« endurer », définition dans le dictionnaire Littré

endurer

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

endurer

(an-du-ré)
  • 1 V. a. Supporter ce qui est dur, pénible. Là par un long récit de toutes les misères Que durant notre enfance ont enduré nos pères, Corneille, Cinna, I, 3. Tous les maux qu'un esclave endure dans les fers, Corneille, Rodog. I, 6. Pour rompre un hymen qu'avec peine elle endure, Corneille, ib. III, 2. Il faut de ses amis endurer quelque chose, Molière, l'Étour. I, 10. …D'un refus cruel l'insupportable injure N'était qu'un faible essai des tourments que j'endure, Racine, Phèd. IV, 6. La terre avec horreur dès longtemps les endure [les Juifs], Racine, Esth. II, 2. Un affront vit toujours sur le front qui l'endure, Voltaire, Triumv. v, 2. Il est dans la nature de l'homme d'endurer patiemment la nécessité des choses, mais non la mauvaise volonté d'autrui, Rousseau, Em. II. C'est vous qui avez voulu vous passer de feu et endurer le froid pour nous envoyer votre bois, Genlis, Veillées du chât. t. II, p. 538, dans POUGENS.

    Endurer que, avec le subjonctif. Mais as-tu vu mon père et peut-il endurer Qu'ainsi dans sa maison tu t'oses retirer ? Corneille, Hor. I, 4. Endurer que l'Espagne impute à ma mémoire D'avoir mal soutenu l'honneur de ma maison, Corneille, Cid, I, 10. Comment, mesdames, nous endurerons que nos laquais soient mieux reçus que nous ? Molière, Préc. ridic. 16. Je me veux fâcher et tu es une vilaine, toi, d'endurer qu'on te cajole, Molière, Fest. de P. II, 3. J'arrêtai toute l'affaire, et ne voulus point endurer qu'on opinât, si les choses n'allaient dans l'ordre, Molière, l'Am. méd. II, 3. Vous pour qui seuls elle ne pouvait endurer qu'on lui dît que ses trésors étaient épuisés, Bossuet, Marie-Thér. Vous qui sans désespoir ne pouviez endurer Que Pyrrhus d'un regard la voulût honorer, Racine, Andr. IV, 2.

    Endurer de, avec l'infinitif. Mais haïr un rival, endurer d'être aimée… N'est-ce point dire trop ce qui sied mal à dire ? Corneille, Attila, II, 6.

  • 2 V. n. Avoir de la constance à supporter. On recommande assez la patience aux autres, Mais il s'en trouve peu qui veuillent endurer, Corneille, Imit. II, 12. Hélas ! s'il est ainsi, quel malheur est le mien ? Je soupire, j'endure, et je n'avance à rien, Corneille, l'Illus. com. II, 3. Il veut me voir souffrir : je me tais et j'endure, Th. Corneille, Ariane, IV, 3.

    Terme de marine. Diminuer son effort sur les avirons.

    Souffrir, avoir de la peine. [Autrement il faudrait dire] que nous faisons plaisir aux arbres que nous arrosons de peur que la terre qui n'est point remuée, venant à s'endurcir par la sécheresse, ne soit occasion de les faire endurer, Malherbe, le Traité des bienf. de Sénèque, IV, 14. Boire, manger et se vêtir Sont d'étranges fardeaux qu'impose la nature ; Oh ! qu'un esprit fervent endure Quand il s'y faut assujettir, Corneille, Imit. III, 26. Un traître ne pourra se vanter un moment D'avoir fait endurer Alcide impunément, Rotrou, Hercule mourant, III, 1.

  • 3S'endurer, v. réfl. Être enduré. Un tel reproche s'endure difficilement.

HISTORIQUE

XIe s. Et endurer et granz chauz et granz freiz, Ch. de Rol. LXXVII.

XIIe s. Onc [je] ne cuidai par li [elle] maus endurer, Couci, VI. Amors me dit qu'ainsi [je] doi endurer, ib. XX. Encor faiseit-il plus cel cor [à son corps] mal endurer, Chascune nuit faiseit sa char discipliner, E as verges trenchanz et batre e descirer, Th. le mart. 102.

XIIIe s. [Elle] Prent pour Dieu plus en gré tous les maus qu'ele endure, Berte, XLII. Puisqu'il vous plaist, dous sire, que j'oie à endurer, ib. XLIII. Quant li rois Ferrans et sa gent virent qu'il ne poroit plus endurer, si tournerent le dos, Chr. de Rains, p. 78. Mais moult doit prode feme soufrir et endurer, avant qu'ele se mete hors de se [sa] compaignie [qu'elle ne quitte son mari], Beaumanoir, LVII, 4. Esperance d'avoir pardon Ou par penitançe ou par don Fet endurer mainte mesaise ; Li endurers fet mult grant aise ; Car mult legierement endure Qui eschive paine plus dure, Rutebeuf, II, 199.

XIVe s. Ceulz sont diz mols qui ne les pevent endurer [les souffrances], Oresme, Eth. 201. Car je sui granz et fors, si que bien endurroie Paine et labour dou corps, s'un poi apris l'avoie, Beaud. de Seb. VIII, 51.

XVe s. … Certes j'endureray Au deplaisir des jaloux envieux, Et me tendray par semblance joyeulx, Orléans, Ball. 11. Ladite armée avoit enduré grand faim et soif, Commines, VIII, 7.

XVIe s. Le serviteur n'est de loyal affaire Prenant esbat, quand son seigneur endure, Marot, I, 298. Un corps bien composé pour endurer tout travail, Amyot, Préf. xx, 37. Le papier endure tout, Amyot, ib. XII, 39. Hannibal se mict au plus honorable lieu, ce que Scipion endura patiemment, Amyot, Flamin. 43. Il pensa que ce luy seroit une honte, d'endurer que les ennemis approchassent si près de luy, Amyot, Pyrrhus, 34. Sois courageux ; toute rude avanture Par traict de temps est douce s'on l'endure : Pour endurer, Hercule se fit dieu, Ronsard, 625. Enfant, tu es venu au monde pour endurer ; endure, souffre et tais-toi, Montaigne, IV, 267.

ÉTYMOLOGIE

En 1, et durer ; provenç. endurar ; ital. indurare.