« languir », définition dans le dictionnaire Littré

languir

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languir

(lan-ghir) v. n.
  • 1Être dans un état de maladie lente. Il est phthisique, il y a plusieurs mois qu'il languit. Je languissais, mes ans s'éteignaient dans l'ennui, Chénier M. J. Gracq. I, 4.
  • 2Souffrir de la continuité de quelque mal autre que la maladie. On le fit languir dans les supplices. Tuez tout de suite cet animal, ne le faites pas languir. Ou, s'il me faut languir prisonnière en ces lieux, Corneille, Perthar. I, 3. Je languis de tout ce que je vois, mais je ne meurs pas encore ; Dieu me laisse dans ce monde pour souffrir, Maintenon, Lett. au duc de Noailles, 15 août 1711. Et le jour a trois fois chassé la nuit obscure Depuis que votre corps languit sans nourriture, Racine, Phèdre, I, 3. Une jeunesse qui avait langui dans la misère, Fénelon, Tél. XII. Cette chambre [à la Bastille] était déjà occupée par un vieux solitaire de Port-Royal nommé Gordon, qui y languissait depuis deux ans, Voltaire, l'Ingénu, 9. La Grèce entière est libre, et la molle Ionie Sous un joug odieux languit assujettie, Voltaire, Brut. I, 2.
  • 3Être en proie à de continuelles et énervantes peines de l'esprit, de l'âme. Languir d'ennui. On languit pendant qu'on espère, Scarron, Œuv. t. I, p. 213. Mon âme, loin de vous, languira solitaire, Racine, Alex. V, 1. Est-ce à moi de languir dans cette incertitude ? Racine, Athal. III, 3.
  • 4 Fig. Être dans un état d'humiliation, de faiblesse, comparé à une maladie de langueur. Ah ! ne languissons plus dans un coin du Bosphore, Racine, Mithr I, 3. Si vous les laissez languir dans une paix continuelle, Fénelon, Tél. XI. Je vois de Mahomet ces lâches successeurs… Sous un nom sans pouvoir languir dans Babylone, Voltaire, Zaïre, I, 2. Ils n'abandonnent point leur fertile patrie Pour languir aux déserts de l'aride Arabie, Voltaire, Zaïre, III, 1. Une esclave chrétienne et que j'ai pu laisser Dans les plus vils emplois languir sans l'abaisser, Voltaire, ib. IV, 5. Ce grand corps déchiré dont les membres épars Languissent dispersés, sans honneur et sans vie, Voltaire, Fanat. II, 5.
  • 5Il se dit des végétaux qui ne sont pas en bon état, qui poussent faiblement. Ces arbres languissent faute d'eau.

    La nature languit, toutes choses languissent pendant l'hiver, c'est-à-dire la nature est comme engourdie pendant l'hiver.

  • 6Souffrir du mal d'amour. Je suis de ces gens-là qui languissent pour vous, Régnier, Sat. XII. Je vous conjure, ô filles de Jérusalem, si vous trouvez mon bien-aimé, de lui dire que je languis d'amour, Sacy, Bible, Cant. des cant. V, 8. Oui, prince, je languis, je brûle pour Thésée, Racine, Phèdre, II, 5.

    Il se dit, dans le même sens, de l'expression du regard. Ses grands yeux noirs qui languissaient, en brillant doucement d'un feu tendre, Voltaire, Zadig, 13.

  • 7Manquer de force, de vivacité, en parlant des ouvrages d'esprit. Ces vers languissent. Les derniers actes languissent. L'intérêt languit. Nous ne pouvons rien, faibles orateurs, pour la gloire des âmes extraordinaires ; le sage a raison de dire que leurs seules actions les peuvent louer ; toute autre louange languit auprès des grands noms, Bossuet, Louis de Bourbon. Notre style languit dans un remerciement, Boileau, Ép. VIII.

