« sublime », définition dans le dictionnaire Littré

sublime

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

sublime

(su-bli-m') adj.
  • 1Au sens latin et propre, usité seulement en termes d'anatomie et de médecine. Muscles sublimes, muscles plus superficiellement situés que leurs congénères que l'on désigne alors par le nom de profonds.

    Respiration sublime, celle qui est grande, accompagnée de mouvements des ailes du nez et d'élévation du thorax pendant l'inspiration.

    Fig. Les dons que je vous fais, Ils ne font point de honte au rang le plus sublime, Corneille, Héracl. I, 2. Si votre hymen m'élève à la grandeur sublime, Corneille, Sert. I, 3. Voilà par quel cas fortuit il est arrivé que tant d'Auvergnats ont paru à la cour de France dans les postes les plus sublimes sous Charles VIII, Louis XII et François Ier, Bayle, 1er article sur la famille Arnauld.

  • 2 Fig. Qui s'élève à une grande hauteur intellectuelle ou morale, en parlant des personnes. Un génie sublime. Il faudrait, Xénoclès, une âme plus sublime, Corneille, Agésil. v, 5. Saint Augustin, un si sublime docteur, un théologien si exact…, Bossuet, Avert. repr. d'idol. 5. Je ne me pique, mon cher et illustre maître, d'être ni aussi sublime que Platon, s'il est vrai qu'il soit aussi sublime qu'on le prétend, ni aussi obscur qu'il me paraît l'être ; vous me faites donc trop d'honneur de me comparer à lui, D'Alembert, Lett. à Volt. 7 août 1763. Sénèque est ici grand moraliste, excellent raisonneur, et de temps en temps peintre sublime, Diderot, Claude et Nér. II, 45. Maître puissant par qui tout génie est formé, Public, sublime auteur qu'on n'a jamais nommé ! Th. Gautier, Prol. de réouverture de l'Odéon.
  • 3Il se dit, dans le même sens, des choses intellectuelles et morales. L'hérésie des béguards, qui, se glorifiant d'une sublime et perpétuelle communication avec Dieu…, Bossuet, Ét. d'orais. x, 1. Ses ouvrages [de Juvénal], tout pleins d'affreuses vérités, étincellent pourtant de sublimes beautés, Boileau, Art p. II. Il n'y a personne qui ne sente la grandeur héroïque qui est renfermée dans ce mot, qu'il mourût, qui est d'autant plus sublime qu'il est simple et naturel, Boileau, Longin, Sublime, Préf. Il faut savoir que par sublime Longin n'entend pas ce que les orateurs appellent le style sublime, mais cet extraordinaire et ce merveilleux, qui frappe dans le discours, et qui fait qu'un ouvrage enlève, ravit, transporte, Boileau, ib. Tu n'es qu'un conjuré paré d'un nom sublime [ambassadeur], Voltaire, Brutus, v, 2. L'éloquence ne consiste point, comme tant d'auteurs l'ont dit d'après les anciens, à dire des choses grandes d'un style sublime, mais d'un style simple ; car il n'y a point proprement de style sublime, c'est la chose qui doit l'être ; et comment le style pourrait-il être sublime sans elle, ou plus qu'elle ? D'Alembert, Mél. litt. Œuv. t. III, p. 243. Ce tableau de la plus sublime des sciences naturelles [astronomie], toujours croissant au milieu même des révolutions des empires, pourra consoler des malheurs dont les récits remplissent les annales de tous les peuples, Laplace, Exp. v, préface.

    Style sublime, voy. STYLE.

