« style », définition dans le dictionnaire Littré

style

Définition dans d'autres dictionnaires :

Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

style

(sti-l') s. m.
  • 1 Terme d'antiquité. Poinçon en métal, en ivoire, en os pointu par un bout et aplati par l'autre, avec lequel les anciens, dès l'origine de l'écriture, ont tracé leurs pensées sur la surface de la cire ou de tout autre enduit mou. Je le voyais, un style ou poinçon à la main, suivre à plusieurs reprises les contours des lettres que son maître avait figurées sur des tablettes, Barthélemy, Anach. ch. 26.

    Le bout aplati servait à effacer ; et retourner le style signifiait effacer, corriger.

  • 2 Terme de gnomonique. Tige qui produit l'ombre dans les gnomons et les cadrans solaires.
  • 3 Terme de botanique. Partie du pistil ordinairement placée au sommet de l'ovaire et portant le stigmate.

    Terme de zoologie. Filet du balancier des diptères.

  • 4 Par métonymie de l'instrument employé pour écrire à l'écriture elle-même, le langage considéré relativement à ce qu'il a de caractéristique ou de particulier pour la syntaxe et même pour le vocabulaire, dans ce qu'une personne dit, et surtout dans ce qu'elle écrit. On connaît à ce style et doux et décevant, Comme en l'art de trahir ton esprit est savant, Tristan, Mariane, III, 3. Ce style figuré dont on fait vanité Sort du bon caractère et de la vérité, Molière, Mis. I, 2. Nous avons vu de vous des églogues d'un style Qui passe en doux attraits Théocrite et Virgile, Molière, Fem. sav. III, 5. Ne quittez jamais le naturel, votre tour s'y est formé, et cela compose un style parfait, Sévigné, 19. Vos chansons m'ont paru jolies, j'en ai reconnu les styles, Sévigné, 19. Je trouvai l'autre jour une lettre de vous… vous aviez dix ans… il y a déjà du bon style à cette lettre, Sévigné, 221. C'est une fort plaisante chose de trouver dans mes lettres des nouvelles de la cour ; elles avaient le style des gazettes, car il y avait aussi des articles de Copenhague et d'Oldembourg, Sévigné, 444. Sa fille est malade ; elle en reçoit pourtant des lettres, mais d'un style qui n'est point fait : ce sont des chères mamans, et des tendresses d'enfant, quoiqu'elle ait vingt ans, Sévigné, 23 octobre 1675. Mandez-moi bien de vos nouvelles ; je vous écris en détail ; car nous aimons ce style, qui est celui de l'amitié, Sévigné, 1er déc. 1690. Mais revenons à nos moutons, car vous voulez des détails, et il me semble que vous m'avez écrit autrefois que c'était le style de l'amitié, Coulanges, dans SÉV. t. x, p. 179, édit. RÉGNIER. C'est lui [Tertullien] qui, par son style ou ferme ou dur comme on voudra l'appeler, enfonce le plus ses traits, Bossuet, 6e avert. 87. Faire parler en même temps avec Moïse tant d'hommes de caractère et de style différent, Bossuet, Hist. II, 13. J'y ai joint [à une nouvelle édition] cinq épîtres nouvelles… elles sont de même style que mes autres écrits, et j'ose me flatter qu'elles ne leur feront point de tort, Boileau, 4e préface. Mon style ami de la lumière, Boileau, Sat. XI. L'un en style pompeux habillant une églogue, Boileau, Disc. au roi. Ne valait-il pas mieux vous perdre dans les nues, Que d'aller sans raison, d'un style peu chrétien, Faire insulte en rimant à qui ne vous dit rien ? Boileau, Sat. IX. Un style trop égal et toujours uniforme En vain brille à nos yeux ; il faut qu'il nous endorme, Boileau, Art. poét. I. Le style le moins noble a pourtant sa noblesse, Boileau, ib. Mais de ce style [le burlesque] enfin la cour désabusée Dédaigna de ces vers l'extravagance aisée, Boileau, ib. Régnier… Dans son vieux style encore a des grâces nouvelles, Boileau, ib. II. Capys qui s'érige en maître du beau style…, La Bruyère, I. Je ne sais si l'on pourra jamais mettre dans les lettres plus d'esprit, plus de tour, plus d'agrément et plus de style que l'on en voit dans celles de Balzac et de Voiture, La Bruyère, I. L'on écrit régulièrement depuis vingt années : l'on est esclave de la construction, l'on a enrichi la langue de nouveaux mots, secoué le joug du latinisme et réduit le style à la phrase purement française, La Bruyère, I. Un style grave, sérieux, scrupuleux, va fort loin, La Bruyère, I. Comme