« mépris », définition dans le dictionnaire Littré

mépris

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

mépris

(mé-prî ; l's se lie : un mé-pri-z insultant) s. m.
  • 1Prix inférieur à la valeur réelle. C'est le cours du marché des affaires humaines, Qu'encore qu'un chacun vaille ici-bas son prix, Le plus cher toutefois est souvent à mépris, Régnier, Sat. XI.

    Vieilli en ce sens.

  • 2 Fig. Sentiment par lequel on ne tient pas en prix, absence d'estime, de considération pour une personne ou une chose. Quelque raison qu'on ait, on est dans le mépris, Lorsque l'on abandonne un parti qu'on a pris, Tristan, Panthée, I, 5. Je vois par raison et par expérience que rien n'est plus propre [que les arguments tirés de l'ordre de la nature en faveur de la religion] à leur [aux incrédules] en faire naître le mépris, Pascal, Pens. XXII, 2, éd. HAVET. Quelle erreur à une chrétienne, et encore à une chrétienne pénitente, d'orner ce qui n'est digne que de son mépris ! Bossuet, Anne de Gonz. Qui vit jamais paraître en cette princesse le moindre sentiment d'orgueil ou le moindre air de mépris ? Bossuet, Duch. d'Orl. Vous vous taisez, madame, et ce cruel mépris N'a pas du moindre trouble agité vos esprits, Racine, Androm. IV, 2. L'horreur et le mépris que cette offre m'inspire, Racine, Bajaz. V, 4. Le mépris est un sentiment froid qui ne pousse à aucun procédé violent, Diderot, Claude et Nér. I, 67. … Ce loyal mépris Que tout mauvais auteur inspire aux bons esprits, Gilbert, Mon apologie. Ce mépris froid et tranquille que doit inspirer la folie unie à la perversité, Genlis, Veillées du château t. III, p. 174, dans POUGENS. Il [Napoléon] haussa les épaules [en apprenant que Moscou était déserte], et, avec cet air de mépris dont il accablait tout ce qui contrariait son désir, il s'écria : ah ! les Russes ne savent pas encore l'effet que produira sur eux la prise de leur capitale, Ségur, Hist. de Nap. VIII, 4. Mon inconnu soupira ; un sourire de regret et de mépris vint effleurer ses lèvres, Scribe, le Prix de la vie, dans les Hist. et prov.

    Être à mépris, inspirer un sentiment de mépris. Et toi, pour te montrer que tu m'es à mépris…, Molière, Dépit amour. IV, 4.

    Mettre à mépris, avoir à mépris, dédaigner. Mais l'Éternel mettra leur audace à mépris, Et d'un si vain complot ils n'auront que la honte De l'avoir entrepris, Racan, 2e psaume. De l'aller voir Amour n'eut à mépris, La Fontaine, Cuvier.

    Faire mépris, traiter avec mépris. Elle craint toutefois L'ordinaire mépris que Rome fait des rois, Corneille, Pomp. III, 3. Je n'ignore non plus que votre âme plus saine… Rejette les conseils, en dédaigne le prix, Et fait de ces grandeurs un généreux mépris, Corneille, Théod. II, 4. Vous pouvez aisément connaître le mépris qu'ils [les chrétiens] font des richesses, Bossuet, 2e sermon, Pentec. 1.

    Tomber dans le mépris, tomber dans un état où on est méprisé. Et fille qui vieillit tombe dans le mépris, Corneille, le Ment. II, 2. Joas tombé dans le mépris, Bossuet, Hist. I, 6.

    De mépris, avec mépris. Le trône, qu'à vos yeux j'ai traité de mépris, Corneille, Tois. d'or, IV, 4. Et traitant de mépris les sens et la matière, Molière, F. sav. I, 1.

    Le mépris de soi-même, le sentiment qui fait qu'on n'a pas d'estime pour soi-même. Ce sont deux sortes d'amours… l'un est l'amour de soi-même poussé jusqu'au mépris de Dieu… l'autre c'est l'amour de Dieu poussé jusqu'au mépris de soi-même, Bossuet, la Vallière. Ce n'est pas la mort que je crains, mais la honte d'en être digne, et le mépris de moi-même, Rousseau, Hél. I, 24.

  • 3L'objet même du mépris. Que ta religion, que fonda l'imposture, Soit l'éternel mépris de la race future, Voltaire, Fanat. V, 2.
  • 4Le sentiment par lequel on s'élève au-dessus des attachements ordinaires du cœur humain. Le mépris de la mort, des richesses. Ce mépris du malheur, si grand s'il avait coûté plus d'efforts, si héroïque s'il ne venait pas de la même source qui rend incapable des affections profondes, Staël, Corinne, I, 3.
  • 5 Au plur. Il se dit de paroles ou actes de mépris. J'ai souffert sous leur joug cent mépris différents, Molière, Fem. sav. I, 2. On dit des injures, des mépris, des rudesses, des cruautés, des querelles, des plaintes, des rages, Sévigné, 20 oct. 1679. Je reconnais toujours vos injustes mépris, Racine, Mithr. III, 5. Pouvez-vous d'un superbe oublier les mépris ? Racine, Phèd. III, 1.
  • 6Au mépris de, loc. prépos. Sans avoir égard à. Au mépris de ta foi, tu veux détruire un homme Qui veut mourir pour elle [Carthage], ou triompher de Rome, Mairet, Mort d'Asdrub. IV, 4. Au mépris du bon sens, le burlesque effronté Trompa les yeux d'abord…, Boileau, Art p. I. Il [Henri III] éprouva à ses dépens ce que c'est que commander sans pouvoir ; Guise, au mépris de ses ordres, vint à Paris, Voltaire, Ess. guerr. civ. France.

    En mépris de, loc. prépos. Par un sentiment de mépris pour. En mépris du devoir.

PROVERBES

La familiarité engendre le mépris.

Il n'y a point de dette sitôt payée que le mépris.

HISTORIQUE

XVIe s. Les Atheniens en conceurent une grande confiance d'eulx mesmes, et un grand mespris de leurs ennemis, Amyot, Lysand. 17. Au mespris de leur chef, Montaigne, I, 4. Le mespris de la mort, Montaigne, I, 70. Le mespris de la vie, Montaigne, I, 83. Avoir une chose à mespris, Montaigne, III, 75.

ÉTYMOLOGIE

Substantif abstrait formé de mépriser (voy. ce mot). Mépris ne se trouve pas dans l'ancienne langue. Provenç. menespretz ; catal. menyspreu ; espagn. menosprecio ; portug. menospreço. Mesprisement a été dit quelquefois dans le XVIe siècle : Povreté, ignominie, mesprisement, affliction, Calvin, Instit. 127.