« tarder », définition dans le dictionnaire Littré

tarder

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

tarder

(tar-dé) v. n.
  • 1Ne pas se hâter suffisamment de faire une chose. Souvent qui tarde trop se laisse prévenir, Corneille, Rodog. IV, 7. Et que dans mon désert où j'ai fait vœu de vivre, Vous soyez, sans tarder, résolue à me suivre, Molière, Mis. v, 7. Puisse la chrétienté ouvrir les yeux ! que tarde-t-elle à se souvenir et des secours de Candie et de la fameuse journée de Raab, où Louis renouvela dans le cœur des infidèles l'ancienne opinion qu'ils ont des armes françaises ? Bossuet, Mar.-Thér. [ô mort] Que tardes-tu ? parais ; que je m'élance enfin Vers cet être inconnu, mon principe et ma fin, Lamartine, Médit. v.

    Bien que tarder à, avec un infinitif, soit plus usité, on dit aussi : tarder de.

  • 2S'arrêter, ou aller lentement, en sorte qu'on vienne tard. Pourquoi avez-vous tant tardé ? Vous avez bien tardé à venir.
  • 3Ne pas tarder, avec un nom de personne pour sujet, faire bientôt, obtenir bientôt ce dont il s'agit. Le peuple de Dieu ne tarda pas d'imiter les mœurs des Cananéens, dès qu'il eut contracté avec eux les liaisons et la familiarité que Moïse leur avait défendues, Massillon, Confér. Fuite du monde. La cour de Madrid ne doit pas tarder à voir augmenter ce tribut, Raynal, Hist. phil. VI, 25.
  • 4Il se dit avec un nom de chose pour sujet, et exprime la lenteur, ie retard ; se construisant avec à ou de et l'infinitif. Si le sens de vos vers tarde à se faire entendre, Mon esprit aussitôt commence à se détendre, Boileau, Art p. 1. Que ton retour tardait à mon impatience ! Racine, Bajaz. I, I. Le relâchement ne tarde pas de nous paraître innocent pour nous, dès qu'il nous a paru innocent dans les autres, Massillon, Profess. relig. Serm. 2. Le jour du départ ne tarda pas d'arriver, Chateaubriand, Itin. part. 7.
  • 5 Impersonnellement. Avoir de l'impatience, trouver le temps long pour ce qu'on désire, avec que et le subjonctif, ou de et l'infinitif. Il me tarde bien que mon procès soit fini. Il me tardait que ma maison fût bâtie. Le récit de mes malheurs, dit-il, serait trop long. - Non, non, répondit-elle ; il me tarde de les savoir, Fénelon, Tél. I. À l'instant Télémaque semble voler dans ces espaces vides et immenses, tant il lui tarde de savoir s'il verra son père, Fénelon, ib. XVIII. Tandis que dans sa mansarde Jeanne veille et qu'il lui tarde De voir rentrer son mari, Béranger, Ivrogne.

    Après il me tarde que on trouve au subjonctif le ne explétif ; mais ce ne n'est plus usité. Il me tarde déjà que je n'aie des habits raisonnables, pour quitter vite ces guenilles, Molière, Mar. forcé, 4. Il me tarde que je ne goûte le plaisir de la voir, Molière, Sicil. 10.

  • 6S'arrêter, séjourner ; sens vieilli. D'où l'on peut tirer une conséquence infaillible, que, si le plus jeune des deux frères était en âge de se marier quand César partit d'Égypte, l'aîné en était capable quand il y arriva, puisqu'il n'y tarda pas plus d'un an, Corneille, Pomp. Examen. Ces héros… prirent terre à Lemnos, dont était reine Hypsipile, et où ils tardèrent deux ans, Corneille, Toison d'or, Examen.

    Il se conjugue avec l'auxiliaire avoir.

  • 7 V. a. Retarder ; emploi vieilli. À des cœurs bien touchés tarder la jouissance, C'est infailliblement leur croître le désir, Malherbe, II, 9. Certes, je ne pense pas que de si faibles considérations dussent tarder une si juste entreprise, Guez de Balzac, Liv. IV, lett. 10.

SYNONYME

TARDER, DIFFÉRER. L'idée propre de tarder est celle d'être, de demeurer longtemps à venir, à faire, et l'idée de différer celle de remettre, de renvoyer à un autre temps, à un temps plus éloigné.

HISTORIQUE

XIe s. Quant aler dei [je dois], n'i ai plus que targer, Ch. de Rol. XX. Et Olivers de ferir ne se target, ib. CIII.

XIIe s. Mais vo [votre] voloir trop targe à ma merci, Couci, VII. Dunc apela li reis frere Franc l'aumonier : Va tost à l'apostolie, fait-il, ne te targier, Th. le mart. 54.

XIIIe s. Mès je te lo [conseille] que tu te taignes [tiennes] Bien près de li por Dous-regart, Que ses solas trop ne te tart, la Rose, 2734. C'est cele [papelardie] qui en recelée, Quant nus [nul] ne s'en puet prendre garde, De nul mal faire ne se tarde, ib. 412. Buiemont, dist li Turs, porquoi targes-tu tant ? Plus est de mie nuit, près est l'aube aparant, Ch. d'Ant. VI, 578.

XVe s. À la tierce fois que chascun montast sans targer, Froissart, I, I, 37. Et lui tardoit qu'il ne fust jà à cheval, Commines, IV, 8. Sa maistresse l'envoyoit devers le curé, pour savoir qui le tardoit tant de venir, Louis XI, Nouv. LVI.

XVIe s. Ains [avant] que boire et manger, Ses chefz de guerre a mandé sans targer, Marot, J. V, 100. Ô puissant Pan, de ton hault lieu regarde Ces cas piteux, et à venir ne tarde Donner secours à tes simples brebis, Marot, I, 317. Je m'en vengeray, quoy qu'il tarde [quelque tard que ce soit], Despériers, Cymbal. 104. Il me tarde tant que je ne vous voy, et tant et tant je le desire…, Marguerite de Navarre, Lett. X. Quoique fol tarde, jour ne tarde, Cotgrave

ÉTYMOLOGIE

Norm. targer, targier ; wallon, târdé, taurdé ; provenç. tardar, tarzar ; espagn. tardar ; ital. tardare ; du latin tardare. La forme targer suppose un latin barbare tardiare.

SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIRE

TARDER. Ajoutez : - REM. J., -J., Rousseau a dit tarder pour attendre : Je tardais, cher Moultou, pour répondre à votre dernière lettre, de pouvoir vous donner quelque avis certain de ma marche, Lettre à Moultou, 28 mars 1770.