un particulier se peint dans son discours, ainsi le style dominant est quelquefois une image des mœurs publiques, Rollin, Traité des Ét. t. I, Disc. prélim. p. 91, dans POUGENS. Avant que de se mettre à la composition d'un ouvrage, il faut avoir travaillé à se faire un style ; rien de plus utile pour cela que de traduire, D'Olivet, Hist. Acad. t. II, p. 197, dans POUGENS. Il [Zadig] n'a point le bon style oriental ; Zadig se contentait d'avoir le style de la raison, Voltaire, Zadig, 7. Un des plus grands défauts des ouvrages de ce siècle, c'est le mélange des styles, et surtout de vouloir parler des sciences comme on en parlerait dans une conversation familière, Voltaire, Mél. litt. Cons. à un journal. Ce n'est pas qu'il n'y ait quelquefois un grand art, ou plutôt un très heureux naturel, à mêler quelques traits d'un style majestueux dans un sujet qui demande de la simplicité ; à placer à propos de la finesse et de la délicatesse dans un discours de véhémence et de force, Voltaire, ib. Dict. phil. Style, 1. Le style élégant est si nécessaire que, sans lui, la beauté des sentiments est perdue ; il suffit seul pour embellir les sentiments les moins nobles et les moins tragiques, Voltaire, ib. Le style rend singulières les choses les plus communes, fortifie les plus faibles, donne de la grandeur aux plus simples, Voltaire, ib. La force de votre style qui ne perdra rien par la sagesse de votre esprit, Voltaire, Lettr. Servan, 27 sept. 1769. Parlez-moi des Lettres provinciales ! quoi ! vous louez Fénelon d'avoir de la variété ? si jamais homme n'a eu qu'un style, c'est lui : c'est partout Télémaque, Voltaire, Lett. d'Olivet. 6 janv. 1736. Les idées seules forment le fond du style ; l'harmonie des paroles n'en est que l'accessoire, et ne dépend que de la sensibilité des organes, Buffon, Disc. récept. Le style n'est que l'ordre et le mouvement qu'on met dans ses pensées, Buffon, ib. Le style est l'homme même, Buffon, ib. L'accord entre le sujet, la fin et les moyens fait toute la beauté du style, Condillac, Art d'écr. IV, 5. Le style des ouvrages didactiques demande qu'ordinairement les phrases en soient courtes ; il veut encore qu'il y ait entre elles une gradation sensible, Condillac, ib. IV, 2. Style se dit des qualités du discours plus particulières, plus difficiles et plus rares, qui marquent le génie ou le talent de celui qui écrit ou qui parle, D'Alembert, Mél. litt. Œuv. t. III, p. 198. Il [Fontenelle] a eu, comme tous les bons écrivains, le style de sa pensée, D'Alembert, Œuv. t. VI, p. 13. Ces jeunes gens qui croient prendre le style de M. de Voltaire en suivant son orthographe, Rousseau, Dict. de mus. Reprise. Exprimer sa pensée avec le moins de mots et le plus de force qu'il est possible, voilà le style austère et grave, Marmontel, Œuv. t. x, p. 217. Le style de l'histoire doit être simple avec dignité, et d'un ton naturel également éloigné de l'affectation et de la négligence, de l'enflure et de la bassesse, Marmontel, ib. t. VIII, p. 126. Le haut style est partout le même, parce qu'il est partout étranger à l'usage, et qu'il est pris dans l'analogie des images avec les idées, laquelle est à peu près la même dans tous les pays et dans tous les temps, Marmontel, ib. t. VII, p. 410. " Le style du président de Montesquieu ! " disait, il y a quelque temps, avec dédain M. de Buffon ; mais Montesquieu a-t-il un style ? " N'aurait-il pas mérité qu'on eût osé lui répondre : Il est vrai, Montesquieu n'a eu que le style du génie, et vous, monsieur, vous avez le génie du style, Grimm, Corresp. février 1788. D'une affreuse beauté son style étincelant [de Dante] Est, comme son Enfer, profond, sombre et brûlant, Delille, Imag. v. On annonçait [vers 1825] que le grand style, le vrai style, le suprême style allait naître, style à ciselures, style chatoyant et miroitant, Reybaud, Jér. Paturot, I, 1. Tous les paysans ont du style, Töpffer, cité par SAINTE-BEUVE, Moniteur, 16 août 1853.

    Du même style, sans changer de ton. Vantez-nous bien du même style Et les émigrés et Caton, Chénier M. J. Épît. à Delille.

    Prendre même style, être sur le même ton. Sa fleurette pour toi prend encor même style, Corneille, Ment. III, 4.

