« absolu », définition dans le dictionnaire Littré

absolu

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

absolu, ue

(ab-so-lu, lu-e, ou, suivant la prononciation réelle, ap-so-lu) adj.
  • 1Qui n'est lié, borné, retenu par rien. Une impossibilité absolue. Il y a peu de vérités absolues. Domination absolue. Je veux être maître absolu, Molière, Préc. 5. Et vous quittez ainsi la puissance absolue, Racine, Théb. I, 4. De l'absolu pouvoir vous ignorez l'ivresse, Racine, Ath. IV, 3. Ce Dieu maître absolu de la terre et des cieux, Racine, Esth. III, 4. Les femmes ont un empire absolu sur les hommes, Pascal, éd. Cousin. Avais-tu résolu d'opprimer ta patrie, D'abandonner ton père au pouvoir absolu ? Voltaire, Brutus, V, 7. Il me semble surtout incessamment le voir Déposer en nos mains son absolu pouvoir, Corneille, Cinna, III, 2. Rome l'ordonne ainsi de puissance absolue, Mairet, M. d'Asdr. II, 1. Ô Romains ! ô vengeance ! ô pouvoir absolu ! ô rigoureux combat d'un cœur irrésolu ! Corneille, Cinna, IV, 2. Ce domaine absolu qui soumet à votre empire tous les êtres créés, Bourdaloue, Pensées, t. II, p. 422. Dans l'absolue et affreuse incertitude où je suis, si vous m'avez pardonné, Bourdaloue, ib. p. 79.
  • 2Sens absolu. Vous prenez ce que je dis dans un sens trop absolu.
  • 3 En termes de grammaire et de logique, absolu se dit par opposition à relatif. Homme est un terme absolu, père est un terme relatif.
  • 4 En termes de grammaire latine et grecque, ablatif absolu, génitif absolu, ablatif, génitif qui n'est régi par aucun mot exprimé.
  • 5Qui a pouvoir, autorité sans restriction. Un roi absolu. Les derniers règnes où l'on voit non-seulement les rois majeurs, mais encore les pupilles et les reines mêmes si absolues et si redoutées, Bossuet, R. d'Angl. Une créance si absolue que pour cela je dois démentir tous mes sens, imposer silence à ma raison, lui faire violence, et la tenir assujettie sous le joug, Bourdaloue, Pensées, t. III, p. 185. Un pouvoir fondé sur une mission divine et absolue ne se peut ni restreindre, ni circonscrire, Mirabeau, Collection, t. IV, p. 341. Les autres enfants lui défèrent [à un autre enfant], et il se forme alors un gouvernement absolu, qui ne roule que sur le plaisir, La Bruyère, 11. Il craignait d'avoir un rival qui, tout éloigné qu'il eût été, eût pu l'empêcher d'être heureux, même dans un pays où il était absolu, Scarron, Rom. II, 14. Je veux croire… Que mes yeux sur votre âme étaient plus absolus, Racine, Andr. III, 2. Et dans ce même trône où vous m'avez voulu, Sur moi comme sur tous je dois être absolu, Corneille, Perth. I, 4. Mais je sais que sur lui vous êtes absolue, Corneille, Attila, IV, 5. Oui sur tous mes désirs je me rends absolu, Corneille, Sert. IV, 3. Mais songez que les rois veulent être absolus, Corneille, Cid, II, 1. L'empereur, libre alors de craintes et de soins, Étant plus absolu, nous écouterait moins, Corneille, Andron. I, 3. Ô vue ! ô sur mon cœur regards trop absolus, Corneille, Agés. V, 3.
  • 6Pouvoir absolu se dit en politique du pouvoir royal, quand il n'est pas limité par une constitution, et que le prince peut faire des lois, en abroger, et lever des impôts sans consulter les représentants de la nation.
  • 7Qui commande, qui veut être obéi. Il a un caractère absolu. Absolu dans sa famille. Une mère absolue. Vous le prenez là d'un ton bien absolu, Molière, F. sav. V, 3. C'est elle qui gouverne, et d'un ton absolu Elle dicte pour loi ce qu'elle a résolu, Molière, ib. I, 3. Antiope pleura, ne voulant point y aller ; mais il fallut exécuter l'ordre absolu de son père, Fénelon, Tél. XXIII. Gens humbles et souples jusqu'à la bassesse devant les puissances qui sont sur leur tête ; mais absolus et fiers jusqu'à l'insolence envers ceux qu'ils ont sous leur domination, Bourdaloue, Pensées, t. II, p. 223.
  • 8 En termes de chimie, pur, sans mélange. Alcool absolu, alcool sans eau.
  • 9Le jeudi absolu se disait autrefois pour le jeudi saint
  • 10 En termes de métaphysique, qui n'est pas relatif, qui n'a rien de contingent. Les idées absolues sont celles qui, d'après la métaphysique, ne viennent pas de l'expérience.
  • 11 S. m. En termes de métaphysique, l'absolu, ce qui existe indépendamment de toute condition. La recherche de l'absolu. L'absolu est la base des philosophies qui ne prennent pas pour point de départ l'expérience. L'absolu, de quelque genre qu'il soit, n'est ni du ressort de la nature ni de celui du genre humain, Buffon, Homme, Arithm. morale. L'absolu, s'il existe, n'est pas du ressort de nos connaissances ; nous ne jugeons et nous ne pouvons juger des choses que par les rapports qu'elles ont entre elles, Buffon, Animaux carnassiers.

