« ajouter », définition dans le dictionnaire Littré

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

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(a-jou-té) v. a.
  • 1Mettre en plus. Ajouter ce travail à tous les autres. Ajouter une aile à une maison. Un bon régime ajoute des années à la vie. Des arbres ajouteraient du prix à cette maison. César ajouta la gloire des lettres à celle des armes. Les alluvions ont ajouté plus d'une lieue à ce rivage. Aux auteurs déjà nommés il faut ajouter Cicéron. Ce je ne sais quoi d'achevé que les malheurs ajoutent aux grandes vertus, Bossuet, L. de Bourbon. Gardez-vous bien d'ajouter à la faute de votre promesse celle de l'accomplir contre les lois de la nature, Fénelon, Télém. v. Il n'y a point dans le cœur d'une jeune personne un si violent amour auquel l'intérêt ou l'ambition n'ajoute quelque chose, La Bruyère, 3. Mille petites pratiques qui ont passé en coutume et qu'une sainte ferveur ajoute à la règle, ne sont plus dans son estime que des minuties et des dévotions de novice, Bourdaloue, Pensées, t. II, p. 389. Elle n'a point prétendu par là vous dresser un piége, ni vous exposer au péril d'ajouter péché sur péché, Bourdaloue, Carême, t. I, p. 114. À ce fils supposé dont il me faut défendre, Tu parles d'ajouter un véritable gendre, Corneille, Héracl. III, 3. Et vous ne deviez pas envelopper d'un crime Ce que votre victoire ajoute à votre estime, Corneille, Nicom. II, 2. J'ajoute à ces tableaux la peinture effroyable De leur concorde impie, affreuse, inexorable, Corneille, Cinna, I, 3. Mais j'espère qu'enfin le ciel, las de tes crimes, Ajoutera ta perte à tant d'autres victimes, Racine, Brit. V, 6. Est-ce ainsi qu'au parjure on ajoute l'outrage ? Racine, Iphig. IV, 6. Ajoutez cette grâce à tant d'autres bontés, Racine, Baj. V, 4.
  • 2Ajouter foi à quelqu'un, le croire. Ajouter foi à quelque chose, y croire. Je ne veux pas que vous m'ajoutiez foi, La Fontaine, Cal.
  • 3Pris absolument. Votre départ a ajouté à mon affliction. Il fut obligé d'ajouter du sien. Cela ajoutait encore à l'horreur du crime. L'habitude a ajouté à l'affection. Les dernières nouvelles ont ajouté à l'inquiétude générale. Ajoutez quelquefois, et souvent effacez, Boileau, A. P. I. Vous avez ajouté à des désordres qui n'ont jamais été pardonnés, Massillon, Car. Rechute. Mon fils, que la clémence ajoute à votre gloire, Voltaire, Alz. IV, 1. Au poids de nos fers il [l'amour] ajoute, Elle [l'amitié] nous aide à les porter, Béranger, Amitié.

    Ajouter au conte, ajouter à la lettre, amplifier, exagérer. Ne vous fiez pas sans réserve à ses discours ; il ajoute à la lettre.

    Ajoutez, ajoutons ; de plus, en outre. Ajoutez à cela que… Ajoutez que j'aime son père. Ajoutez que si je reste… Ajoutons que les vieillards apprennent encore.

  • 4Dire en sus, écrire en sus. Il ajouta que… Je n'ajouterai plus rien. Quelque obstacle imprévu rompra de si doux nœuds, Ajoutais-je…, Corneille, Pulch. II, 1. Si vous me fâchiez, j'ajouterais peut être …, Corneille, Nic. III, 2.
  • 5S'ajouter, v. réfl. Être ajouté. Toute chose ne s'ajoute pas à une autre. À la vieillesse s'ajoutait la cécité. Une seule année s'ajoutant à votre travail. Cet homme qui vient s'ajouter à mes ennemis. De nouvelles affaires s'étant ajoutées aux anciennes. Il ne se peut rien ajouter à ces excès contre la piété, Pascal, Prov. 11.

HISTORIQUE

XIe s. Quatre cent mille [il] en ajustet en trois jours, Ch. de Rol. LXXI. [Que] Devant Marsile as autres si s'ajust, ib. LXXII. Franz et payens aslesvous [voilà] ajustez [aux prises], ib. X. Onques mais homs ne vit tel [bataille] ajustée, ib. CXI.

XIIe s. Et je ferai nos Franzois ajoster [ranger en bataille], Ronc. p. 47. Gelers s'ajouste à la gent honorée, ib. p. 53. A l'ajouster fut la noise esbaudie, ib. p. 58. En la grant presse à Rolant [il] s'ajosta, ib. p. 80. Iluekes [ici] sunt andui [tous deux] lié [unis] et ajusté, Qu'il seront mais ami en estabilité, Th. le Mart. 99. As altres chambres out une chambre ajustée, Par unt la veie esteit al cloistre plus privée, ib. 146. E vindrent es herberges, et ajosterent soi od eaus [eux], Machab. I, ch. 3, Mouchet, n° 9. Et avoec ce nous adjostons que les dimes de vos bestes nuls ne vos osece demander, Tailliar, Recueil, p. 501.

XIIIe s. Cil qui sont adjostei à le [la] banlieue, ib. p. 327. Tu ajousteras jours seur les jours de ton roi, Psautier, B. M. 258, f. 71. Or entendés come grans domages ce fu, quant il ne furent avec aus [eux] ajousté ; tous jors mais en fust crestienté haucie, Villehardouin, c. Uns singes qui fu nez d'Espaingne S'est ajostez à la conpaingne, Ren. 9026. Li Diex d'Amors se fu bien pris à une dame de haut pris, Et delez lui iert ajoustés : Icele dame ot non Biautés, la Rose, 995.

XIVe s. Se un autre bien, ja soit ce qu'il soit très petit, est adjousté…, Oresme, Eth. VIII, 15.

XVe s. Ledit duc n'y adjousta point de foy, Commines, IV, 13.

XVIe s. Ceste oraison ne me prouffictera de rien, car je n'y adjouste point de foy, Rabelais, Garg. I, 42. Adjoustant que ce n'estoit raison de molester ainsy ses voisins, Rabelais, I, 47. Il adjouste que les dicts ambassadeurs…, Montaigne, I, 59. Les ambassadeurs lui adjousterent qu'il avoit cinquante mille hommes…, Montaigne, I, 229. Il conseilla au peuple de n'adjouster foy quelconque à personnes qui estoient si manifestement convaincues de mensonge, Amyot, Nic. 18.

ÉTYMOLOGIE

Provenç. ajostar, ajustar ; de à (voy. À) et juxta, près (voy. JOÛTER). Quelques étymologistes l'ont fait venir de justus ; mais le sens est bien plus favorable à juxta qu'à justus. Dans l'ancien français, il est impossible de distinguer ajouster d'ajuster.