    Se mettre sur le haut style, parler d'un ton ampoulé. Madame … ce n'est point mon dessein de vous cajoler, ni de me mettre sur le haut style, Guez de Balzac, liv. VII, lett. 22. Quel diable de jargon entends-je ici ? voici bien du haut style, Molière, Préc. 5.

    Les trois styles, le simple, le tempéré et le sublime.

    Style magnifique, celui dont la grandeur vient de la pompe et de l'éclat des expressions.

    Style sublime, style dont la grandeur vient de celle des pensées, que la simplicité de l'expression fait surtout ressortir.

    Style barbare, manière d'écrire grossière et incorrecte.

    Il n'a point de style, il n'a point une manière d'écrire qui soit à lui, et aussi il écrit sans art.

    Les finesses, les grâces du style, certains arrangements, certains tours qui donnent de la grâce, de la finesse au style. Rien de plus difficile que les grâces ; celles du style consistent dans l'aisance, la souplesse, la variété de ses mouvements, et dans le passage naturel et facile de l'un à l'autre, Marmontel, Œuv. t. x, p. 221.

    Style de l'Écriture, les expressions, les formes de langage usitées dans la Bible.

    Style du palais, les formules selon lesquelles on dresse les actes judiciaires.

    Style de palais, les termes dont on ne se sert que dans les procédures et les plaidoiries.

    On dit de même : style de pratique, style de notaire, style de chancellerie, etc.

    On dit, en langage de pratique, clause de style, pour clause que les notaires mettent par habitude dans leurs actes, sans que cela tire à conséquence spéciale.

    Fig. Qui ne sait que, dans le maudit pays où nous écrivons [la France], ces sortes de phrases sont de style de notaire, et ne servent que de passe-port aux vérités qu'on veut établir d'ailleurs ? D'Alembert, Lett. à Voltaire, 10 oct. 1764.

    Fig. Réduire en style, réduire en vaines formules. Il y a des conjonctures dans lesquelles on réduit en style l'obéissance réelle que l'on doit aux rois, Retz, 2, 140.

    Ce n'est qu'un style, ce n'est qu'une simple formule. C'est avec Auguste qu'il n'y a plus de mesure ; le sénat lui décerne l'apothéose de son vivant ; cette flatterie devient le tribut ordinaire payé aux empereurs suivants ; ce n'est plus qu'un style, Voltaire, Dict. phil. Flatterie.

  • 5 Terme de beaux-arts. Caractère de la composition et de l'exécution. Cette peinture est de bon style. Ayez d'abord la pensée, et vous aurez du style après, Diderot, Salon de 1767, Œuv. t. XV, p. 45, dans POUGENS. On sait que le style idéal était consacré aux dieux ; le style héroïque venait ensuite ; puis le style historique et le style athlétique, Quatremère de Quincy, Instit. Mém. hist. et litt. anc. t. IV, p. 208. Les mêmes disproportions qui régnaient au dehors de l'édifice [église gothique] se faisaient remarquer au dedans ; mais ces défauts étaient rachetés par le style hardi des voûtes et l'effet religieux de leurs ombres, Chateaubriand, Mart. liv. v.

    Il se dit de la danse dans le même sens. Si j'étais chargé de la conduite d'un jeune danseur en qui j'aurais aperçu de l'intelligence, quelque amour pour la gloire et un véritable talent, je lui dirais : commencez par avoir un style, mais prenez garde que ce style soit à vous, Cahusac, Dans. anc. et mod. III, 4, 8.

    Absolument. Style l'art d'ennoblir le vrai, et de l'achever en le revêtant d'une apparence nettement caractéristique.

    Style s'emploie aussi pour désigner le style grec, c'est-à-dire la grandeur obtenue par la simplicité des détails.

    Caractère général des œuvres des artistes d'une même époque.

    Particulièrement, caractère général des œuvres d'un artiste. Ce tableau est dans le style de tel maître. On avertirait bien les jeunes peintres de ne pas imiter Antoine Coypel, parce qu'avec du mérite il avait un style vicieux, mais …, Levesque, Instit. Mém. litt. et beaux-arts, t. I, p. 416.

