« reine », définition dans le dictionnaire Littré

reine

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

reine

(rê-n' ; au XVIe siècle, la prononciation hésitait entre reine et roine qu'on prononçait rouène et que H. Estienne recommandait) s. f.
  • 1Femme de roi. Combien de fois a-t-elle remercié Dieu de deux grandes grâces : l'une de l'avoir faite chrétienne… l'autre de l'avoir faite reine malheureuse ! Bossuet, Reine d'Anglet. Quoiqu'elle [la fille de Pharaon] sût que selon la coutume de ces temps, il y eût, pour la magnificence de la cour [de Salomon], soixante reines et un nombre infini de femmes et de jeunes filles, elle sentit que seule elle avait le cœur, Bossuet, Polit. X, V, 1. Il est vrai que tout le poids de l'autorité et toute la grandeur de l'État est en la personne des rois ; mais on peut dire que la discipline des mœurs et le succès de la piété dans la cour est en la personne des reines, Fléchier, Mar.-Thér. C'est autour des reines que se range et que se réunit ordinairement tout l'esprit du siècle, le désir de plaire, l'envie de parvenir, le plaisir de voir et d'être vue, Fléchier, ib. Dès qu'elle entrait dans la maison de Dieu, n'oubliait-elle pas qu'elle était reine ? Fléchier, ib. Soyez reine, dit-il ; et, dès ce moment même, De sa main sur mon front posa son diadème, Racine, Esth. I, 1. Sous le règne de Louis VII, on nommait prince du royaume l'héritier présomptif de la couronne, les filles de France avaient le nom de reine au lieu de celui de madame, qui ne leur fut donné que du temps de Philippe Auguste, Saint-Foix, Ess. Paris, Œuv. t. IV, p. 82.

    La reine mère, la reine qui est mère du roi.

    Familièrement. Cette femme a un port de reine, une taille, un maintien noble.

    Comme une reine, d'une façon éclatante. Vêtue comme une reine. Vous aurez vu votre tante au Saint-Esprit, et vous aurez été reçue comme une reine, Sévigné, 23.

  • 2Princesse qui gouverne un royaume. La reine Élisabeth. Victoria, reine d'Angleterre. Une reine est suspecte à l'empire romain, Racine, Bérén. III, 3.
  • 3La reine du ciel, la reine des anges, la sainte Vierge.

    La reine des enfers, Proserpine.

    La reine des ombres, la Lune. Et le char vaporeux de la reine des ombres Monte et blanchit déjà les bords de l'horizon, Lamartine, Médit. I.

    Reine se dit de différentes personnifications. C'est en vain que les aveugles enfants d'Israël dressaient une table à la fortune et lui sacrifiaient ; ils l'appelaient la reine du ciel, la dominatrice de l'univers, Bossuet, Politique, VII, VI, 5. Reine des longs procès, dit-il [à la Chicane], dont le savoir Rend la force inutile et les lois sans pouvoir, Boileau, Lutr. V. Reine des flots, sur ta barque rapide Vogue en chantant, au bruit de longs échos ; Les vents sont doux, l'onde est calme et limpide, Le ciel sourit : vogue, reine des flots, Béranger, Prisonnier.

  • 4 Fig. Celle qui domine par quelques qualités éminentes. Tant qu'ils ne sont qu'amants, nous sommes souveraines, Et jusqu'à la conquête ils nous traitent de reines ; Mais après l'hyménée ils sont rois à leur tour, Corneille, Poly. I, 3. Reine de tous les cœurs, elle met tout en armes, Racine, Alex. I, 1.

    Autrefois, la reine du bal, celle qui commençait le bal ; aujourd'hui, celle pour qui on le donne ; la plus élégante. Mme de la C***, reine du bal et de la fête, était fort parée, Fontenelle, Lett. gal. II, 19. Cette femme, qui avait au plus vingt ans, eût été proclamée la reine du bal, s'il était d'usage de mettre aux voix la souveraineté de la grâce et de la beauté, Ch. de Bernard, la Chasse aux amants, § 1.

    On dit de même : la reine de la fête. Cette jeune fille, couronnée de roses et mieux parée encore que ses compagnes, c'est la reine de la fête, Genlis, Veillées du chât. t. II, p. 30, dans POUGENS.

    La reine de la fève, celle qui, le jour des Rois, a eu une part de gâteau où se trouve la fève, ou celle que le roi de la fève choisit pour reine.

    Familièrement. C'est la reine des femmes, se dit d'une femme pleine de vertus et de bonnes qualités.

    Familièrement et fig. Celle qui règle, gouverne quelque chose. Vous, la reine efficiente de la santé des autres, ayez soin de la vôtre, Sévigné, à Mme de Grignan, 16 oct. 1689.

    La reine des incidents, celle qui soulève plus qu'aucune autre des incidents. Si je n'avais pas été la reine des incidents, par la peur que j'avais de conclure [le mariage de Mlle de Sévigné], Sévigné, 9 août 1671.