    Dans un sens analogue. La conversation languissait, personne ne soutenait la conversation, on la laissait tomber. Il s'en faut beaucoup que la conversation ne languisse ; Corbinelli y tient bien sa place, Sévigné, 19 juin 1680.

    Les nouvelles, les plaisirs languissent, il y a peu de nouvelles importantes, il y a peu de divertissements.

    N'être pas couru, en parlant d'un prédicateur. Le grand Bourdaloue, qui faisait languir l'année passée le P. de la Tour, le P. de la Roche, même M. Anselme qui brille à Saint-Paul [célèbres prédicateurs d'alors], Sévigné, 28 mars 1689.

  • 8Être dans un état de langueur, en parlant des choses, ne pas se faire, ne pas marcher. C'est une de vos raisons pour ne point laisser languir cette requête, Sévigné, 560. Le commerce languit, Fénelon, Tél. III. Les factions troublent le sérail, et la guerre de Hongrie languit, Voltaire, Ann. Emp. Rodolphe II, 1603. Les travaux languirent, furent même interrompus, Raynal, Hist. phil. XIV, 31. Mais bientôt d'une guerre utile à nos projets Ses trésors épuisés font languir les apprêts, Delavigne, Vêp. sic. I, 1.

    L'affaire languit, elle traîne en longueur. Tout cela me donne une bonne espérance de l'affaire des Sirven, quoiqu'elle languisse beaucoup, Voltaire, Lett. Damilav. 4 déc. 1767.

  • 9Attendre avec impatience. Ne me fais plus languir, dis promptement, Corneille, Théod. IV, 2. Savez-vous que votre souvenir fait ici la fortune de ceux que vous en favorisez ? les autres languissent après, Sévigné, 23. Je languis après les jours de poste, Sévigné, 32. Pendant qu'on ne craint pas de faire misérablement languir des marchands et des ouvriers, Bossuet, Sermons, Justice, 1. Ne faites point languir une si juste envie, Racine, Brit. V, 2. Sa bonté [d'une dame] ne fit pas languir son nouvel amant, Hamilton, Gramm. 8. Tu as mis ta vengeance en mes mains, je ne dois pas la faire languir, Montesquieu, Lett. pers. 159.

    Familièrement. Languir de, languir que, souhaiter beaucoup. Je languis d'avoir de vos nouvelles. Je languis bien que cette retraite à Saint-Cyr soit finie, Maintenon, Lett. à Mme de St-Géran, 12 mars 1696.

HISTORIQUE

XIIe s. Tant com lui plaist, [elle] me puet faire languir, Couci, X.

XIIIe s. Li cuens Looys de Blois et de Chartain avoit langui tout l'yver d'une fievre quartaine, si qu'il ne se pooit armer, Villehardouin, CVI. Ne que en la prison les feïst-on languir, Berte, LXIII. Les tenebres où li cuers gist, Qui nuit et jor d'amors languist, la Rose, 2760.

XIVe s. Les paciens sont tost curés, ou meurent tost, ne ne languissent pas longtemps, H. de Mondeville, f° 86, verso. La besongne languitet se delaia [retarda], Bercheure, f° 106, verso. Tu languiroies en tel peine, Que tu n'auroies cuer ne vaine Qui voulsist entendre à rien faire, J. Bruyant, dans Ménagier, t. II, p. 14.

XVe s. Ilz m'eussent pieça occis s'ilz eussent voulu ; mais, pour ce que je les avoye blecez, ilz ne me voulurent point occire, fors en languissant [lentement], Lancelot du lac, t. III, f° 19, dans LACURNE.

XVIe s. Mon cœur et mon corps languissent du desir de te voir, Seigneur, Calvin, Inst. 342.

ÉTYMOLOGIE

Provenç. languir ; ital. languire ; du lat. Languēre ; comparez λαγγάζω, λογγάζω, être long, tarder, languir ; longus paraît s'y rattacher.