« furieux », définition dans le dictionnaire Littré

furieux

Définition dans d'autres dictionnaires :

Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

furieux, euse

(fu-ri-eû, eû-z') adj.
  • 1Qui est en proie à une sorte de folie violente. Le titre de furieux sous lequel il [Roland] a couru jusques ici toute la terre, Voiture, Lett. 4. Hâtez-vous de le faire enfermer, il devient furieux, je vous en avertis, Regnard, Retour imprévu, sc. 18.

    Par extension. Puisque malgré mes pleurs mon amant furieux Se fait tant de plaisir d'expirer à mes yeux…, Racine, Bajaz. II, 5.

    Substantivement. Terme de jurisprudence. Celui qui est atteint de fureur. Prononcer l'interdiction d'un furieux.

    Par extension. …L'ambition… L'envoie en furieux au milieu des hasards, Boileau, Sat. VIII. L'ermite retourna cependant à Constantinople, regardé comme un fanatique qui s'était fait suivre par des furieux, Voltaire, Mœurs, 54.

  • 2Qui est en fureur. Autrefois il était furieux contre ses rivaux, Sévigné, 457. Et qu'ont produit mes vers de si pernicieux Pour armer contre moi tant d'auteurs furieux ? Boileau, Sat. IX. Et là vous me verrez soumis ou furieux…, Racine, Andr. III, 7. Sors, traître, n'attends pas qu'un père furieux Te fasse avec opprobre arracher de ces lieux, Racine, Phèdre, IV, 2. Astarté le vit [un jeune homme], l'aima et en devint furieuse ; il la méprisa parce qu'il était passionné pour une autre femme, Fénelon, Tél. III. La duchesse du Maine, princesse du sang par elle-même, furieuse de voir attaquer le rang de son mari et de ses enfants, Duclos, Mém. Régence, Œuv. t. V, p. 281, dans POUGENS. Il sera furieux par excès de faiblesse, Voltaire, Fanat. III, 5. Il dit, et, furieux de colère et d'amour…, De Saint-Ange, Métamorph. d'Ovide, VI.

    Substantivement. Sers-toi d'une enragée et d'une furieuse, Rotrou, Hercule mour. II, 2. Qu'on soit blessé par un furieux ou par un aveugle, on ne sent pas moins sa blessure, Fléchier, Lamoign. Quelle faiblesse à moi d'en croire un furieux ? Racine, Mithr. III, 4.

    Se dit aussi des animaux. Faibles agneaux livrés à des loups furieux, Racine, Esth. I, 5. Pour la laie, elle ne devient furieuse que quand on attaque ses petits, et en général, dans presque tous les animaux sauvages, le mâle devient plus ou moins féroce lorsqu'il cherche à s'accoupler, et la femelle lorsqu'elle a mis bas, Buffon, Quadrup. t. I, p. 302, dans POUGENS.

    Terme de blason. Se dit d'un taureau élevé sur ses pieds.

    Le Furieux, se dit quelquefois de la constellation d'Orion.

  • 3Poussé, animé par la fureur. On ne sait point d'où part ce dessein furieux ? Racine, Phèdre, V, 5. Avez-vous dans le sein la cicatrice heureuse Du fer dont à mes yeux une main furieuse…, Voltaire, Zaïre, II, 3.
  • 4Qui dénote la fureur. Cris furieux. Son front cicatrisé rend son air furieux, Boileau, Ép. IV. Je l'observais hier, et je voyais ses yeux Lancer sur le lieu saint des regards furieux, Racine, Athal. I, 1.
  • 5Violent, en parlant des choses, comme si elles étaient poussées par la fureur. Vents furieux. Des torrents furieux. La tempête furieuse dont sa flotte fut battue durant dix jours, Bossuet, Reine d'Anglet. Dès que le canon des Suédois eut fait brèche aux retranchements, ils s'avancèrent la baïonnette au bout du fusil, ayant au dos une neige furieuse qui donnait au visage des ennemis, Voltaire, Charles XII, 2.
  • 6Qui se porte à l'attaque comme si la furie le transportait. Furieux dans la guerre, ils [les chrétiens] souffrent nos bourreaux, Corneille, Poly. IV, 6.

