« dévot », définition dans le dictionnaire Littré

dévot

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

dévot, dévote

(dé-vo, dé-vo-t') adj.
  • 1Attaché aux pratiques religieuses. Ce prince était dévot, généreux, équitable, Tristan, Panthée, I, 4. C'est dans ce calme et le silence Que l'âme dévote s'avance Et que de l'Écriture elle apprend le secret, Corneille, Imit. I, 20. Il est connu pour n'être pas dévot, Pascal, Prov. 7. Pour être dévot, je n'en suis pas moins homme, Molière, Tart. III, 3. Il n'y a rien que je souhaitasse plus fortement que d'être dévote, Sévigné, Lett. 5 févr. 1690. Gardez toutes vos pratiques de dévotion, j'y consens, et je vous y exhorte même très fortement ; mais, avant que d'être dévot, je veux que vous soyez chrétien, Bourdaloue, Pensées, t. I, p. 458. Songez que, dès qu'on n'est pas assez dévot pour être capucin, il n'est rien de plus beau que de se faire tuer, Maintenon, Lett. à M. d'Aubigné, 19 sept. 1672.

    Être dévot à… avoir une dévotion particulière pour la Vierge, pour un saint, pour une église. Vous n'êtes point dévot à la Vierge, Sévigné, 296.

  • 2Qui a le caractère de la dévotion, en parlant des choses. Air dévot. Ardeur dévote. Lis un livre dévot, simple et sans éloquence Avec plaisir pareil Que ceux où se produit l'orgueil de la science En son haut appareil, Corneille, Imit. I, 5. Un sermon où il apporte un zèle tout dévot, Pascal, dans COUSIN. Rien n'est plus agréable et plus dévot que cette église souterraine [à Bethléem], Chateaubriand, Itin. II, 150. Il avait pris, à leur école, un certain jargon dévot dont il usait sans cesse, Rousseau, Confess. II.
  • 3Il se dit quelquefois par dénigrement, soit d'une mauvaise dévotion, soit de l'hypocrisie qui feint la dévotion. Louis XI fut un prince dévot et cruel. Moi dévote ! qui, moi ? m'écriai-je à mon tour, L'esprit blessé d'un terme employé d'ordinaire Lorsque d'un hypocrite on parle sans détour, Deshoulières, au P. de la Chaise. Sais-tu bien cependant, sous cette humilité, L'orgueil que quelquefois nous cache une bigote, Alcippe, et connais-tu la nation dévote ? Boileau, Sat. X. Celui qui depuis quelque temps à la cour était dévot et par là, contre toute raison, peu éloigné du ridicule, pouvait-il espérer de devenir à la mode ? La Bruyère, XIII. De quoi n'est point capable un courtisan, dans la vue de sa fortune, si, pour ne pas la manquer, il devient dévot ? La Bruyère, ib. Le courtisan autrefois avait ses cheveux, était en chausses et en pourpoint, portait de larges canons, et il était libertin [esprit fort] : cela ne sied plus ; il porte une perruque, l'habit serré, le bas uni, et il est dévot : tout se règle par la mode, La Bruyère, ib. Car d'un dévot souvent au chrétien véritable La distance est deux fois plus longue, à mon avis, Que du pôle antarctique au détroit de Davis, Boileau, Sat. X.
  • 4 Substantivement. Un dévot. Une dévote minutieuse. Ces dévots indiscrets dont le zèle incommode, Pour les rendre saints à leur mode, Leur forme une conduite et fait des lois à part, Au lieu de s'avancer par un secret mérite, Perdent ce qu'en commun dans la règle on profite, à force de vivre à l'écart, Corneille, Imit. III, 13. Ces dévots à demi, sur qui la chair plus forte Domine encore en quelque sorte, Penchent à tous moments vers ses mortels appas, Corneille, ib. I, 6. Il est de faux dévots ainsi que de faux braves, Molière, Tart. I, 6. Mais les dévots de cœur sont aisés à connaître : Jamais contre un pécheur ils n'ont d'acharnement ; Ils attachent leur haine au péché seulement, Molière, ib. Les dévots qui ont plus de zèle que de science, Pascal, dans COUSIN. Il y a des dévots indiscrets qui ne croient jamais dire assez s'ils n'en disent trop, J. B. Thiers, Dissert. sur le portail de Reims, dans RICHELET.

    Dévot de place, faux dévot qui affiche les pratiques. Que ces francs charlatans, que ces dévots de place, Molière, Tart. I, 6.

    Dans la dernière moitié du XVIIe siècle, dévot se prenait en mauvaise part pour faux dévot, hypocrite. Fâche-t-on un dévot, c'est Dieu qu'on fâche en lui ; Ces apôtres du temps, qui des premiers apôtres Ne nous font point ressouvenir, Pardonnent bien moins que nous autres, Deshoulières, au P. de la Chaise. Un dévot est celui qui, sous un roi athée, serait athée, La Bruyère, XIII. Les dévots ne connaissent de crime que l'incontinence ; parlons plus précisément, que le bruit ou les dehors de l'incontinence, La Bruyère, ib. À force de voir la conduite des hommes, la lâcheté des braves, les faiblesses des philosophes, les bêtises des politiques, la fausseté des dévots, je suis parvenue à ne les pas plus estimer que les femmes, qui sont pourtant de jour en jour plus méprisables, Maintenon, Lett. Card. de Noailles, 3 sept. 1710. Les dévots fâchent le monde, et les gens pieux l'édifient, Marivaux, Pays. parv. t. I, part. 1re, p. 98, dans POUGENS.

    C'est une de ses dévotes, se dit d'une des femmes qui sont sous la direction d'un prêtre.

    Fig. Homme dévoué à un homme, à une doctrine. Il est un des dévots de Descartes. Vous êtes un dévot de la philosophie moderne.

  • 5Votre dévot fils, formule usitée chez les souverains qui écrivent au pape.

SYNONYME

DÉVOT, DÉVOTIEUX. L'homme dévot est celui qui a de la dévotion ; l'homme dévotieux est celui qui est rempli de dévotion, la finale eux donnant d'ordinaire un sens de ce genre aux adjectifs. Il faut ajouter que dévot est très-usité, et que dévotieux l'est peu.

HISTORIQUE

XIIe s. Por ce ke il puist ferir et ocire les devotes pensées, s'atapist il desoz la covreture de dolor, Job, p. 446. Ceste apparicions nostre Segnor clarifiet ui cest jor, et li devocions et li honoremens des rois le fait devot et honravle, Saint Bernard, 551.

XIIIe s. Ne seroit baillif ne prevost, Tant seroit li pueple devost, la Rose, 5584.

XIVe s. Cil le renvoya [un moine] en son propre devot lieu [couvent], Chr. de St-Denis, t. I, f° 164, dans LACURNE.

XVe s. Et firent [les Gantois] par les eglises plusieurs processions et devotes oblations, Froissart, II, II, 158. Avec ce que le mareschal est très charitable, il aime Dieu et le redoubte surtout et est très devot, Bouciq. IV, ch. 3.

XVIe s. C'est une religieuse liaison et devote que le mariage, Montaigne, I, 226. Ils sentiront leurs ames plus devotes envers Dieu, et leurs cœurs plus secourables envers leurs prochains, Lanoue, 538.

ÉTYMOLOGIE

Provenç. devot ; espagn. devoto ; ital. divoto ; du latin devotus, dévoué, de la préposition de, et vovere, vouer (voy. VŒU).