« langage », définition dans le dictionnaire Littré

langage

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

langage

(lan-ga-j') s. m.
  • 1Proprement, emploi de la langue pour l'expression des pensées et des sentiments. Recherches sur l'origine du langage. Le langage est tellement ce qui perfectionne toutes les facultés de l'âme que la perfection de ces facultés répond toujours à celle du langage, Bonnet, Ess. psychol. ch. 17.
  • 2Particulièrement, langue propre à une nation. Septime se présente, et, lui tendant la main, Le salue empereur en langage romain, Corneille, Mort. de Pompée, II, 2. Voyant toute l'Europe apprendre ton langage [de la France], Corneille, Tois. d'or, Prologue, sc. 2. Instruit dans les deux lois et dans les deux langages [latin et arabe], Voltaire, Tancr. II, 1. Notre langue est très irrégulière ; les langages, à mon gré, sont comme les gouvernements : les plus parfaits sont ceux où il y a moins d'arbitraire, Voltaire, Lett. Guyot, 7 août 1767. Il serait curieux de compter le nombre de différents langages qui se parlent aujourd'hui dans tout l'univers ; il y en a plus de trois cents dans ce que nous connaissons de l'Amérique, et plus de trois mille dans ce que nous connaissons de notre continent, Voltaire, Bible expliq. Gen.

    Langage purin, voy. PURIN.

  • 3Il se dit des cris, du chant, etc. dont les animaux se servent pour se faire entendre. Les oiseaux ont une sorte de langage.

    D'après d'anciennes superstitions, manière mystérieuse qu'avaient les animaux pour se faire entendre, et dont l'homme obtenait la connaissance par certains procédés magiques. Pythagore, dans son séjour aux Indes, apprit, comme tout le monde sait, à l'école des gymnosophistes le langage des bêtes et celui des plantes, Voltaire, Avent. indienne.

  • 4 Fig. Tout ce qui sert à exprimer des sensations et des idées. Le langage du geste. La pantomime est un langage. En vain de mes regards l'ingénieux langage…, Corneille, Sertor. II, 1. Le langage des yeux n'est pas celui qui persuade le moins ; ce langage est expressif, amoureux, languissant et extrêmement hardi, Pellisson, Rec. de pièces, dans RICHELET. Vous n'aurez point pour moi de langages secrets, Racine, Brit. II, 3. Tu pouvais de ses yeux entendre le langage, Voltaire, Zaïre, III, 7.

    Moyen de s'exprimer par des signes. On a composé pour les sourds-muets un langage à l'aide de différents mouvements de la main et des doigts.

    Langage des fleurs, voy. FLEUR, nos 1.

  • 5Manière de parler, quant aux intonations. Il avait votre port, vos yeux, votre langage, Racine, Phèd. Il, 5.
  • 6Manière de s'exprimer, quant aux mots, à la diction. Langage figuré. Langage obscur, incorrect. Faire des fautes de langage. Cependant jusqu'ici d'un langage nouveau J'ai fait parler le loup et répondre l'agneau, La Fontaine, Fabl. II, 1. Je vis de bonne soupe et non de beau langage ; Vaugelas n'apprend point à bien faire un potage, Molière, F. sav. II, 7. Jésus-Christ a donné dans l'Évangile cette marque pour reconnaître ceux qui ont la foi, qui est qu'ils parleront un langage nouveau ; et en effet le renouvellement des pensées et des désirs cause celui des discours, Pascal, Lett. à Mlle de Roannez, 3. Le Parnasse parla le langage des halles, Boileau, Art p. I. Au contraire cet autre, abject en son langage, Fait parler ses bergers comme on parle au village, Boileau, ib. II. Plusieurs étrangers se sont imaginé que nous n'avions qu'un langage pour la prose et pour la poésie ; ils se sont bien trompés, Voltaire, Comment. Corn. rem. Nicomède, III, 2.

    En langage commun, suivant la manière habituelle de s'exprimer. …Qui, dans Paris, en langage commun, Dorante et le menteur à présent ce n'est qu'un, Corneille, Suite du Ment. I, 3.

