« dur », définition dans le dictionnaire Littré

dur

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

dur, dure

(dur, du-r') adj.
  • 1Difficile à pénétrer, à entamer, opposé à tendre, à mou. Le fer est un métal très dur. Du pain dur. Un lit dur. Du bois dur à fendre. Une pierre dure à casser. Pauvre ignorant ! et que prétends-tu faire ? Tu te prends à plus dur que toi, La Fontaine, Fabl. V, 16.

    Un œuf dur, œuf cuit jusqu'à ce que le blanc et le jaune soient pris, congelés.

    Terme d'anatomie. Parties dures, organes ou tissus qui présentent beaucoup de consistance, comme les os, les dents, les cartilages, par opposition à d'autres parties qui offrent peu de résistance et qu'on appelle molles.

  • 2Qui oppose de la résistance. Ce fusil, ce pistolet est dur à la détente.

    Fig. et familièrement. Être dur à la détente, à la desserre, c'est-à-dire ne pas donner facilement de l'argent, être avare. Le seigneur Harpagon est le mortel de tous les mortels le plus dur et le plus serré ; il n'est point de service qui pousse sa reconnaissance jusqu'à lui faire ouvrir les mains, Molière, l'Avare, II, 5.

    Dur à digérer, de digestion difficile.

    Fig. et familièrement. Cela est dur à digérer, ou cela est de dure digestion, c'est-à-dire peu supportable, difficile à croire, ou très ennuyeux (en parlant de livres).

    Dur à cuire, de cuisson difficile.

    Fig. et familièrement. Dur à cuire, c'est-à-dire difficile à manier, à faire marcher, à plier aux usages, en parlant surtout des gens qui ont pris leur pli. On l'emploie même substantivement. C'est un dur à cuire. Au plur. Des durs à cuire, qui se prononce comme le singulier, sans faire sentir l's.

    Cette marchandise est dure à la vente, elle se vend difficilement.

    Eaux dures, celles qui, chargées de sels calcaires, ne sont pas propres à cuire les légumes.

    Vin dur, vin qui a beaucoup d'âpreté.

  • 3En parlant de certaines facultés qui ne s'exercent qu'avec peine. Être dur d'oreille, avoir l'oreille dure, n'entendre que les sons qui ont de la force.

    Avoir la tête dure, ne pas comprendre facilement. On dit dans le même sens avoir l'intelligence dure.

    Terme de manége. Cheval dur, cheval qui n'a point de sensibilité ni à l'éperon ni au fouet. Réactions dures, fortes secousses, communiquées au corps à chaque poser des membres pendant les allures de certains chevaux.

    Fig. Mais il est des esprits durs, indisciplinables, Dont on ne peut venir à bout, Corneille, Imit. II, 3.

  • 4Qui est désagréable à l'oreille. Une voix dure. Un style dur. Des vers durs. Une modulation dure à l'oreille. Maudit soit l'auteur dur dont l'âpre et rude verve…, Boileau, Vers en style de Chapelain. Il y a une extrême inégalité entre les ouvrages d'Ausone ; son style est dur ; mais la dureté est le moindre vice de ses poésies, Rollin, Hist. anc. t. XII, liv. XXV, ch. 1er, art. 2, § 3, p. 147, dans POUGENS.

    Terme de musique. Se dit des intervalles ou des accords qui blessent l'oreille par leur dissonance. B dur se disait autrefois du si, qu'on désignait alors par B, et qui était beaucoup plus difficile à entonner que le si bémol (voy. BÉCARRE).

    Qui, dans les arts du dessin ou de la calligraphie, est marqué trop fortement, a des contours roides ou heurtés. Un dessin dur. Les traits de cette écriture sont durs.

    Un crayon dur, un pinceau dur, un crayon, un pinceau qui tracent des traits durs.

    Dans la peinture. Dont le dessin est dur ou dans lequel les lumières et les ombres contrastent durement. Un tableau dur. Des tons durs. L'effet de ce tableau est dur.

    Il se dit aussi en ce sens, de celui qui peint. C'est un peintre dur.

  • 5Pénible, affligeant, difficile à supporter. Une réprimande bien dure. Les soldats mènent une vie fort dure. Dans cette dure extrémité, trouvez bon qu'elle vous conjure de l'aimer, Patru, Harangue à la reine de Suède, dans RICHELET. Mais en ce dur combat de colère et de flamme Il déchire mon cœur sans partager mon âme, Corneille, Cid, III, 3. Il est plus dur d'appréhender la mort que de la souffrir, La Bruyère, XI. Mais il m'est désormais trop dur de reculer, Racine, Baj. IV, 7. Quelque dure que soit la loi qu'on vous impose…, Racine, Athal. V, 2. Je n'avais pas songé à désirer pour moi cette place ; mais il m'était dur de la voir remplie par un autre, Rousseau, Conf. V. Vous n'en faites que trop la dure expérience, Ducis, Lear, III, 6. Le malheur est moins dur à supporter qu'à craindre, Ducis, Oscar, I, 2. À moi-même il me dit les choses les plus dures, Boissy, Deh. tromp. I, 1.
  • 6Rigoureux par le froid. Un climat dur. Un hiver dur. Un temps dur.

