« foudre », définition dans le dictionnaire Littré

foudre

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

foudre [1]

(fou-dr') s. m. et f.
  • 1Sorte de trait enflammé qui vient le plus souvent des nuées, que l'on croyait venir du ciel, et qu'accompagne une violente détonation. Être frappé de la foudre. L'éclat de la foudre. La foudre peut brûler les habits et les cheveux d'une personne sans lui faire aucun mal, Rohault, Physique, dans RICHELET. J'entends gronder la foudre, et sens trembler la terre, Racine, Iph. V, 4. La vérité qu'ils ont craint de voir fait leur supplice… elle est comme la foudre : sans rien détruire au dehors, elle pénètre jusqu'au fond des entrailles, Fénelon, Tél. XVIII. Sur un autel sanglant l'affreux bûcher s'allume ; La foudre dévorante aussitôt le consume, Rousseau J.-B. Cantate, Circé. La foudre étincelante éclate dans les nues, Voltaire, Henr. I. C'est la foudre à la main qu'ils [les dieux] m'ont donné ma grâce, Voltaire, Sémir. III, 1.

    Que la foudre m'écrase, sorte d'imprécation par laquelle on affirme ou nie. Que la foudre m'écrase tout à l'heure, si…, Molière, G. Dand. III, 13.

    Foudre, au propre, est, dans le langage ordinaire, du féminin, mais le langage élevé et la poésie peuvent le faire masculin. Tout chargé de lauriers, craignez encor le foudre, Corneille, Cid, II, 1. César à cet aspect comme frappé du foudre…, Corneille, Pomp. III, 1. Le foudre, ce vengeur des querelles des cieux…, Rotrou, Bélis. IV, 8. Anastase mourut frappé du foudre, Bossuet, Hist. I, 11. Un foudre qu'il [Jupiter] n'envoie qu'après en avoir délibéré avec quelques dieux, et qui intimide les méchants, Diderot, Opin. des anc. phil. (Romains).

    On le craint, il est craint comme la foudre, se dit d'un homme très redouté.

    Comme la foudre, avec la rapidité de la foudre, avec une violence, une rapidité irrésistible. S'élancer avec la rapidité de la foudre. Ce cheval va comme la foudre.

    On dit dans le même sens : aussi prompt, aussi rapide que la foudre.

    Au masculin, en ce sens, dans la poésie et le style élevé. Tu passes comme un foudre en la terre flamande, Malherbe, II, 5. Il [M. le prince] tomba comme un foudre au milieu de tous ces quartiers, Retz, IV, 107. Le bruit court que le roi va tout réduire en poudre, Et dans Valencienne est entré comme un foudre, Boileau, Ép. VI.

  • 2Aujourd'hui, ensemble des phénomènes que produit l'électricité atmosphérique lorsqu'elle se combine par étincelle avec celle de la terre ou d'un autre nuage ; écoulement subit à travers l'air, sous la forme d'un grand sillon lumineux, de l'électricité dont un nuage est chargé.

    Foudre descendante, celle qui, partant du nuage, va frapper la terre. Foudre ascendante, celle qui s'élève du sein de la terre.

    La foudre est tombée, expression qui a été formée dans un temps où l'on supposait que la foudre frappait toujours de haut en bas, tandis qu'elle agit en tout sens, absolument comme l'étincelle électrique, dont elle ne diffère que par sa masse, Legoarant

  • 3Coup de foudre, atteinte infligée par la foudre. Ce philosophe comme frappé d'un coup de foudre. Fénelon, Tél. XVIII.

    Fig. Événement désastreux qui atterre, qui déconcerte, qui cause une peine extrême. Ce propos fut à la pauvre Constance Un coup de foudre…, La Fontaine, Court. La nouvelle de la maladie de la duchesse de Bourbon vint à Chantilly comme un coup de foudre, Bossuet, Louis de bourbon. Quel coup de foudre, ô ciel ! et quel funeste avis ! Racine, Phèd. IV, 5. Cette séparation fut un coup de foudre pour moi, Fénelon, Tél. II.

    Fig. condamnation infligée par une autorité supérieure. C'est une extrême folie de dire que les commandements de Dieu nous sont impossibles… aussi tous ceux qui l'ont assuré ont senti justement ce coup de foudre, Bossuet, 1er sermon, dim. de la Passion, 1.