  • 5 Fig. Il se dit de ce qui exerce un empire comparé à l'empire des reines. La beauté est reine des cœurs. Cette grande ville [Tyr] semble nager au-dessus des eaux, et être la reine de la mer, Fénelon, Tél. III. On crie contre les philosophes, on a raison ; car, si l'opinion est la reine du monde, les philosophes gouvernent cette reine, Voltaire, Lett. d'Alembert, 8 juill. 1765. Avez-vous vu la reine de l'aurore [Constantinople], La cité merveilleuse, épouse des sultans ? P. Lebrun, Voy. de Grèce, IV, 1.
  • 6La plus excellente en son genre, en parlant de choses. La rose est la reine des fleurs. Si la justice est la reine des vertus morales, elle ne doit point paraître seule, Bossuet, Sermons sur la justice, 1. Le Seigneur a détruit la reine des cités [Jérusalem], Racine, Athal. III, 7.
  • 7Terme du jeu d'échecs. La principale pièce après le roi. [Bustos] Défend sur le damier sa reine menacée, Et l'échec véritable est loin de sa pensée, P. Lebrun, le Cid d'And. II, 8.
  • 8 Familièrement. Il se dit quelquefois en s'adressant à une femme à qui on reconnaît quelque empire d'affection. La comtesse : Mais quel droit avez-vous sur moi ? - Le marquis : Quel droit, ma reine ? Le droit de bienséance avec celui d'aubaine, Regnard, le Joueur, II, 4. À vous parler sans fard, Ma reine, au rendez-vous vous venez un peu tard, Destouches, Glor. I, 2.
  • 9La femelle, ordinairement unique, qui se trouve dans les ruches des abeilles. Des 30 à 35 mille mouches dont une ruche est souvent fournie, la reine est la seule qui engendre, Bonnet, Contempl. nat. XI, 26. Cette reine est, à la lettre, la mère de tout son peuple ; elle pond pendant le cours de l'année 30, 40 ou 50 mille œufs, Bonnet, 1er mém. abeilles.
  • 10Reine des prés, nom vulgaire du spiraea ulmaria, L. dite aussi belle des prés.

    Reine des bois, l'asperula odorata, ou muguet des bois.

  • 11Reine des vergers, espèce de pêche qui vient bien en plein vent, et qui est aussi bonne que les pêches d'espalier les meilleures. Elle est bonne aussi en espalier.
  • 12Reine-papillon, l'œil de paon ou le paon du jour.
  • 13Reine des carpes, nom vulgaire et spécifique de la carpe reine des carpes, qui diffère de la carpe commune, appelée généralement carpe.

    Reine des serpents, espèce de boa.

  • 14Pain à la reine, espèce de petit pain au lait.
  • 15Herbe à la reine, ancien nom du tabac.
  • 16Ceinture de la reine, voy. CEINTURE.

HISTORIQUE

XIe s. Atant i vint reïne Bramimonde, Ch. de Rol.

XIIIe s. La roïne ne fit pas que courtoise, Qui me reprist, ele et ses fiex li rois, Quesnes, Romanc. p. 83. Après mourut sa fame la royne au vis clair, Berte, III.

XIVe s. Reine très excellens, la plus noble du monde, Girard de Ross. Au début. Puisque les roynes de France sont mariées, elles ne lisent jamais seules lettres closes, se elles ne sont escriptes de la propre main de leur mary, Ménagier, I, 4.

XVIe s. Le danger est icy sy grant, que je n'ouse escripre au roy ny à la roine, Marguerite de Navarre, Lett. 96. La roine continue sa bonne santé, Marguerite de Navarre, ib. L'amour de la justice Et de la pieté, ces deux puissantes sœurs, Ces deux filles du ciel, les roynes des grands cœurs, Deportes, Tombeau de Desportes. Elle se battoit avec une autre qui lui dit : Ha ! chienne, tu veux faire ici de la royne d'Égypte [égyptienne, bohémienne]. - Tu as menti, dit elle, je suis femme de bien, Moyen de parvenir, au chap. intitulé diette. Pourquoi ha on laissé le mot regulier et uzité de royne pour dire reine ? Des Autels, dans LIVET, la Gramm. franç. p. 125. Avecques raison l'appelle [la coutume] Pindarus, à ce qu'on m'a dict, royne et emperiere du monde, Montaigne, I, 115.

ÉTYMOLOGIE

Provenç. regina, reina, reyna ; espagn. reina ; ital. regina, reina, du lat. regina, féminin de rex (voy. ROI). Dans l'ancien français, le mot était de trois syllabes, reïne dans l'Ouest, roïne dans le centre ; c'est de l'Ouest que vient la prononciation actuelle, comme c'est au XIVe siècle qu'il a commencé à être de deux syllabes.