« abattre », définition dans le dictionnaire Littré

abattre

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

abattre

(a-ba-tr') v. a.
  • 1Jeter à terre d'une façon quelconque. Abattre un cheval, un cavalier. Abattre des olives, des noix. Abattre un arbre. Abattre une maison. Il lui abattit une main d'un coup de sabre. Abattre la tête. Il l'abattit d'un coup de fusil. Ce chasseur abat bien du gibier. Puisque l'arbre est si près de sa chute et que le coup qui doit l'abattre va bientôt partir et le renverser…, Bourdaloue, Pens. t. III, p. 72. C'est ainsi qu'il abat de leur trône les potentats qui se confiaient en leur pouvoir, Bourdaloue, ib. p. 143. Pour le faire tomber, j'abattrai son appui, Corneille, Rod. V, 1. Il a de votre sceptre abattu le soutien, Corneille, Cid, II, 9. Et j'abattrai d'un coup sa tête et son orgueil, Corneille, Hér. III, 3. Les livres sur Évrard fondent comme la grêle Qui, dans un grand jardin, à coups impétueux, Abat l'honneur naissant des rameaux fructueux, Boileau, Lutr. V. Sous le glaive étranger j'ai vu tout abattu, Voltaire, Orphel. I, 2. Chacun se disputait la gloire de l'abattre, Racine, Andr. V, 3. … mais, lorsque tu m'abats, Je me relève encor pour insulter ton bras, Lamartine, Jonath. 330. Comme la pluie abat et fait languir le soir une fleur qui était le matin, pendant la naissance de l'aurore, la gloire et l'ornement des vertes campagnes, Fénelon, Tél. XX.
  • 2 Fig. Abattre la puissance romaine. Il résolut d'abattre celui qui l'avait élevé. Dieu abat les puissants. Ce combat avait abattu les forces des ennemis. L'orgueil des Chaldéens est abattu, Bossuet, Hist. II, 4. Le peuple romain, ayant abattu les Gaulois et les Africains, ne voit plus rien à craindre et combat dorénavant sans péril, Bossuet, ib. I, 8. Les victoires de Léonce avaient abattu les Sarrasins et rétabli la gloire de l'empire en Orient, Bossuet, ib. I, 11.
  • 3Laisser tomber, abaisser. Abattre sa robe. Il abattit sa toge.
  • 4Faire retomber. Abattre la poussière. Abattre les bouillons d'un liquide en ébullition.
  • 5Oter les forces du corps ou de l'âme, faire tomber. Abattre les forces d'un malade. La moindre fièvre l'abat. Abattre le courage. La peur nous abat. Le sage ne se laisse pas abattre par le malheur. Abattre l'audace, l'insolence. La pluie, dit-on, abat le vent. Me laissant abattre à la plus légère infirmité qui m'arrive, Bourdaloue, Pens. t. II, p. 406. On lui en cache une partie, afin de ne le pas étonner dès l'entrée de la carrière et de ne lui pas abattre le cœur, Bourdaloue, ib. t. I, p. 89. Elle est tellement abattue de la perte de M. de la Rochefoucault, Sévigné, 421. Ses malheurs n'avaient point abattu sa fierté, Racine, Ath. II, 5. … tu ne prétends pas qu'il [le destin] m'abatte le cœur Jusqu'à te rendre hommage et te nommer seigneur, Corneille, Mort de Pompée, III, 4. Abattons sa superbe avec sa liberté, Corneille, ib. I, 1. Et du premier revers la fortune l'abat, Corneille, Cinna, IV, 5. Les pensées pures qui le rendraient heureux, s'il pouvait toujours les soutenir, le fatiguent et l'abattent, Pascal, édit. Cousin. Le vrai courage ne se laisse jamais abattre, Fénelon, Tél. XX. Pour abattre leur orgueil, Fénelon, ib. II. La prospérité nous élève, l'affliction nous abat, Massillon, Mart. La plus petite mortification abat votre corps, Massillon, Tiéd.

    Prov. Petite pluie abat grand vent, c.-à-d. peu de chose suffit pour calmer une grande querelle.

  • 6Police. Mettre à mort, en parlant d'animaux.
  • 7Abattre du bois, ou abattre de la besogne, faire beaucoup d'ouvrage.
  • 8 En termes de marine, abattre un navire, le mettre sur le côté pour le réparer. Abattre, v. n. se dit d'un bâtiment qui tourne sur lui-même autour de son axe vertical. Le navire abat.
  • 9Au jeu de trictrac, abattre du bois, jouer beaucoup de dames de la pile, afin de caser plus aisément.
  • 10Aux cartes, abattre son jeu, le mettre sur table pour le montrer.
  • 11Fauconn. Abattre l'oiseau, le tenir serré entre les deux mains pour lui faire prendre quelque médicament.
  • 12Corroierie. Abattre les cuirs, dépouiller les animaux tués.
  • 13Vétérinaire. Abattre un cheval, le coucher sur un lit de paille, dans une position favorable soit pour l'opérateur, soit pour l'opération.
  • 14En maréchalerie, abattre du pied, enlever une partie de corne qui est sur la face inférieure du sabot. C'est avec le rogne-pied ou le boutoir que le maréchal abat du pied.
  • 15Manége. Abattre l'eau d'un cheval, essuyer l'eau d'un cheval lorsqu'il sort de l'eau ou lorsqu'il est en sueur.
  • 16Abattre la frisquette et le tympan, se dit du mouvement que fait l'imprimeur après que sa feuille a été placée sur le tympan.

    S'ABATTRE, v. réfl.