  • 7Manière de s'exprimer eu égard au sens, aux intentions. Peux-tu bien me connaître et tenir ce langage ? Corneille, Nicom. I, 2. Sais-je si mal d'amour expliquer le langage ? Rotrou, Vencesl. II, 4. Maître Renard par l'odeur alléché Lui tint à peu près ce langage, La Fontaine, Fabl. I, 2. J'enrage Lorsque j'entends tenir ces sortes de langage, Molière, Tart. II, 3. Étant tous unis dans le dessein de perdre M. Arnauld, ils se sont avisés de s'accorder de ce terme de prochain [pouvoir prochain], que les uns et les autres disaient ensemble, quoiqu'ils l'entendissent diversement, afin de parler un même langage, Pascal, Prov. I. Il ne voulut apprendre d'autre langage que celui de l'Écriture : Oui, oui, non, non, Fléchier, Duc de Mont. Chaque passion parle un différent langage, Boileau, Art p. III. L'amour est-il muet, ou n'a-t-il qu'un langage ? Racine, Brit. III, 7. Quittez, seigneur, quittez ce funeste langage, Racine, Andr. II, 2. Le nom d'amant peut-être offense son courage ; Mais il en a les yeux, s'il n'en a le langage, Racine, Phèdre, II, 1. Hé quoi, Nathan ! d'un prêtre est-ce la le langage ? Moi, nourri dans la guerre aux horreurs du carnage… C'est moi qui prête ici ma voix au malheureux ! Racine, Athal. II, 5. Ho ! voilà le langage de l'avarice, qui croit toujours être prodigue, Fénelon, Dial. des morts anc. 35. Savez-vous bien quel est ce langage que vous tenez à Dieu ? Massillon, Carême, Resp. hum. Si le ministre ne parle pas le langage du monde, Massillon, Carême, Prosp. Oubliant à jamais le langage d'amour, Voltaire, Adél. du Guesclin. I, 1.
  • 8Vaines paroles, verbiage. Je ne ressemble point à ces faibles esprits Qui… En leur fidélité n'ont rien que du langage, Malherbe, V, 6. Donc, sans plus de langage, Tu veux bien m'en donner quelques baisers pour gage ? Corneille, Suite du Ment. V, I. Et sur ce beau langage, Pour suivre son chemin, m'a tourné le visage, Molière, le Dép. IV, 2. Mon Dieu, madame, sans langage, Je ne vous parle pas, car vous êtes trop sage, Molière, Éc. des mar. I, 2. Et, sans plus de langage, Lui jette pour défi son assiette au visage, Boileau, Sat. III.
  • 9Dans les beaux-arts, procédés à l'aide desquels l'artiste exécute ses conceptions. Le dessin, le coloris constituent le langage de la peinture ; les intervalles, les accords celui de la musique.

SYNONYME

LANGAGE, LANGUE. Ces deux mots ne diffèrent que par la finale age qui, étant la finale aticus des latins, signifie ce qui opère, ce qui agit. C'est là ce qui fait la nuance des deux mots. La langue est plutôt la collection des moyens d'exprimer la pensée par la parole ; le langage est plutôt l'emploi de ces moyens. C'est la nuance que l'on aperçoit, par exemple, entre la langue française et le langage français. Pour la même raison on dit le langage par signes, le langage des yeux, et non la langue par signes, la langue des yeux. La langue du cœur, ce sont les expressions dont le cœur se sert d'ordinaire ; le langage du cœur, ce sont les émotions que le cœur fait partager.

HISTORIQUE

XIIe s. Droiz empereres, entendez mon langage, li Coronemens Looys, V. 2282. Car sa biautez me fait tant esbahir Que je ne sai devant lui [elle] nul langage, Couci, XI. Genz de divers païs, de mult divers language, Th. le mart. 158.

XIIIe s. Que [car] mon langage ont blasmé li François Et mes chançons, oyant les Champenois, Quesnes, Romanc. p. 83. Vous n'entendés son langage, ne il ne reset point dou vostre, H. de Valenciennes, XII.

XIVe s. … Et a esté translatée en plusieurs langaiges et exposée en très grant diligence de plusieurs docteurs catholiques, Oresme, Prol. Aristote tenoit qu'il n'est que un dieu, mais il parle selon le commun langage qui estoit lors, Oresme, Eth. 20.

XVe s. En amonestant et priant les contes, les barons et les chevaliers, qu'ils voulussent entendre et penser pour son honneur garder et defendre son droit, et leur disoit ces langages en riant si doucement et de si liée chere, que…, Froissart, I, I, 284. Un roy doit faire enseigner et endoctriner ses enfants, et leur faire savoir pluseurs langages et mesmement latin pour voiager, Bibl. des ch. 6e série, t. II, p. 144.

XVIe s. Ces langages adonc despleurent si fort au peuple, que l'on l'en estima homme importun, fascheux et envieux, Amyot, Fab. 53. Il ne sera point, à mon avis, besoin de beaucoup de langage, pour declarer que c'est que concorde, Lanoue, 43. Changer de langage, Lanoue, 390. Quelques uns tindrent ce langage…, Lanoue, 607. Pibrac, merveilleux en delicatesse de langage, D'Aubigné, Hist. II, 337. Un charlatan de cour y vend son beau langage, D'Aubigné, Tragiques, Princes.

ÉTYMOLOGIE

Berry, langaige ; bourg. langueige ; provenç. lenguatge, lengatge, lengage ; catal. llenguatge ; esp. lenguaje ; ital. linguaggio ; du lat. lingua, avec le suffixe age, atge, qui représente le suffixe latin aticus. Palsgrave, p. 8, note que l'on prononce langaige.