« cendre », définition dans le dictionnaire Littré

cendre

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

cendre

(san-dr') s. f.
  • 1Poudre qui reste après la combustion du bois et autres matières. Cendre chaude. Faire cuire sous la cendre, dans les cendres. Lessive de cendres, lessive faite avec des cendres. Mettre en cendre, réduire en cendre, brûler. Leurs trônes mis en cendres, Corneille, M. de Pomp. I, 1. Brûlez votre recueil et faites-en des cendres, La Fontaine, On ne s'avise. Cet édifice est réduit en cendres, Bossuet, Hist. II, 8. Dussé-je après dix ans voir mon palais en cendre ! Racine, Andr. I, 4. Brûlez le capitole et mettez Rome en cendre, Racine, Mithr. III, 1. Une ville qui sera mise en cendres comme Troie, Fénelon, Tél. X.

    La cendre qui couvre le feu, au propre et au figuré. Le feu couve sous la cendre. Il ne peut… que se mettre au visage Sur le feu de sa honte une cendre d'ennui, Malherbe, I, 4. Le feu qui semble éteint souvent dort sous la cendre, Corneille, Rod. III, 4. Tout cela se préparait et se cuisait sous la cendre, dès le temps que le roi parla à son neveu de ne plus retourner en Espagne, Saint-Simon, 241, 213. Et tu veux qu'éveillant encore Des feux sous la cendre couverts, Lamartine, Méd. I, 11.

  • 2La cendre en tant que signe de deuil, de mortification, au propre et au figuré. À ces vains ornemens je préfère la cendre, Racine, Esth. I, 4. Je l'ai trouvé couvert d'une affreuse poussière, Revêtu de lambeaux, tout pâle ; mais son œil Conservait sous la cendre encor le même orgueil, Racine, ib. II, 4. Tandis que toute l'Église combat sous la cendre et sous le cilice, Massillon, Car. Jeûne. Priam, les cheveux souillés de cendres, le visage baigné de pleurs, Chateaubriand, Génie, II, II, 4.

    Fig. Faire pénitence avec le sac et la cendre ou dans le sac et la cendre, éprouver une vive affliction de ses péchés, des offenses commises contre Dieu.

    Fig. C'est pourquoi déguisant les bouillons de mon âme, D'un long habit de cendre enveloppant ma flamme, Je cache mon dessein aux plaisirs adonné, Régnier, Sat. XII.

    Au plur. Les cendres, cendre des linges de l'autel ou des rameaux bénits dont le prêtre fait une croix au front des fidèles le premier jour de carême. Recevoir, prendre les cendres. Le jour des Cendres, le mercredi des Cendres. Boniface, donnant les cendres à un archevêque de Gênes, les lui jeta au nez, Voltaire, Mœurs, 65.

