« départir », définition dans le dictionnaire Littré

départir

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départir

(dé-par-tir), je dépars, tu dépars, il départ, nous départons, vous départez, ils départent ; je départais ; je départis ; je départirai ; je départirais ; dépars, qu'il départe, départons, départez, qu'ils départent, que je départe, que nous départions ; que je départisse ; départant, départi v. a.
  • 1Distribuer, partager. Entre autres denrées, ce marchand trafiquait d'esclaves ; si bien qu'allant à Éphèse pour se défaire de ceux qu'il avait, ce que chacun d'eux devait porter pour la commodité du voyage fut départi selon leur emploi et selon leurs forces, La Fontaine, Vie d'Ésope.

    Terme de pratique. Partager des procès entre les juges et leur distribuer les pièces qui en dépendent.

    Terme de chasse. Départir la quête, assigner à chaque veneur le canton de sa quête.

  • 2Accorder. …Bien qu'elle ne m'ait sa faveur départie, Régnier, Sat. II. Tout ce que la faveur départ aux favoris, Régnier, ib. XI. C'est toi qui règles les états, C'est toi qui dépars les couronnes, Corneille, Tois. V, 7. Sa main seule départ ses libéralités, Corneille, Othon, II, 4. Auteur de la victoire, Ainsi qu'il vous plaira départez-en la gloire, Corneille, Médée, IV, 3. Il est vrai que du ciel la prudence infinie Départ à chaque peuple un différent génie, Corneille, Cinna, II, 1. Auteur de ma naissance aussi bien que du jour, Qu'à regret tu dépars à ce fatal séjour, Corneille, Médée, I, 4. Du Dieu qui t'a commis dépars-moi les bontés, Rotrou, St Gen. IV, 5. La prudence est un don de Dieu qui départ ses grâces à qui il lui plaît, Bourdaloue, Pensées, t. II, p. 477. Il [St Paul] ne visite les frères répandus dans la Macédoine et dans l'Illyrie que pour leur départir les richesses d'une grâce spirituelle, Massillon, Confér. Cond. des clers d. le monde. Le ciel nous a-t-il départi quelques-uns de ces talents rares parmi le commun des hommes…, Massillon, Panég. St Thomas.
  • 3Se départir, v. réfl. Se désister. Tu ne t'es pas départi d'y prétendre ? Molière, l'Av. IV, 5. Il ne s'est point départi des droits qu'il avait sur son ouvrage, Massillon, Car. Voc. Il est à croire qu'il ne s'est pas départi de ses sûretés sans raison, Patru, Plaidoyer 10, dans RICHELET.

    S'écarter. Ce n'est pas une règle dont on ne puisse se départir, Patru, ib. 8, ib. Ne vous départez point d'une si noble audace, Corneille, Nicom. I, 3. Un reste de scrupule Dont mon cœur soupçonneux ne peut se départir, Corneille, Théodore, II, 4. Prenez, Dieux, contre Christ, prenez votre parti Dont ce rebelle cœur s'est presque départi, Rotrou, St Gen. II, 4. Ils déclarèrent en 1548 que c'était sans se départir de leur première confession, qui, encore qu'elle leur eût fait rejeter celle d'Augsbourg, à ce coup s'y trouva conforme, Bossuet, Var. XV, § 125. Loi dont il n'y a pas un seul exemple que les Romains se soient départis, Bossuet, Hist. III, 6. Les États où la multitude gouverne… se départent aussi facilement des lois que du culte de leurs pères, Massillon, Pet. car. Écueils.

    Être réparti, accordé, octroyé. Les biens et les honneurs qui se départent souvent au hasard.

HISTORIQUE

XIe s. E le surplus les orphenins e les parens departent entre els, Lois de Guill. 9. Cop en auras, ainz que nous departons, Ch. de Rol. CXL. L'ame du cors me soit hui departie [partie], ib. CCVII. Duel [deuil] i aura ainçois qu'ele [la bataille] departe [se sépare], ib. CCLIV.

XIIe s. Alixandres apela ses nobles barons, qui estoient od lui norri dès enfance, e si lor departi son reaume, Machabées, I, 1. Las ! quel amors à duel [deuil] est departie [séparée], Roncisv. p. 163. Si ceste amors se departist ainsi, ib. p. 170. Car de ma joie [j'] estoie departis, Couci, V. Ne regarder [je] n'os [ose] son simple visage, Tant [j'] en redout mes ieuz à departir, ib. XI. Quant il m'esteut departir de m'amie, ib. XXII. Il departi ses oz [son armée] et renvoia sa gent, Sax. XI. À itant des messages [messagers], [il] se desevre et depart, ib. XXIX. Au departir de li [elle] [il] l'a doucement baisie, ib. VII. Se tut le mund aveies as povres departi, La cruiz eüsses prise e Jesu-Crist sewi [suivi], Th. le mart. 74. Mult m'esmerveil pur quei li reis si le haï, Se pur ço nun qu'il ot sun servise guerpi, E sun conseil del tout out de lui departi, ib. 37. Ses darz ad trait, e departid ad les bons des mals, Rois, 207. Puis, vesqui tant qu'il ot le poil flori ; Et quant Dieu plot, del siecle departi, Raoul de C. 4.