    Il se dit des choses de guerre dans le même sens. Charge furieuse. Xénophon écrit que ce fut la plus furieuse de toutes les batailles qui eussent été données de son temps, Rollin, Hist. anc. Œuv. t. IV, p. 288, dans POUGENS.

  • 7Il se dit des passions sans frein. Passion furieuse. Il n'y eut jamais d'ambition plus folle, disons-mieux, plus furieuse que celle de ce prince, Rollin, Hist. anc. Œuv. t. VI, p. 619, dans POUGENS. Un besoin fatigant, un désir furieux De sortir de moi-même et de voir d'autres cieux, Ducis, Abufar, II, 7.
  • 8 Fig. et familièrement. Excessif, en parlant soit des personnes, soit des choses. Un furieux mangeur. Pour moi, j'ai un furieux tendre pour les hommes d'épée, Molière, Préc. 12. Je vais vous montrer une furieuse plaie, Molière, ib. Il fait une furieuse dépense en esprit, Molière, ib. Voilà une furieuse impudence que de nous envoyer quérir, Molière, G. Dand. III, 12. Sa maison ne désemplit pas de tout ce qu'il y avait de plus considérable à Madrid, à mesure qu'on apprenait l'aventure [des coups de bâton donnés par Villena à Albéroni], qui fit un furieux bruit, Saint-Simon, 476, 127. Eh bien ! notre galant aime jusqu'à sa femme ; C'est avoir pour le sexe un furieux penchant, La Chaussée, Préjug. à la mode, II, 9. Hélas ! dis-je à la fin, c'est une furieuse histoire que la mienne, Marivaux, Pays. parv. 3e part. Ses guerres [de Louis XIV] souvent très injustes, son faste, son orgueil, son intolérance, sa révocation de l'édit de Nantes, son dévouement aux jésuites, tout cela, sire, met contre lui un furieux poids dans la balance, D'Alembert, Lett. au roi de Pr. 30 nov. 1770. Voilà un furieux pas de clerc, une bévue qui coûte cher, et que la liberté des journaux vous eût certainement épargnée, Courier, Lett. X.

    En ce sens, il se met devant son substantif. Cependant on le trouve quelquefois après. J'ai une délicatesse furieuse pour tout ce que je porte, Molière, Préc. 10.

SYNONYME

FURIEUX, FURIBOND. Le furieux est celui qui est actuellement en fureur ; le furibond est celui qui est sujet à se mettre souvent en fureur. Le premier indique un état ; le second, une habitude. Là est la distinction essentielle. Cependant quelquefois, par abus, furibond se dit pour furieux ; par exemple, dans cette phrase : il vint à nous tout furibond. Mais alors furibond est du langage familier, et implique même une nuance de raillerie, qui n'est pas dans furieux ; d'ailleurs furieux est de tous les styles, aussi bien le style élevé que le style familier.

HISTORIQUE

XVIe s. Las, qu'ont servy tant de temples divins Et tant de vœux à ceste furieuse [Didon amoureuse] ? Du Bellay, J. IV, 8, recto. Ceulx que presse un furieux desir de guarison se laissent aller à toute sorte de conseils, Montaigne, I, 196. Quand ils sont hors d'eulx et furieux et insensez, Montaigne, II, 327. Oh le furieux avantage que l'opportunité ! Montaigne, III, 342. J'y estois quand Marthe la demoniaque y fut amenée, il faisoit furieux de la voir [elle faisait fureur], D'Aubigné, Faen. II, 5.

ÉTYMOLOGIE

Prov. furios ; esp. et ital. furioso ; du latin furiosus, de furia, furie.