« dégager », définition dans le dictionnaire Littré

dégager

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

dégager

(dé-ga-jé. Le g prend un e quand il est suivi d'un a ou d'un o : nous dégageons, dégageant) v. a.
  • 1Retirer ce qui avait été engagé, donné en hypothèque, en nantissement. Dégager sa vaisselle, ses pierreries. … Nous devions tantôt le dégager [un bijou], Et contre mon avis vous avez fait la chose, Regnard, Joueur, V, 7.
  • 2 Par extension, dégager sa parole, la retirer quand elle a été donnée sous des conditions non remplies, ou bien la tenir. Anne… dégage envers nous la promesse des cieux, Malherbe, II, 8. Demandons-lui [à Dieu] qu'il nous console, Qu'il nous secoure en cet ennui, Saint Paul nous l'a promis pour lui ; Il dégagera sa parole, Corneille, Imit. I, 13. … Qu'il achève et dégage sa foi, Et qu'il choisisse après de la mort ou de moi, Corneille, Cinna, III, 5. Dégage ton serment, je tiendrai ma parole, Corneille, Perthar. III, 3. Mon devoir m'intéresse, Mon père, à dégager vers lui votre promesse, Molière, Sgan. 23. Je ne prétends pas qu'un impuissant courroux Dégage ma parole et m'acquitte envers vous, Racine, Brit. I, 3. … J'ai couru partout où ma perte certaine Dègageait mes serments et finissait ma peine, Racine, Androm. II, 2. Vous-même dégagez la foi de vos oracles, Racine, Iphig. V, 2. Je reviens dégager mes serments et les tiens, Voltaire, Zaïre, I, 4.

    Dégager quelqu'un de sa parole, la lui rendre, l'en affranchir. D'un serment solennel qui peut nous dégager ? Corneille, Hor. I, 3.

  • 3Débarrasser, délivrer. Je ne suis point d'avis De dégager mes jours pour les rendre asservis, Régnier, Sat. III. Jusqu'à ce que ma main de ses fers le dégage, Corneille, Nicom. V, 7. C'est assez dignement répondre à tes bienfaits Que d'avoir dégagé ton fils de tes forfaits, Corneille, Héracl. IV, 5. D'un choix abject son bras l'a dégagée, Corneille, Sertor. V, 4. … Vos intérêts seuls me mettent en danger, Je vais périr, madame, ou vous en dégager, Corneille, Nicom. V, 6. Othon près d'un tel maître a su se ménager, Jusqu'à ce que le temps ait pu l'en dégager, Corneille, Othon, III, 3. Tous s'accordèrent à le plaindre, les uns d'une faute qu'il a faite par une véritable nécessité, les autres de ce qu'il a dégagé ses devoirs par une faute, La Rochefoucauld, Mém. 207. De son trop de vertu sachons le dégager, Corneille, Perthar. III, 6. Qui l'a mieux dégagé de ses destins contraires ? Corneille, Nicom IV, 2. De ce petit chagrin le ciel m'a dégagée, Corneille, Agésil. II, 7. Elle les dégage des intérêts du monde, Pascal, Prov. 2. Pour dégager l'âme de l'amour du monde, pour la retirer de ce qu'elle a de plus cher, Pascal, Prov. 5. Trop de reconnaissance est un fardeau peut-être ; Mon cœur vous en dégage…, Voltaire, Tancr. IV, 4. Va, de ce vain respect ma fureur te dégage, Ducis, Abufar, III, 4.

    Fig. Dégager son cœur, rompre un engagement d'honneur ou de galanterie.

  • 4Dégager un soldat, lui faire obtenir, lui donner son congé. Je vendrai tout le peu que j'ai pour dégager mon fils, Marmontel, Mém. II.
  • 5Débarrasser un lieu qui était obstrué. Dégager la voie publique, un passage.

    Terme militaire. Dégager une province, en chasser les ennemis, les bandes qui l'occupaient. Après avoir dégagé les côtes par deux victoires, Luculle tourne ses armes vers le continent, Rollin, Hist. anc. Œuvres, t. X, p. 190, dans POUGENS.

    Dégager les appartements, disposer les chambres de telle sorte qu'elles ne soient pas sujettes les unes des autres.

  • 6 Terme de médecine. Dégager les organes, les débarrasser de ce qui les gêne. Un bain de pied lui a dégagé la tête.
  • 7Tirer d'entre des gens qui pressent ou qui attaquent. La cavalerie ennemie l'avait entouré ; un retour de ses gens le dégagea. Il remonta bien vite, tout mouillé [au passage du Rhin], sur un autre cheval, et s'en alla assez joliment charger les ennemis et dégager M. le Prince, qui venait d'être blessé, Sévigné, 583. On dégagea Philoclès des mains de ces trois hommes, Fénelon, Tél. XII.

    Terme militaire. Tirer un corps de troupe d'une position difficile, dangereuse. Ce grand voyage de M. le Prince et de M. de Turenne pour aller dégager M. de Luxembourg est devenu à rien, Sévigné, 282.

    Terme de marine. Dégager un vaisseau, le délivrer de la poursuite des vaisseaux ennemis.