  • 4Pierre de foudre ou carreau, pierre qui passait dans l'opinion vulgaire pour être tombée du ciel avec la foudre ; c'est un aérolithe. Et quand il [le lingot d'argent doré] est bien net, on le brunit avec une pierre de foudre montée au milieu d'un morceau de bois…, Dict. des arts et mét. Tireur d'or.
  • 5Sorte de dard enflammé qui, suivant les idées religieuses des Grecs et des Latins, était l'arme de Jupiter ; suivant Virgile, il était formé de trois rayons de grêle, trois de pluie, trois de feu et trois de vent. Trois fois le roi des dieux lui lança un triple foudre de grêle, d'eau et de feu, Bernardin de Saint-Pierre, l'Arcadie, II.

    Terme de peinture et de sculpture. Représentation de la foudre qu'on donne pour attribut à Jupiter, et qui consiste en une sorte de grand fuseau, du milieu duquel sortent plusieurs dards en zigzag. Un aigle tenant un foudre dans ses serres. Un foudre ailé. Allons fouler aux pieds ce foudre ridicule Dont arme un bois pourri ce peuple trop crédule, Corneille, Poly. II, 6. Les voleurs te pillent [Jupiter] tous les jours impunément… à Olympie, pendant la solennité des jeux, ils ont coupé l'or de ta chevelure… qu'il faisait beau voir alors Jupiter, avec un foudre de quinze pieds à la main, qui se laissait tondre par des brigands ! Perrot D'Ablancourt, Lucien, Timon.

    En ces deux sens, foudre est toujours masculin.

  • 6 Terme de blason. Meuble de l'écu fait en manière de faisceau de flammes montantes et descendantes, avec quatre dards en sautoir.
  • 7La colère, la vengeance divine. Les prières ferventes apaisent Dieu et lui font tomber la foudre des mains, Dict. de l'Acad. Il devrait lancer des foudres pour venger sa gloire, Massillon, Carême, Comm. indignes.

    Au masculin. Quels foudres lancez-vous quand vous vous irritez, Si même vos faveurs ont tant de cruautés ? Corneille, Hor. III, 1. Si Dieu punit l'erreur, Vois quel foudre il prépare aux artisans des crimes, Voltaire, Fanat. V, 4. Moitié chère et sacrée, et de qui les vertus Ont arrêté sur moi les foudres suspendus, Voltaire, Olymp. IV, 5.

    Il se dit, en un sens analogue, du courroux des souverains. Le prince est en colère, la foudre est près de tomber.

  • 8Poétiquement et au masculin. Catastrophe, destruction. Que le courroux du ciel allumé par mes vœux Fasse pleuvoir sur elle [Rome] un déluge de feux ! Puissé-je de mes yeux y voir tomber ce foudre ! Corneille, Hor. IV, 5. Ah ! mon prince, ah ! madame, il vaut mieux vous résoudre Par un heureux hymen à dissiper ce foudre, Corneille, Héracl. I, 4.

    Il se dit aussi en ce sens au féminin. Quand tout cédait à Louis et que nous crûmes voir revenir le temps des miracles, où les murailles tombaient au bruit des trompettes, tous les peuples jetaient les yeux sur la reine, et croyaient voir partir de son oratoire la foudre qui accablait tant de villes, Bossuet, Mar.-Thér.

  • 9Au fém. et au masc. Les foudres de l'Église, les foudres de Rome, les foudres du Vatican, les foudres de l'excommunication, les foudres des censures ecclésiastiques, les sentences d'excommunication. Il a été frappé des foudres de l'Église, Patru, Plaidoyer 28, dans RICHELET. Allez vaincre l'Espagne et songez qu'un grand homme Ne doit point redouter les vains foudres de Rome, Voltaire, Henr. III.
  • 10Au fém. et au masc. Les foudres de l'éloquence, les grands mouvements par lesquels l'orateur confond ses adversaires. [La journée] Où le prophète Desmarets Armé de cette même foudre Qui mit le Port-royal en poudre, Va me percer de mille traits, Boileau, Épig. VIII.

    Un foudre d'éloquence, un grand orateur, un orateur qui subjugue son auditoire.

  • 11Au masc. et au fém. L'artillerie, les canons, les mines. Ce corps pâle et sanglant auprès duquel fume encore la foudre qui l'a frappé, Fléchier, Turenne. Vauban, sur un rempart, un compas à la main, Rit du bruit impuissant de cent foudres d'airain, Voltaire, Henr. VII. Protége les vaincus, commande à nos vainqueurs, Éteins entre leurs mains leurs foudres destructeurs, Voltaire, Alz. I, 4. Avec plus d'art encore et plus de barbarie, Dans des antres profonds on a su renfermer Des foudres souterrains tout prêts à s'allumer, Voltaire, Henr. VI.