XIIIe s. Mais ele [la reine Blanche] en done [de son bien] et depart à foison, Hues de la Ferté, Romancero, p. 183. La maladie li enforsa si durement qu'il feist sa devise [son testament] et departi ce qu'il devoit porter outre mer à ses homes, Villehardouin, XXII. Tous li gaains seroit aportés ensemble, et departis communement si comme il devroit, Villehardouin, CI. Li preudome de l'ost, qui ne voloient mie le mal, vindrent à la meslée tout armé, et les commencierent à departir [séparer], Villehardouin, XLIX. Lors furent li ostel departi à chascun endroit soi, tel come il aferoit, Villehardouin, XLIX. Et sachiés que mainte larme i ot plourée au departir de lor pays, et de lor gent et de lor amis, Villehardouin, XXX. Mainte ame en fut de cors sevrée et departie, Berte, II. Au departir chascune à pleurer se rassaie, ib. VIII. Cest grant signour que je vous ai nommé departoient France entre aus [eux], Chron. de Rains, 146. Qui en mains leus son cuer depart, Par tout en a petite part, la Rose, 2255. À li se tint de l'autre part Li diex d'amors, cil qui depart Amorettes à sa devise, ib. 870. Fai departir la nuit obscure, Et son anui qui trop me dure, ib. 2515. C'est le gieu de boute-en-corroie Que Fortune set si partir Que nos, devant au departir, Ne puet avoir science aperte S'il i prendra gaaing ou perte, ib. 6884. Il avient aucune fois qu'on fet son testament, selonc son estat, au departir de son païs, Beaumanoir, XII, 41. Quant il ont esté ensanble tant qu'il ont eu enfans, et sainte Eglise le set, ele depart [rompt] le mariage, Beaumanoir, XVIII, 7. Sire de Waleri, dist le roy, nous avons acordé que le legat vous baillera les six mille livres, à departir là où vous cuiderés que il soit miex, Joinville, 216.

XIVe s. Or disons de ce dont nous estions departiz, Oresme, Eth. V, 9. Adonques le cuer ou le pouvoir leur fault, et se departent ou delaissent à ouvrer, Oresme, ib. 82. Et pour ce ceux qui par contrainte ne par paour ne se departent de lour bon jugement et ne laissent lour bon propos, il sont à loer et les autres à vituperer, Oresme, ib. 49.

XVe s. Par ainsi se defit cette grosse chevauchée, et departit le roi anglois ses gens, et leur donna congé de raller en leurs hostels, Froissart, I, I, 194. Si ordonna à departir et deloger, Froissart, I, I, 319. Ces deux icy n'avoient jamais eu differant ne riens à departir, Commines, II, 8. Si departis [dispersés] qu'à grand peine sçait on qu'ils soient devenus, Commines, VII, 11. Et se veirent une fois ou deux seulement sur le bort de la riviere qui depart les deux royaulmes, Commines, II, 8. Les biens et les honneurs ne se departent point à l'appetit de ceulx qui les demandent, Commines, Prol. Que toutes ses graces leur procedoient de Dieu qui les depart là où il lui plaist, Commines, I, 2. Son intention [à Louis XI] estoit de traicter de paix et de departir la compaignie [l'armée de la guerre du bien public], Commines, I, 9. Ilz commencerent à avoir division ensemble quant ce fut à departir le butin, Commines, I, 15.

XVIe s. Là estoyent les belles grandes librairyes en grec, hebrieu, etc. departyes par les divers estaiges selon yceulx languaiges, Rabelais, I, 53. Departz d'icy presentement, et demain soye retiré en tes terres, Rabelais, I, 31. Par Dieu ilz se feront mal, qui ne les departira [séparera], Rabelais, Pant. II, 29. La lune restera sanglante et tenebreuse : à quel propous luy departiroyt le soleil sa lumiere ? il n'y estoyt en rien tenu, Rabelais, ib. III, 3. Il nous faut ensuivre l'exemple de ceux qui se departent d'un lieu à l'autre, pour y habiter à perpetuité, Calvin, Instit. 652. Si le seigneur doit departir à ses esleus de sa gloire, vertu et justice, Calvin, ib. 806. Je ne me departirai pas de la forte opinion que j'ai, que…, Marguerite de Navarre, Nouv. X. L'armée, je doubte, ne se departira sans guerre, Marguerite de Navarre, Lett. 8. Vous me ferez plaisir de me faire souvent savoir de vos nouvelles ; je feray revanche de vous despartir de celles d'icy, Marguerite de Navarre, ib. 9. Il me semble que vous avez tant participé en mon ennuy que je vous ferois tort sy je ne vous departois de ma consolation, Marguerite de Navarre, ib. 146. Il ne se debvoit despartir de l'asseurance qu'il avoit de la volonté de Gracchus, Montaigne, I, 213. Chascun se donne si entier à son amy, qu'il ne luy reste rien à despartir ailleurs, Montaigne, I, 216. Les amitiez communes, on les peult despartir [partager entre plusieurs], Montaigne, I, 216. Toute la philosophie est despartie en ces trois genres, Montaigne, II, 229. Je suis d'advis qu'elles devoient toutes trois departir [partager] les deux cents escus, Despériers, Contes, V. La dame, leur departissant egalement la faute, dit en riant, Yver, p. 598. Quant à toy, tu feras bien toutes choses, pourveu que tu ne te departes point d'avec toy mesme, Amyot, Préf. XXII, 50. Ilz abandonnerent leurs villes en proye à Romulus, et leurs terres à departir à qui il voudroit, Amyot, Rom. 26. Lycurgus feit de nouveau departir les terres, Amyot, Lyc 12.

ÉTYMOLOGIE

Dé… préfixe, et partir, dans le sens de partager (voy. PARTIR) ; provenç. departir ; espagn. despartir ; ital. spartire.

SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIRE

DÉPARTIR. Ajoutez :
4Synonyme d'affiner, en parlant de métaux précieux. L'affinage national est conservé à Paris pour le service des monnaies, le public a la faculté d'y faire affiner ou départir des matières d'or et d'argent contenant or, Loi du 19 brumaire an IV, art. 126.