  • 17Se jeter à terre, et aussi tomber, descendre en volant. Ces deux rivaux veulent s'abattre. Le cheval s'étant abattu. Le vautour s'abattit sur… Aigle qui s'abat doucement. L'oiseau s'abattit mourant. De la force du coup pourtant il [le sanglier] s'abattit, La Fontaine, Fab. VIII, 27. Si dessous sa valeur ce grand guerrier s'abat, Corneille, Cid, II, 5. Nous comparions notre France à la Grèce, Quand un pigeon vient s'abattre à nos pieds, Béranger, Pig. Il est tombé en ruine par sa volonté dépravée, le comble s'est abattu sur les murailles, et les murailles sur le fondement, Bossuet, La Vallière, Profession.
  • 18S'apaiser. Le vent s'abat. Son ressentiment s'abattit peu à peu. Dès le premier effort sa colère s'abat, Mairet, Mort d'Asdr. IV, 1.

SYNONYME

ABATTRE, DÉMOLIR, RENVERSER, RUINER, DÉTRUIRE. Idée générale, faire tomber. L'idée propre d'abattre est celle de jeter à bas : on abat ce qui est élevé, haut. Celle de démolir est de rompre la liaison d'une masse construite : on ne démolit que ce qui est bâti. Celle de renverser est de mettre à l'envers ou sur le côté, ce qui était bien placé ou debout, droit, sur pied : on renverse ce qui peut changer de sens et de direction. Celle de ruiner est de faire tomber par morceaux : on ruine ce qui se divise et ce qui se dégrade. Celle de détruire est de dissiper entièrement l'apparence et l'ordre des choses : Le temps détruit tout, GUIZOT.

HISTORIQUE

XIe s. Ki abate femme à terre pur faire lui force…, L. de Guill. 19. De Saragoce [il] a la porte abatue, Ch. de Rol. 267. Mort il l'abat sur un buisson petit, ib. 243. Ô ses cadables les turs [il] en abatiet, ib. 8.

XIIe s. Des abatus est la terre jonchée, Ronc. p. 137. Diex sait bien du felon abattre la bobance, ib. p. 197. En mi la place [il] l'abattout estendu, ib. p. 61. … lor orguels qu'est si grans Fust abatus…, ib. p. 27. Il [les guerriers] fauchent et abatent com vilain en essart, Saxons, 19. Toute plaine sa lance [il] l'abat mort au sentier, ib. 11.

XIIIe s. Et li Venicien firent abatre les murs et les tors, Villehardouin, 56. S'il [le faucon] abat aue [oie] ou autre oisiel, l'Escoufle. Li cuens [comte] de Champaigne Et li rois d'Espaigne Fussent vil et abattu, Et France fust en vertu, Hues de la Ferté, Romanc. 191. Je m'ocirai s'autres que Garin m'ait [pour femme] ; Dieus le me doint ! Tous ces maus [il] abatrait, ib. p. 72. Maint chastel abatu, mainte vile essilie [ruinée], Berte, 2. Le servise que il li fera doit estre conté raisnablement et abatu de la dette, Ass. de Jér. I, 189. Il est tenu et gardé à droit que les lois soient abatues par desacostumance, Livre de justice, 6. Mahom [Mahomet], chou [ce] dist li sains hermites, Tu desloiaux et pleins de rage, Abateras saint mariage, Rom. de Mahomet, 51. Et s'il iere si bien apris Qu'el [l'envie] ne peüst de tot son pris Rien abatre ne desprisier…, la Rose, 274. Et dit l'en que ces choses viennent du paradis terrestre, que le vent abat des arbres qui sont en paradis, Joinville, 220. Iceulx Blancs [Manteaux, ordre religieux] furent abatus au concile de Lyon, que Gregoire le Xe tint, Joinville, 299. L'an mil deux cens soixante trois furent abatus li mansois [sorte de monnaie], Du Cange, abatare.

XIVe s. Toutes autres monnoyes soient abatues [démonétisées], Du Cange, abatere.

XVe s. Les cardinaux apaisoient les Romains et abatoient leur ire ce qu'ils pouvoient, Froissart, II, II, 20. Et à mes pieds t'a abattu à terre, Orléans, 1.

XVIe s. Il faut dire que le zele est bien debile, quand il s'abat pour si peu, Calvin, 275. Le sacrifice plaisant à Dieu est un esprit abbatu, Calvin, Inst. 692. Les chevaux s'en coururent à bride abbatue avec leur charriot devers la ville de Rome, Amyot, Publ. 26. Valerius fait abattre sa maison et la razer jusques en terre, Amyot, ib. 18. L'on commencea à user d'engins de baterie pour abbatre grosses murailles, Amyot, Péric. 52. Elle fit serrer les portes et abbatre les grilles et les harses qui se fermoient à grosses serrures et fortes barrieres, Amyot, Antoi. 99. Il fut contraint d'abattre sa barbe, Despériers, Cont. 19. Les forces abbattues par l'aage, Montaigne, II, 19. Les courages sont abbattus, Montaigne, I, 24. Il m'advient souvent en telle sorte de propos abbattus et lasches, propos de contenance, de…, Montaigne, III, 277.

ÉTYMOLOGIE

À et battre ; bourguig. aibaitre ; wall. abate ; provenç. abatre ; catal. abatrer ; espag. abatir ; ital. abbattere.

SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIRE

ABATTRE. Ajoutez :
15 V. n. Faire effort sur l'extrémité d'un levier, en l'abaissant près de terre, de manière à faire tourner un treuil horizontal. Ce mot s'emploie principalement dans la manœuvre de la chèvre ; on emploie, dans l'artillerie, pour déterminer ce mouvement, le commandement : Abattez.