  • 8 Terme d'escrime. Dégager le fer, ou, absolument, dégager, détacher son arme de celle de son adversaire et la passer à droite ou à gauche de celle-ci.
  • 9Donner de l'aisance. Cet habit dégage bien la taille. L'habit de cour, si favorable aux jeunes personnes, marquait sa jolie taille, dégageait sa poitrine et ses épaules, Rousseau, Confess. III.
  • 10 Terme de gravure. Repasser la pointe autour des traits déjà gravés, pour enlever plus facilement le bois des vides.

    Terme de maçon. Dégager une pierre, lui ôter ce qui est superflu.

  • 11 Terme de chimie. Séparer une substance d'une autre. Davy est le premier qui parvint à dégager le potassium et le sodium de leurs oxydes, qu'on regardait comme des corps simples. La chaleur dégage certains gaz de leurs combinaisons.

    Produire une émanation. Cette substance dégage une odeur sulfureuse.

  • 12 Terme de mathématiques. Dégager une inconnue, faire les opérations nécessaires pour que cette inconnue se trouve seule dans un membre de l'équation, tandis que l'autre membre en contient la valeur en quantités, soit connues, soit inconnues ou composées des unes et des autres.
  • 13 Terme de danse. Dégager le pied, le détacher de l'autre.

    Absolument. Dégager, faire un pas en détachant vivement un pied ou une jambe de l'autre.

  • 14Se dégager, v. réfl. Rompre un engagement, se débarrasser. Mon père m'a dit, monsieur, que vous étiez venu vous dégager de la parole que vous aviez donnée, Molière, Mar. forcé, sc. 16. Dans une peine si cruelle Le plus sûr serait de changer ; Mais tant qu'on vous verra si belle, Le moyen de se dégager ? Lasablière, dans RICHELET. La foi ne fut jamais dans Rome un esclavage, Chacun comme il lui plaît s'engage et se dégage, Péchantré, M. de Néron, II, 5. Dégagez-vous des soins dont vous êtes chargé, Racine, Androm, II, 2. Heureux si je pouvais en ce désordre extrême Du parti que je hais me dégager moi-même, Voltaire, Catil. III, 1. Je veux me dégager du poids de mes soupçons, Delavigne, Vêpres sicil. III, 5.
  • 15Se tirer de gens qui pressent ou qui assaillent. Il se dégagea à coups d'épée des ennemis qui déjà le saisissaient. Il ne s'échappa de la flotte romaine que trente vaisseaux, qui, étant auprès du consul, prirent la fuite avec lui en se dégageant le mieux qu'ils purent le long du rivage, Rollin, Hist. anc. Œuvres, t. I, p. 335. Napoléon se dégagea en silence de l'immense attirail qu'il entraînait après lui, et s'avança sur la vieille route de Kalougha, Ségur, Hist. de Napol. IX, 1.

    Se dégager de quelqu'un, se tirer de son étreinte. Corinne comprit sa pensée, et, l'interrompant aussitôt en se dégageant doucement de ses bras…, Staël, Corinne, VIII, 1.

    Se dégager de quelqu'un, le quitter. Ils ne songent qu'à se dégager de vous, La Bruyère, V.

    Se dégager de quelqu'un, retirer la promesse qu'on lui avait faite de répondre à son invitation, pour un dîner, une soirée, un bal, etc. On m'attendait ailleurs, je me suis dégagé pour avoir le plaisir de souper avec vous, Hauteroche, Soup. mal appr. sc. 12. C'est justement notre amphitryon, je vais me dégager, Boissy, Franc. à Londres, sc. 13.

  • 16Être dégagé. Plus elle avance, plus les voies se dégagent, Massillon, Car. Prod.

    Terme de médecine. Être débarrassé de ce qui engorgeait. La tête se dégage.

    Sortir, en parlant de gaz, d'exhalaisons. Le gaz, la mauvaise odeur qui s'en dégage.

HISTORIQUE

XIIe s. Pur co s'ala à Turs [Tours] cele nuit herbergier, E saveir se li reis le voldreit là baisier ; Mais il ne porta là ne maille ne denier ; Ses guages li covint rachater u laissier ; Ne li reis nel baisa, n'il nes fist desguagier, Th. le mart. 117.

XIIIe s. Ce sont li franc jour que on ne respont mie à clains, ne qu'on ne va mie deswagier [faire une saisie], Tailliar, Recueil, p. 453.

XVIe s. Voiant son infanterie qui ne se pouvoit plus desgager sans combat, il s'y resout, D'Aubigné, II, 181. Ce m'est plaisir d'estre desinteressé des affaires d'aultruy et desgagé de leur gariement, Montaigne, III, 271.

ÉTYMOLOGIE

Dé… préfixe, et gage.

SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIRE

DÉGAGER. - HIST.

XIIIe s. Ajoutez : Mais puisqu'il est ainsi Qu'ele [une dame] à tort me degage [de son service], Je li rend son homage, Et si me part de li, Scheler, Trouvères belges, Chansons d'amor, 1876, p. 28.