« héros », définition dans le dictionnaire Littré

héros

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héros

(hé-rô ; l's se lie : un hé-rô-z illustre) s. m.
  • 1 Terme d'antiquité. Nom donné dans Homère aux hommes d'un courage et d'un mérite supérieur, favoris particuliers des dieux, et dans Hésiode à ceux qu'on disait fils d'un dieu et d'une mortelle ou d'une déesse et d'un mortel. Ce héros [Achille] si terrible au reste des humains… Elle l'a vu pleurer et changer de visage, Racine, Iphig. IV, 1. Le peuple lui décerna [à Gélon] les honneurs qu'on rendait alors aux demi-dieux, appelés autrement les héros, Rollin, Hist. anc. Œuv. t. III, p. 455, dans POUGENS. L'histoire nous dit que les premiers héros n'ont été que des destructeurs de bêtes, Buffon, Anim. dom.
  • 2 Fig. Ceux qui se distinguent par une valeur extraordinaire ou des succès éclatants à la guerre. C'est un sujet de consolation pour notre pauvre humanité, de voir qu'il y a eu de l'homme dans les héros, Guez de Balzac, De la cour, 6e disc. Un héros arrêté n'a que deux bras à lui, Corneille, Suréna, IV, 1. La tendresse n'est point la vertu des héros, Corneille, ib. V, 3. Loin de nous les héros sans humanité ! ils pourront bien forcer les respects et ravir l'admiration, comme font tous les objets extraordinaires ; mais ils n'auront pas les cœurs, Bossuet, Louis de Bourbon. Ce qui fait le héros, ce qui porte la gloire du monde jusqu'au comble, valeur, magnanimité, bonté naturelle, voilà pour le cœur ; vivacité, pénétration, grandeur et sublimité de génie, voilà pour l'esprit…, Bossuet, ib. Il nous a dit qu'un héros était un voleur qui fait à la tête d'une armée ce qu'un voleur fait tout seul, Maintenon, Lett. à l'abbé Gobelin, 9 février 1675. Ce héros [Mithridate] dans mes bras est tombé tout sanglant, Racine, Mithr. V, 4. Il semble que le héros est d'un seul métier, qui est celui de la guerre, et que le grand homme est de tous les métiers, ou de la robe, ou de l'épée, ou du cabinet, ou de la cour, La Bruyère, II. On traite de héros un homme qui fait la conquête, c'est-à-dire qui subjugue injustement les pays d'un État voisin, Fénelon, t. XXII, p. 286. Il y a une infinité de gens de guerre qui sont des héros dans l'action, et hors de là ne font guère de réflexions sur leur métier, Fontenelle, Ressons. Il est assez ordinaire à ces héros qui brillent dans les combats et dans les actions guerrières, de paraître très faibles et très médiocres dans d'autres temps, et par rapport à d'autres objets, Rollin, Hist. anc. Œuv. t. II, p. 297, dans POUGENS. Montrez-nous, héros magnanimes, Votre vertu dans tout son jour ; Voyons comment vos cœurs sublimes Du sort soutiendront le retour, Rousseau J.-B. Ode à la Fortune. Mais au moindre revers funeste, Le masque tombe, l'homme reste, Et le héros s'évanouit, Rousseau J.-B. ib. Charles XII, qui fut un héros, n'eut pas la prudence qui en eût fait un grand homme, Voltaire, Fragm. sur l'hist. art. 28. On appelait ces assassins des héros ; leur brigandage était de la gloire, Voltaire, Princ. de Babyl. Un roi soldat est appelé un héros… un monarque législateur, fondateur et guerrier est le véritable grand homme ; et le grand homme est au-dessus du héros ; je crois donc que vous serez content quand je ferai cette distinction, Voltaire, Lett. Schouvalof, 17 juill. 1758. Et qu'est-ce qu'un héros ? - Mon enfant, c'est le brave, Ducis, Oscar, IV, 1. Les voilà ces héros si longtemps invincibles [les soldats de Waterloo] ! Ils menacent encor les vainqueurs étonnés ; Glacés par le trépas, que leurs yeux sont terribles ! Que de hauts faits écrits sur leurs fronts sillonnés ! Delavigne, Messéniennes, Waterloo. Il [Ney] donna trois heures au ralliement ; et, sans se laisser agiter par l'impatience et le péril de l'attente, on le vit s'envelopper de son manteau, et, ces trois heures si dangereuses, les passer à dormir profondément sur le bord du fleuve ; tant il avait le tempérament des grands hommes, une âme forte dans un corps robuste, et cette santé vigoureuse sans laquelle il n'y a guère de héros ! Ségur, Hist. de Nap. X, 8. [Le duc de Bordeaux] Sourd aux leçons efféminées Dont le siècle aime à les nourrir [les princes], Il saura que les destinées Font roi pour régner ou mourir ; Que des vieux héros de sa race Le premier titre fut l'audace, Et le premier trône un pavois, Lamartine, Médit. I, 15.

    Adjectivement. Guise avec plus d'éclat [que Mayenne] éblouissait les yeux, Fut plus grand, plus héros, mais non plus dangereux, Voltaire, Henr. III.