    Fig. Les temps sont durs, c'est-à-dire on a bien de la peine à vivre par le temps qui court. Il y aura toujours des gens riches qui diront que le temps est dur, Voltaire, Lett. Damilaville, 26 févr. 1766. Eh bien ! voisin, comment va le commerce ? - Fort mal, le temps est dur, Champfort, March. de Smyrne, sc. 10.

  • 7Qui est sans bonté, sans humanité. Cet homme est dur et sec. Il est fort dur pour ses domestiques. Il a le cœur plus dur, étant fils d'un tyran, Corneille, Héracl. V, 2. Leurs cœurs deviennent plus durs que la pierre et que le bronze, Bourdaloue, Myst. Passion de J. C. t. I, p. 286. La cour est comme un édifice bâti de marbre, je veux dire qu'elle est composée d'hommes fort durs, mais fort polis, La Bruyère, VIII.

    Dans le même sens, en parlant des dehors, des manières, des discours, etc. Un regard dur. Des manières dures. Il lui refusa en termes durs. Une réponse dure et désobligeante. Jamais homme ne fut plus compatissant avec une physionomie plus dure, Voltaire, Jenni, 6. Ses traits durs et pensifs ont un calme odieux, Lemercier, Fredég. et Bruneh. III, 2.

  • 8Qui supporte la fatigue, la peine. Un homme dur au travail, à la peine. Cette espèce d'opulence permettait aux colons d'avoir un assez grand nombre de chevaux qui n'étaient pas beaux, mais durs à la fatigue et propres à faire sur la neige des courses prodigieuses, Raynal, Hist. phil. XVI, 13.

    Avoir la vie dure, résister aux causes de mort. Avoir la vie dure comme un chat. Il a la vie bien dure, Sévigné, 292.

    Rendre à quelqu'un la vie dure, lui faire bien du mal, lui donner bien de la peine.

  • 9Dur, adv. Difficilement. Entendre dur.

    Fig. et familièrement. Il croit dur comme fer tout ce qu'on lui dit, il est très crédule.

  • 10 S. m. Terme d'art. Le dur est le contraire du moelleux.
  • 11Dure, s. f. La terre nue, J'ai bu chaud, mangé froid et couché sur la dure, Régnier, Sat. II. De peur… Que son lit ne défonce, il dort dessus la dure, Régnier, ib. XI. Il faut souffrir la faim et coucher sur la dure, Boileau, Sat. VIII.

    PROVERBE

    Quand l'un veut du mou, l'autre veut du dur, se dit se deux personnes qui ne s'accordent pas.

HISTORIQUE

XIe s. Ki dunc li vit son grant dol [deuil] demener… Mult fust il dur, ki n'estoüt [qui ne dût] plurer, St Alexis, LXXXVI. Dur sont li cop, et li chaples [combat] est grefs, Ch. de Roland, CXXV.

XIIe s. Il lace l'eume [haume], qui si fu dur tenprez, Ronc. p. 36. La bataille est mout merveilleuse et dure, ib. p. 64. Frere Olivier, com dure destinée ! ib. p. 175. Tant par vous truis [je vous trouve] touz temps sauvage et dure, Couci, X. S'onques nus [nul] homs por dure departie [départ] Ot [eut] cuer dolent, je l'aurai par raison, ib. XXIV.

XIIIe s. Tybers, ce dist Morans, dur cuer as come pierre, Berte, X. De peine et de travail [elle] dort si ferm et si dur, ib. XLI. Seneschal, vous savés que je vous ai moult amé, et ma gent me dient que il vous treuvent dur ; comment est-ce ? Joinville, 257.

XIVe s. Et ceulz qui ont fait moult de maulz très grans et très durs, Oresme, Eth. 267. Quant vous vouldrez, prenez bataille ; Nous avons la peau assez dure, Et de fouir [fuir] si n'avons cure, Liv. du bon Jehan, 1309.

XVe s. Si s'accorda [le duc de Bretagne], mais ce fut à dur, à ce que ses gens en avoient fait, Froissart, II, II, 82. Si ne vous chaille, si les Anglois tiennent maintenant les champs et s'ils empruntent un petit de pays à nous ; sachez que c'est à grand dur [dommage] pour eux, Froissart, II, III, 44. Lui fit prier qu'il se voulust deporter et retraire, et qu'il estoit trop dur conseillé contre lui, quand il ardoit l'heritage de son fils le comte de Blois, Froissart, I, I, 88. Là eut mainte parole retournée et mainte mise en avant, car dur sembloit et contraire aux cardinaux de defaire ce que fait en avoient, Froissart, III, IV, 67. Et combattirent et assaillirent si dur Albrecht et sa route qu'ils furent desconfis, Froissart, I, I, 113. Les Escots sont durs et hardis et fort travaillans en armes et en guerre, Froissart, I, I, 34. Combien que Arfaran fut moult aagé, si estoit il dur et robuste, Perceforest, t. VI, f° 12. L'atteignit sur le dur du heaulme, et luy trancha le chapeau d'acier, ib. t. I, f° 26.

XVIe s. Coucher sur la dure, Montaigne, I, 278. Quand il commencea à apprendre les lettres, il se trouva dur d'entendement, et tardif à comprendre, Amyot, Cat. d'Ut. 2. Il avoit l'ouye un peu dure, Amyot, ib. 80. Chevaucher un cheval allant dur, Paré, VI, 14.

ÉTYMOLOGIE

Provenç. dur ; espagn. et ital. duro ; du latin durus.