    Les foudres de la guerre, les canons, l'artillerie.

    Au masculin. La guerre, son appareil. Il convient aux rois de choisir des hommes puissants pour porter leur foudre dans la conduite de la guerre, Fléchier, le Tellier. L'air était calme et du dieu de la guerre Elle [la paix] étouffait les foudres assoupis, Béranger, Ste Alliance. Puis, quand ce trône [celui de Charles X] ose brandir son foudre, De vieux fusils l'abattent en trois jours, Béranger, Adieu chansons.

    Foudre de guerre, grand foudre de guerre, un conquérant, un grand général, un guerrier qui fait trembler ses ennemis, un homme vaillant. Là se perdent ces noms de maîtres de la terre, D'arbitres de la paix, de foudres de la guerre, Malherbe, I, 3. Un homme qui se dit un grand foudre de guerre, Corneille, le Ment. III, 5. Je suis donc un foudre de guerre ? La Fontaine, Fabl. II, 14. Mais notre marquis, mon Dieu, quel homme ! nous croirez-vous une autre fois ? quand vous vouliez tirer des conséquences de toutes ses frayeurs enfantines, nous vous disions que ce serait un foudre de guerre, et c'en est un, et c'est vous qui l'avez fait, Sévigné, 548. La fortune à nos yeux fit monter sur son char Sylla, deux Marius, et Pompée et César ; Elle a précipité ces foudres de la guerre, Voltaire, Triumv. II, 2.

    Absolument. Et souffre que je baise en ce foudre vivant La gloire de l'empire et l'honneur du Levant, Rotrou, Bélis. III, 2. Ce foudre [Alexandre] était encore enfermé dans la nue, Racine, Alex. I, 2.

  • 12Au mascul. Coquille du genre volute.

SYNONYME

FOUDRE, TONNERRE. La foudre est le feu électrique que lance la décharge. Le tonnerre est le bruit qui accompagne cette décharge. On entend un coup de tonnerre ; on est frappé d'un coup de foudre. Mais par extension tonnerre peut se prendre pour foudre : le tonnerre est tombé sur la maison.

HISTORIQUE

XIe s. Chéent i fuldres et menut et souvent, Ch. de Rol. CIX.

XIIe s. Ses darz ad trait, e departid ad les bons des mals ; fuildre mustrad, Rois, p. 207.

XIIIe s. Descendi uns orages de devers Ocident, En l'ost aus Sarasins cheï hidousement ; Moult en furent li nos [les nôtres] en grant effréement, Et li Sarrasin plus où li fodres descent, Ch. d'Ant. VII, 551. [Le feu grégeois] faisoit tel bruit qu'il sembloit que ce fust fouldre qui cheust du ciel, Joinville, p. 39, dans DU CANGE.

XVe s. Si je n'eusse esté si hastif De mettre le feu en la pouldre, J'eusse destruit et mis en foudre Tant quanque avoit de damoiselles, Villon, Arch. de Bagnolet.

XVIe s. Il tonnoit, il esclairoit en harenguant, et il portoit sur sa langue une fouldre terrible, Amyot, Péric. 13. Ptolomaeus, celuy qui fut surnommé la foudre, Amyot, Pyrrh. 49. Nous le vismes dedans nos fauxbourgs, avec son armée, comme un foudre de guerre, qui devança nos pensées et les vostres, Sat. Mén. p. 151. Le seul homme ne meurt point s'il ne tombe sur la partie frappée du foudre, ou s'il n'est tourné par force du costé d'où la foudre vient, Paré, IX, Préf. Le tonnerre ordinairement n'a qu'un coup, qu'une foudre et ne frappe qu'un homme à la fois, Paré, ib. [Ils] guerpirent le fort, fuyans comme fouldre, Hist. du chev. Bayard, p. 126, dans LACURNE.

ÉTYMOLOGIE

Provenç. foldre, folzer ; ital. fólgore ; du lat. fulgur, la foudre, du même radical que fulgere, briller, sanscr. bhraj, briller, brûler.

SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIRE

1. FOUDRE. Ajoutez :
13 Terme de marine. Souffler en foudre, se dit du vent soufflant par coups d'une extrême violence. Toute la nuit, le vent a soufflé en foudre, la mer était très menaçante…, Journ. offic. 31 août 1875, p. 7402, 3e col. Les rafales tombaient avec une telle violence que, par moments, on eût cru entendre le tonnerre ; le vent, qui n'a pas cessé depuis ce matin de souffler en foudre, a déjà causé de nombreux dégâts, ib. 19 déc. 1874, p. 8163, 3e col.