« demeure », définition dans le dictionnaire Littré

demeure

Définition dans d'autres dictionnaires :

Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

demeure

(de-meu-r') s. f.
  • 1Retard, délai. Oui, sans plus de demeure, Pour l'intérêt des dieux je consens qu'elle meure, Corneille, Théod. III, 6. Le ciel ne veut point de demeure, Lamotte, dans DESFONTAINES. Son temps venu, [il] ne fait longue demeure, La Fontaine, Berc. Sans plus longue demeure, Il lui dit en deux mots…, La Fontaine, Fianç. Vous êtes cause qu'en demeure Je me trouve présentement, La Fontaine, Cord.

    Être en demeure envers quelqu'un, être en retard de bons offices. Je n'étais pas en demeure de ce côté-là, Bossuet, Lett. quiét. 455. Je me trompe en doutant de tout, et je suis en demeure à l'égard de la vérité qui se présente à moi, Fénelon, Exist. 240.

    Il y a péril en la demeure, le moindre retardement peut causer du préjudice.

  • 2 Terme de procédure. Retardement, le temps qui court au delà du terme où l'on est tenu de faire quelque chose.

    Mettre quelqu'un en demeure de, le sommer de remplir une obligation, un engagement. Mise en demeure, sommation de faire telle ou telle chose.

  • 3Durée de la résidence. Je ne ferai pas longue demeure en cette maison.
  • 4 Par extension, habitation, domicile. Mais qu'eussent-ils gagné par un siècle d'années, Ou que leur avint-il en ce vite départ, Que laisser promptement une basse demeure Qui n'a rien que du mal, pour avoir de bonne heure Aux plaisirs éternels une éternelle part ? Malherbe, I, 4. Ce que je trouve admirable, c'est qu'un homme qui s'est passé, durant sa vie, d'une assez simple demeure, en veuille avoir une si magnifique pour quand il n'en a plus que faire, Molière, D. Juan, III, 7. Tant que nous sommes détenus dans cette demeure mortelle, nous demeurons assujettis au changement, parce que, si vous me permettez de parler ainsi, c'est la loi du pays que nous habitons, Bossuet, Duch. d'Orl. Elle va descendre à ces sombres lieux, à ces demeures souterraines, pour y dormir dans la poussière avec les grands de la terre, Bossuet, ib. Il y a plusieurs demeures dans la maison de mon Père, Sacy, Bible, Év. St Jean, XIV, 2. Il y a dans les sciences plusieurs places honorables, comme il y a, si l'on en croit l'Évangile, plusieurs demeures dans la maison du Père céleste, D'Alembert, Lettre au roi de Prusse, 1er mars 1765. Ils pénètrent en foule à la demeure auguste…, Voltaire, Orphel. I, 2.
  • 5Lieu de résidence. Samos est leur patrie et Rhodes leur demeure. Loin du monde elle fait sa demeure et son gîte, Régnier, Sat. XII. Où la cour faisait sa demeure ordinaire, Bossuet, Hist. III, 5. Au delà de ces lieux gardez-vous d'avancer ; C'est des ministres saints la demeure sacrée, Racine, Athal. III, 2. Tivoli, qui fut la demeure de tant d'hommes célèbres, de Brutus, d'Auguste, de Mécène, de Catulle, mais surtout la demeure d'Horace, Staël, Corinne, VIII, 4.

    Fig. Dieu y avait établi sa demeure, Bossuet, Hist. II, 8. En ce temple où tu fais ta demeure sacrée, Racine, Athal. III. Cœur où Dieu seul avait fait sa demeure, Massillon, Av. Jug.

    Terme de chasse. Endroit fourré de bois où se retirent les cerfs. Bonne demeure, demeure bien fourrée. Demeure douce, taillis de 5 ou 6 ans.

  • 6 Terme de rhétorique. Sorte de figure appelée plus souvent commoration, épimone, insistance, qui consiste, comme l'indique ce dernier mot, à insister sur quelque raison.
  • 7À demeure, loc. adv. De manière à ne pas changer de résidence. Que j'étais déjà assez dupe d'avoir si mal employé mes quarante écus, et que je ne le serais pas au point de lui céder à demeure la bonne place, Marmontel, Mém. X.

    Par extension. Quand je retrouvais dans la poussière des bibliothèques d'Italie les chefs-d'œuvre de l'antiquité grecque, je n'étais pas à demeure [domicilié] dans ces bibliothèques, Courier, I, 250.

    En parlant des choses, de manière à n'être pas déplacé, ôté. Établir un châssis à demeure. Objets attachés à un fonds à perpétuelle demeure.

    Labourer à demeure, donner le dernier labour avant de semer. Semer à demeure, répandre la semence dans un lieu d'où la plante ne doit pas être transplantée.

HISTORIQUE

XIIe s. [Il] saisi l'espié, puis monte sanz demor, Ronc. p. 54. Comment que longue demeure [interruption] [j'] Aie faite de chanter, Ore est bien raison et heure Que [je] m'i doie retourner, Couci, IV.

XIIIe s. Il avoient mandé [le marchis] par tant de messages que à paine que il ne diervoient [désespéraient] por sa demeure [retard], H. de Valenciennes, XX. La longueur de la demorre du terme ne tolt au seignor son poeir, Ass. de Jér. 221. [Dieu] Qui Jonas garda en la mer Par grant amor, Les trois jors qu'il i fist demor, Rutebeuf, 203. Grans biens ne vient pas en poi d'hore ; Ains convient metre demore, la Rose, 4196. Et un pou après mons. Jehan de Waleri revint, qui blasma le roy et son conseil de ce que il estoient en demeure, Joinville, 227.

XVe s. De Messine se partit le mareschal sans y faire longue demeure, Bouciq. I, ch. 30.

XVIe s. En ses sommations, delay aulcun et demoure aulcune il n'admet, Rabelais, Pant. IV, 57. Elle nous commenda de ce lierre chascun de nous se faire ung chappeau albanoys ; ce que fut faict sans demoure, Rabelais, ib. V, 34. Ne pense pas, que l'amour et vrai zelle, Que te portons, jamais finisse et meure Pour ta trop longue et fascheuse demeure, Marot, II, 28. Il est certain qu'au milieu d'elle Dieu fait sa demeure eternelle, Marot, IV, 91. Icy je fais pour tousjours ma demeure, Amyot, Ant. 91. Pompeius uy respondit avec quelque demeure [délai], et d'une parole mal asseurée, que…, Amyot, Pomp. 86. Ils [les indigènes d'Amérique] ont je ne sçay quels prebstres et prophetes, qui se presentent bien rarement au peuple, ayants leur demeure aux montaignes, Montaigne, I, 238.

ÉTYMOLOGIE

Voy. DEMEURER ; provenç. demora, s. f. et demor, s. m. ; espagn. demora ; ital. dimora. L'ancien français, outre demore et demor, avait demorance ; Berry, demeurance, demourance.

SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIRE

DEMEURE.
2Ajoutez : Et que ceux qui seraient en demeure [retard] de payer dans lesdits délais, demeureraient déchus de ladite diminution et contraints au payement total…, Arch. des financ. Arrêts du Cons. d'État du 9 mai 1702.
8 Fig. La dernière demeure, la sépulture. Conduire quelqu'un à sa dernière demeure.