  • 4 S. m. Ce qu'il y a de grand, d'excellent dans le style, dans les sentiments, dans les actions. Le sublime se peut trouver dans une seule pensée, dans une seule figure, dans un seul tour de paroles, Boileau, Longin, Sublime, Préf. Le sublime est une certaine force de discours propre à élever et à ravir l'âme, et qui provient ou de la grandeur de la pensée et de la noblesse du sentiment, ou de la magnificence des paroles, ou du tour harmonieux, vif et animé de l'expression, Boileau, ib. Réfl. 12. Et je hais un sublime ennuyeux et pesant, Boileau, Art p. III. Le sublime ne peint que la vérité ; mais, en un sujet noble, il la peint tout entière dans sa cause et dans son effet ; il est l'expression ou l'image la plus digne de cette vérité, La Bruyère, I. Qu'est-ce que le sublime ?… tout genre d'écrire reçoit-il le sublime, ou s'il n'y a que les grands sujets qui en soient capables ?… ou plutôt le naturel et le délicat ne sont-ils pas le sublime des ouvrages dont ils font la perfection ? qu'est-ce que le sublime ? où entre le sublime ? La Bruyère, I. On distingue plusieurs sortes de sublime ; il n'est pas toujours véhément et impétueux, Rollin, Traité des Ét. III, 3. Le sublime doit être dans le sentiment ou dans la pensée ; et la simplicité, dans l'expression, D'Alembert, Disc. Acad. franç. En général, le ridicule touche au sublime ; et, pour marcher sur la limite qui les sépare, sans la passer jamais, il faut bien prendre garde à soi, Marmontel, Œuv. t. v, p. 188. Savez-vous ma définition du sublime oratoire ? c'est l'art de tout dire sans être mis à la Bastille, dans un pays où il est défendu de rien dire, L'Abbé Galiani, cité par Sainte-Beuve, Causeries, t. I, p. 44. On n'arrive point au sublime par degrés ; des distances infinies le séparent même de ce qui n'est que beau, Staël, Corinne, IV, 3. Voyons l'homme non pas qui se complaît à peindre les pieuses douleurs et le sublime de la vertu, mais qui pénètre dans une âme perverse et mobile et la dévoile tout entière, Villemain, Litt. franç. XVIIIe siècle, 1re leçon.

    Par plaisanterie. Et sur des tons d'un sublime ennuyeux Psalmodier la cause infortunée D'un perroquet non moins brillant qu'Énée, Gresset, Ver-vert, I.

  • 5 Terme de beaux-arts. Le beau à un degré très éminent en un sujet grave. Si au sublime du technique l'artiste flamand avait réuni le sublime de l'idéal, on lui. élèverait des autels, Diderot, Salon de 1767, Œuvr. t. XIV, p. 498.
  • 6Ce qu'il y a d'exalté dans l'âme et la spiritualité. Fénelon vit Mme Guyon, leur esprit se plut l'un à l'autre, leur sublime s'amalgama, Saint-Simon, 31, 107.
  • 7 Familièrement. Ce qu'il y a de mieux. Le sublime de l'administration est de connaître quelle est la partie du pouvoir que l'on doit employer dans les diverses circonstances, Montesquieu, Espr. XII, 25.

HISTORIQUE

XVIe s. Jusques à quand, o Pan grand et sublime, Laisseras-tu cette gent tant infime ? Marot, I, 312. Ceste ruse est des plus sublimes, comme on parle aujourd'hui, H. Estienne, Apol. d'Hérod. p. 256, dans LACURNE.

ÉTYMOLOGIE

Lat. sublimis. Sublime s'est dit pour sublimé : Je suis lors dissoubs et sublime, Sans marteau, tenailles ne lime, Sans charbon, fumier, baing marie, Et sans fourneau de soufflerie, Nat. à l'alch. err. 339.

SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIRE

SUBLIME.
5Ajoutez : Le grand, dans ce sens figuré [dans le langage de l'art], s'il n'est pas exactement synonyme de sublime, peut être considéré, du moins, comme le terme positif dont sublime serait le superlatif, Boutard, Dict. des arts du dessin, au mot grand.
8 S. m. Dans l'argot des ouvriers parisiens, sublime, nom que se donnent certains ouvriers qui ne font rien d'utile, mais se livrent à la boisson, contractent des dettes qu'ils ne paient pas, et se font gloire de leurs vices et de leur paresse.

On a créé, par surcroît, le mot sublimisme pour désigner ce type.