  • 6La manière de procéder en justice (sens qui a vieilli). Le style du parlement. Le style des finances. Style de la cour de Rome. Le style du Châtelet.
  • 7Manière d'envisager ou de présenter des choses, façon d'agir. Laissons ce style [parlons d'autre chose], Molière, Éc. des f. I, 6. Ce langage à comprendre est assez difficile, Madame ; et vous parliez tantôt d'un autre style, Molière, Tart. IV, 5. Je suis devenu là-dessus savant à mes dépens et connais le style des nobles, Molière, G. Dand. I, 1. Il n'y a rien de tel que d'être insolent … j'ai toujours haï ce style ; mais, s'il réussit, il faut changer d'avis, Sévigné, 22 janvier 1674. Je crus voir à Lambesc que le plaisir… des Provençaux était d'animer, de brouiller … ah fi ! quittez ce style de province et de Provence, Sévigné, 7 janv. 1689. Et si vous prenez le chemin de dire : qu'est-ce que cent écus plus ou moins ? ce style fait bien voir du pays, Sévigné, à Mme de Grignan, 12 févr. 1672. C'est [M. de Lavardin] le moins lâche et le moins courtisan que j'aie jamais vu ; vous aimeriez bien son style dans de certains endroits, Sévigné, 16 oct. 1675. Les jésuites criaient contre Pascal, et l'eussent appelé pamphlétaire, mais le mot n'existait pas encore ; ils l'appelaient tison d'enfer, la même chose en style cagot, Courier, Pamphl. des pamphl.
  • 8Vieux style, ancien style, manière de compter dans le calendrier (il retardait de dix jours) avant sa réformation par Grégoire XIII ; nouveau style, la manière dont on compte depuis cette réformation. Quatre dominicains furent brûlés le dernier mai 1509, ancien style, Voltaire, Mœurs, 129. Les Anglais ont adopté le nouveau style en 1752, après l'avoir rejeté pendant 170 ans ; l'Europe entière l'a reçu, à l'exception de la Russie, qui seule s'y refuse encore, Bailly, Hist. ast. mod. t. I, p. 396.

    Vieux style se dit aussi de l'ère chrétienne, par opposition à l'ère républicaine commencée le 22 septembre 1792.

HISTORIQUE

XIVe s. Les bouchiers de Paris tiennent que en un beuf, selon leur style et leur parler, n'a que quatre membres principaux, Ménagier, II, 5.

XVe s. Vous vous ordonnerez par mon conseil, tant que vous aurez appris la maniere et le stile du fait [Piètre du Bois à Philippe d'Artevelle], Froissart, II, II, 101. Que [car] tous deux savez le setille Vous entretenir en tous sens, Myst. du siége d'Orléans, p. 686. Pou [de femmes] veulent estre en une ville Champestre ; ce n'est pas le style ; Elles desirent les cités, Deschamps, Poés. mss. f° 528. Pour la conduite de la feste de l'espinette y avoit aux gages de la ville un herault qui s'appeloit le noble epousté ; ne luy estoit permis de faire aucun stile ou œuvre mecanique, les Rois de l'espinette. En leurs franchises, privileges, libertez, statuts, loix, coustumes, establissements, stiles, observances et usances du pays de Bourdeaux, J. Chartier, Hist. de Charles VII, p. 238, dans LACURNE. Si bien et en si notable style comme on peust voir…, Bouciq. II, 30. Je m'en allay emmy la ville Pour monstrer que j'estoye fricquet, Ferme, duyt et rusé du stille, Esveillé comme ung saupiquet, Coquillart, Monol. de la botte de foin.

XVIe s. Il fut le premier qui changea le style de faire la guerre dont les Romains usoient en ce temps-là, Amyot, Pélop. et Marcell. comp. 4. Il s'aida beaucoup de Demosthenes à former son style, Amyot, Caton, 5. Consideré que ledit stil de la drapperie donne moien à gagner leurs vies …, Souvenirs de la Flandre Wallonne, juil. et août 1867, p. 114. Ils accuserent cette pratique, comme ennemie de leur style ancien [manière d'agir], Montaigne, I, 23. Comme on presenta à Neron à signer, suivant le style, la sentence …, Montaigne, II, 1. Entretenant les enfants de manger, et les faisant aussi enseigner, monstrer et apprendre quelque stile selon leur âge, leur estat et qualité, Nouv. coust. gén. t. I, p. 641. Platon permet, et le style est tel en plusieurs endroits, d'attirer par fraudes et fausses esperances de faveur ou pardon le criminel à descouvrir son fait, Charron, Sagesse, p. 20, dans LACURNE. Styl est l'ordre judiciaire et maniere de proceder en justice tellement reglé et stylé que nul ne le revoque en doute, Grand coust. de France, I, p. 104, dans LACURNE.

ÉTYMOLOGIE

Provenç. estil ; espagn. estilo ; ital. stile ; du lat. stylus, proprement poinçon, puis style, qui vient du grec στῦλος, colonne, pointe, poinçon, rattaché à στύω, ériger, qui tient à sthā, stare, être debout.

SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIRE

STYLE. Ajoutez : - REM. Chateaubriand a employé style dans son premier sens grec (colonne) : Juste au milieu de ces styles, s'élève une troisième colonne, Mém. d'outre-tombe, éd. de Bruxelles, t. VI, Architecture vénitienne, Antonio. Cela est tout à fait inusité.