  • 3Reste, débris d'une chose qui a été consumée par le feu ou par ce qui est comparé au feu. De son vain orgueil les cendres rallumées Poussent déjà dans l'air de nouvelles fumées, Corneille, M. de Pomp. I, 2. Une autre Rome sort des cendres de la première, Bossuet, Hist. III, 1. Votre Ilion encor peut sortir de sa cendre, Racine, Andr. I, 4. Les vices des grands renaissent de leurs cendres, Massillon, Pet. Car. Vices. L'État renaît pour ainsi dire de sa cendre, Rousseau, Contr. II, 8.
  • 4Reste des morts (locution provenant de l'usage des anciens de brûler les cadavres) et, figurément, leur mémoire. Et qu'ont fait tant d'auteurs pour remuer leur cendre ? Boileau, Sat. IX. Ah ! ranimez les cendres de nos pères, Massillon, Car. Temples. Gémissez sur les cendres de l'époux qui vous a été enlevé, Massillon, Or. fun. Villars. On craint que de la sœur les flammes téméraires Ne raniment un jour la cendre de ses frères, Racine, Phèd. II, 1. J'ai donné comme toi des larmes à sa cendre, Voltaire, Alz. I, 4. Que j'unisse ta cendre à celle de ton père, Chénier, p. 41. Nous respectons les cendres de nos ancêtres, parce qu'une voix nous dit que tout n'est pas éteint en eux, Chateaubriand, Génie, I, VI, 3. Aime une ombre comme ombre, et de cendres éteintes Éteins le souvenir, Malherbe, VI, 17. C'est ainsi que la justice divine, justement irritée de notre orgueil, le pousse jusqu'au néant, et que, pour égaler à jamais les conditions, elle ne fait de nous tous qu'une même cendre, Bossuet, Duch. d'Orl. Ces veuves qui s'ensevelissent, pour ainsi dire, elles-mêmes dans le tombeau de leurs époux, y enterrent tout amour humain avec ces cendres chéries, Bossuet, Anne de Gonz. Les morts du sein de l'ombre avec terreur s'élancent Pâles, et secouant la cendre des tombeaux, Gilbert, Jug. dernier. Nous avons cru devoir rendre ce témoignage aux vertus d'un sage dont l'envie n'a point respecté les cendres, Condorcet, Malouin. Il a dit à la mortelle : Vite ! éblouis ton amant ; Avant de mourir, sois belle ; Sois un instant étincelle, Puis cendre éternellement, Hugo, Voix intér. XVII.

    Il ne faut pas remuer ou troubler les cendres des morts, il ne faut pas dire du mal de ceux qui ne sont plus.

  • 5En chimie et dans les arts, certains résidus de la combustion.

    Cendre bleue, oxyde de cuivre précipité de la dissolution du sulfate de ce métal par la chaux.

    Cendre verte, couleur que les peintres emploient dans les paysages (variété terreuse de carbonate de cuivre).

    Cendre gravelée, proprement la cendre des vrilles de la vigne, ou la cendre du sarment ; et par extension et plus particulièrement, le produit de l'incinération du tartre brut ou lie de vin desséchée.

    Cendres du Levant, espèce de soude.

  • 6Cendre de plomb, le plomb de chasse le plus menu ; on dit plutôt cendrée.
  • 7Cendre rouge, variété terreuse de lignite brûlé.

    Cendre noire, variété terreuse de lignite à l'état naturel.

    PROVERBE

    Il faudrait les brûler pour en avoir de la cendre, se dit, pour exprimer la rareté des bons ménages de deux époux excellents l'un pour l'autre.

HISTORIQUE

XIIe s. Je ne pris [prise] pas plein poing de cendre Ta menace ne ton orgueil, la Charrette, 799. E vestirent eaus [eux] de haires, e mistrent cendres sor lor chef, Machab. I, 3. D'ire [il] devint vermeilz plus que carbuns sur cendre, Th. le mart. 44.

XIIIe s. A l'entrée de quaresme, après ce que on prent cendres, Villehardouin, VI, . Por cel païs qu'il voloit prendre Et les cités livrer à cendre, Fl. et Bl 63. De toute teinture fors de graine en charrete un denier ; neis [même] se il i a cendre clavelée qui appartient à teinture…, Liv. des mét. 284. Encor te veuil assez aprendre De mesler tainture avec cendre, Ren. 12040. Bien le doit-on ardoir en cendre, ib. 9617.

XVIe s. Abattant boys, bruslant les grosses souches pour la vente des cendres, Rabelais, Pant. II, 2. Elle se resoult en pouldre comme feroit de la chaux vive ou de la cendre, qui la fouleroit, Amyot, Sertor. 23. Mieulx vault la cendre divine Que du monde la farine, Leroux de Lincy, Proverbes, t. I, p. 6. S'il ne s'en trouve après une exacte et diligente recherche, il faudra executer sur toutes sortes de meubles jusques aux cendres du feu, avant qu'en venir aux immeubles, Nouveau coustumier génér. t. II, p. 1094.

ÉTYMOLOGIE

Picard, chaine ; bourguig. çarre ; provenç. cenre, cendre, cene ; catal. cendra ; ital. cenere ; du latin cinerem, le même que le grec ϰόνις.