qui reçoit, ne peuvent convenir du prix du bienfait, La Rochefoucauld, Max. 225. Il en est de la reconnaissance comme de la bonne foi des marchands, elle entretient le commerce ; et souvent nous ne payons pas parce qu'il est juste de nous acquitter, mais pour trouver plus facilement des gens qui nous prêtent, La Rochefoucauld, ib. 223. Je disais, comme si je n'eusse rien dit, que l'ingratitude attire les reproches, comme la reconnaissance attire de nouveaux bienfaits ; dites-moi donc ce que c'est que cela ? l'ai-je lu ? l'ai-je rêvé ? l'ai-je imaginé ? Sévigné, 62. On s'irrite contre les ingrats, parce qu'on veut de la reconnaissance par amour-propre, Fénelon, Dialogue des morts anc. Dial. XVII. Trop de reconnaissance est un fardeau peut-être ; Mon cœur vous en dégage, Voltaire, Tancr. IV, 4. La reconnaissance marque d'abord un esprit de justice ; mais elle suppose encore une âme disposée à aimer, pour qui la haine serait un tourment, et qui s'en affranchit plus encore par sentiment que par réflexion, Duclos, Consid. mœurs, XVI. Quels sons harmonieux, quels accords ravissants, De la reconnaissance égalent les accents ? Delille, Jard. I.

    Il se dit quelquefois au pluriel. Je ne vous fais pas valoir la douleur que j'ai de l'état de votre fortune ; ce serait vouloir escroquer des reconnaissances, Sévigné, à Bussy, 19 déc. 1670. J'ai fait encore un chef-d'œuvre : j'ai été voir Mme de Ricouart [pour Mme de Grignan]… vous n'avez qu'à me donner vos reconnaissances à achever, comme vos romans ; vous en souvient-il ? Sévigné, à Mme de Grignan, 10 janv. 1689. Je vous charge volontiers de mes reconnaissances envers Ste Ebrigisille, Bossuet, Lettr. Alb. 240. Bénis soyez-vous de Dieu, vous qui avez conservé vos reconnaissances à Saül, votre seigneur, Bossuet, Polit. IX, VI, 2.

  • 12Récompense accordée pour un bon office (sens aujourd'hui peu usité). Il a fait votre commission avec zèle ; cela mérite une légère reconnaissance. S'il me fait part de sa toute-puissance, Ce sera moins un don qu'une reconnaissance, Corneille, Tite et Bérén. III, 3.

REMARQUE

1. D'après des grammairiens, bien qu'on dise : reconnaître sa faute, on ne dit pas : faire la reconnaissance de sa faute ; on dit en faire l'aveu. Cela n'est pas exact : Bossuet donne ce sens-là à reconnaissance : faire une sincère reconnaissance de ses fautes.

2. Suivant d'autres, on ne peut pas dire la reconnaissance de vos bontés, la reconnaissance de votre action ; il faut dire la reconnaissance pour vos bontés, pour votre action. Corneille a dit reconnaissance des bienfaits ; et de est en effet usité à côté de pour.

HISTORIQUE

XIe s. Montjoie [il] escrie pur la reconnuissance [pour se faire reconnaître], Ch. de Rol. CCLXIV.

XIIe s. Il vest l'osberc sur la reconoisance [blason], Ronc. p. 52. Mais de ce traïtor qui m'a fait tel pesance, Ne pui-je donc avoir nulle reconoisance [reconnaître, punir ce que m'a fait ce traître] ? ib. p. 297. En la lei fud cumanded que se l'um anumbrast le pople, que chascuns de ces ki fust anumbrez feist recunuissance à nostre seignur, Rois, p. 216. Hauz sont les murs, et la tor grant et ample, Et le palès et les reconnoissances, La prise d'Orenge, V. 193.

XIIIe s. Reconnoissance est quant li hom ne nie ne ne deffent pas le fait, mais il demande que l'om li pardoint, Latini, Trésor, p. 478. Et pour sa recoignisance il ot [eut] une cotte de vermel samit à petites croisettes d'or, H. de Valenciennes, IX. Et ceste entencion doit estre seue par lor reconuissance ou par manaces provées, Beaumanoir, XXXVIII, 10. Si trespassa dou siecle comme boine et loiaus, et eut biele fin et bonne reconnuisanche [confession de ses péchés], Du Cange, Gloss. français.

XVe s. Ceulx qui me cognoissoient me nomment le chevalier doré, pour ce que, depuis que je receus l'ordre de chevalerie, j'ay tousjours porté mes parures et mon escu d'or sans autre reconnoissance, Perceforest, I, t. III, f° 14.

XVIe s. Il fault en juger avecques plus de recognoissance de nostre ignorance et foiblesse, Montaigne, I, 202. Le lion s'approcha comme pour entrer en recognoissance avecques luy [Androclès, qui lui avait retiré une épine de la patte], Montaigne, II, 193. Des reconoissances Hastives et precipitées [de villes] s'ensuyvent des erreurs très lourds, Lanoue, 448. La reconnoissance envers Dieu, Lanoue, 517. Si donc on se plait tant aux reconnoissances humaines [à être reconnaissant envers les hommes], que doit-on faire aux divines ? Lanoue, 518. La recognoissance de ces bienfaits, Amyot, P. Aem. 62.

ÉTYMOLOGIE

Reconnaissant ; bourguig. recogneussance ; wallon, riknohanss ; prov. reconaissensa, regonoyssensa ; port. reconhecença ; ital. riconoscenza.

SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIRE

RECONNAISSANCE. Ajoutez :
13Terme du langage sanitaire. Action de s'assurer sommairement de l'état sanitaire d'un navire (voy. ARRAISONNEMENT au Supplément).