  • 3Tout homme qui se distingue par la force du caractère, la grandeur d'âme, une haute vertu. C'est du fils d'un tyran que j'ai fait ce héros, Corneille, Héracl. IV, 5. Ouvrez les yeux, chrétiens, et regardez ce héros dont nous pouvons dire comme saint Paulin disait du grand Théodose, que nous voyons en Louis, non un roi, mais un serviteur de Jésus-Christ, et un prince qui s'élève au-dessus des hommes plus encore par sa foi que par sa couronne, Bossuet, Mar.-Thér. L'amour peut bien remuer le cœur des héros du monde [Louis XIV], il peut y soulever des tempêtes et y exciter des mouvements qui fassent trembler les politiques, et qui donnent des espérances aux insensés ; mais il y a des âmes d'un ordre supérieur à ses lois…, Bossuet, Mar.-Thér. On peut être héros sans ravager la terre, Boileau, Épît. I. La grâce a ses héros, Massillon, Pet. car. Drapeaux. Le juste a la réalité de toutes les grandes vertus dont le héros mondain n'a souvent que la réputation et l'image, Massillon, Panégyr. St Louis. Tu [Brutus] veux être un héros, va, tu n'es qu'un barbare, Voltaire, M. de Cés. II, 1. Le vulgaire est content s'il remplit son devoir ; Il faut plus au héros, Voltaire, Tancr. V, 3.

    On l'emploie quelquefois en ce sens par plaisanterie. Il a pris médecine en héros.

  • 4 Terme de littérature. Personnage principal d'un poëme, d'un roman, d'une pièce de théâtre. Achille est le héros de l'Iliade. …Un écrivain qui s'aime Forme tous ses héros semblables à soi-même, Boileau, Art p. III.

    Le personnage qu'on loue dans une solennité. La solennité des éloges veut presque être soutenue par le faste du héros qu'on loue ; et il semble que l'orateur n'a jamais plus besoin d'art que lorsqu'il n'a qu'à louer la vérité et la justice, Massillon, Villars.

    Héros de roman, héros qui figurent dans les romans de Mlle Scudéry [la Clélie, le Cyrus] et dont Boileau s'est moqué. Elle y perdait [dans la lecture de l'histoire] insensiblement le goût des romans et de leurs fades héros, Bossuet, Duch. d'Orl. Tous ces héros sont-ils connus dans l'histoire ? - Non ; il y en a beaucoup de chimériques parmi eux. - Des héros chimériques ! et sont-ce des héros ? - Comment ! Si ce sont des héros ! ce sont eux qui ont toujours le haut bout dans les livres et qui battent infailliblement les autres, Boileau, Héros de romans.

    Par extension. Héros de roman, personnage à qui il est arrivé des aventures extraordinaires. Le comte de Guiche est à la cour, tout seul de son air et de sa manière : un héros de roman, qui ne ressemble point au reste des hommes, Sévigné, 89.

    Le héros d'une aventure, celui à qui elle est arrivée.

  • 5Le héros d'une chose, celui qui y brille d'une manière excellente en bien ou en mal. Des pécheurs qu'on regardait comme des héros dans l'impiété, Massillon, Carême, Évid. Protecteur de mon sang, héros de l'amitié, Voltaire, Oreste, V, 7. Nous avons vu périr successivement tous ceux qui ont eu part à ces expéditions [mesures d'un degré du méridien] ; M. le Monnier reste seul ; il a réuni sur sa personne tous les sentiments qu'un zèle si généreux et si noble nous avait inspirés pour ces héros de l'astronomie, Condorcet, Maurepas. Chacun de ces derniers jours avait eu ses hommes remarquables ; entre autres celui du 16, Eugène, celui du 17, Mortier ; mais dès lors tous proclamèrent Ney le héros de la retraite, Ségur, Hist. de Nap. X, 9.

    Le héros du jour, l'homme qui, en un certain moment, attire sur soi toute l'attention du public.

    Le héros de la fête, celui pour qui elle se donne. On dit qu'un autre que moi est le héros de la fête, Fagan, Pupille, 23.

    Familièrement. C'est son héros, c'est l'objet de son admiration. Aux encens qu'elle donne à son héros d'esprit, Molière, Femmes sav. I, 3. Le chevalier était son héros, Hamilton, Gramm. 6.

  • 6Papillon diurne.

    PROVERBE

    Il n'y a point de héros pour son valet de chambre, ceux qui vivent très près d'un homme connaissent les faiblesses, les défauts, les vices qui échappent à la vue du public.

REMARQUE

L'h est aspirée dans héros ; mais elle ne l'est dans aucun des dérivés.

HISTORIQUE

XIVe s. Heros, telz sont comme Diex ou anges, Oresme, Thèse de MEUNIER.

XVIe s. Telle troupe d'heros, l'eslite de la Grece, Accompagnoient Jason d'un cœur plein d'allegresse, Ronsard, 840.

ÉTYMOLOGIE

Lat. heros, de ἥρως, héros, qui se rattache au sanscrit vĭra, héros, lat. vir ; ἥρως est du petit nombre des mots où l'esprit rude représente un v et non une s.