    En prose, absolu ne se met guère qu'après son substantif.

SYNONYME

ABSOLU, IMPÉRIEUX. Un homme impérieux commande avec empire ; un homme absolu veut être obéi avec exactitude. L'un peut n'exiger que de la déférence ; l'autre veut de la soumission. On est impérieux par le ton, le langage ; on peut être absolu en conservant de la douceur dans les formes. Un monarque impérieux est celui qui commande avec hauteur à ceux qui l'entourent ; un monarque absolu est celui qui règne en maître sur ses sujets. On peut être impérieux et faible : sans fermeté on n'est pas absolu. On n'est impérieux que par moments : un caractère absolu se fait sentir sans interruption, GUIZOT.

HISTORIQUE

XIIe s. Jamais n'ert [ne sera] tel en France l'asolue [la parfaite], Ch. de Rol. 168.

XIIIe s. Sire, fait-il, si [je] sui venus ; Confès [je] veuil estre et absolus [absous], Lai du désiré. Il me demanda si je lavoie les piés aux poures le jeudi absolu [saint], et je lui respondi que nenil, Joinville, 293. Comment querreiz à Dieu merci, Se la mors en vos liz vous tue ? Vous veeiz la terre absolue [sainte], Qui à vos tenz nous ert tolue, Dont j'ai le cuer triste et marri, Rutebeuf, 61.

XVe s. Et pourtant le dit duc, très grievement au cœur courroucé, crut son conseil, lequel fit faire reponse absolut aux françois, Monstrelet, II, 99. [Un roi] Qui a subgiez, commandement et loy, Et qui moult puet de biens et de maux faire Par son pouvoir absolu, voluntaire, Deschamps, Ce qui est nécess. aux rois. Monseigneur le curé ne fut pas trop joyeux de cette réponse absolue [nette, tranchée], Louis XI, Nouv. 49.

XVIe s. Or, quand je n'auroy, comme j'ai, ceste juste response absolute et universelle, qui…, Du Bellay, M. 493. Absolu et parfaict tant en vertus comme en tout sçavoir liberal, Rabelais, Pant. II, 8. Un sermon que fit pere Ange à Paris le jeudi absolu, D'Aubigné, Faen. IV, 8. Reconnoyssant que l'absolu pouvoir que je vous [à son frère Henri IV] ai donné sur mes vollontés ne vous peut faire changer…, Lett. de Catherine de Nav. Bibl. des Chartes, 4e série, t. III, p. 146.

ÉTYMOLOGIE

Absolutus, de absolvere, délier et par suite absoudre (voy. ABSOUDRE) ; provenç. absolut ; espagn. absoluto ; ital. assoluto.

SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIRE

ABSOLU. Ajoutez :
11En mécanique, le mouvement absolu d'un point est le mouvement de ce point rapporté à des points de repère fixes ; par opposition à mouvement relatif, qui est ce même mouvement rapporté à des points de repère mobiles.
12Ajoutez :

À l'absolu, en termes de commerce, complétement. Laine entièrement dégraissée et desséchée à l'absolu, Journ. offic. 7 février 1872, p. 926, 1re col.

13 Terme de thermodynamique. Zéro absolu, voy. ZÉRO, n° 2.

Température absolue, température comptée à partir du zéro absolu, ou -273 centigrades.