« mollesse », définition dans le dictionnaire Littré

mollesse

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mollesse

(mo-lè-s') s. f.
  • 1Qualité de ce qui est mou. La mollesse et la dureté des corps. La mollesse des chairs est l'indice d'une mauvaise constitution. La terre est partout, et jusqu'à des profondeurs considérables, composée de couches parallèles et de matières qui ont été autrefois dans un état de mollesse, Buffon, Hist. nat. Preuv. théor. terre, Œuvr. t. II, p. 25.
  • 2En parlant du climat, température douce et molle. La mollesse de ce climat.
  • 3En parlant de la complexion, du tempérament des personnes, défaut de résistance. J'ai vu Sous un faste imposant des corps dont la mollesse Faisait mentir le fer qui chargeait leur faiblesse, Delavigne, Paria, I, 1.
  • 4Il se dit de la prononciation, de l'articulation de certaines lettres. Toutes les fois qu'il n'y a point d'i devant les ll, la prononciation ne prend point cette mollesse [l'articulation des ll mouillées], le Théâtre de P. Corn. Préface, édit. de 1682.

    Douceur, en parlant d'une langue, non sans une sorte de faiblesse. Lorsque son sujet demande de l'élévation, on est étonné comment la mollesse de la langue italienne prend un nouveau caractère dans ses mains [du Tasse] et se change en majesté et en force, Voltaire, Ess. poés. épiq. ch. 7.

  • 5En littérature, douceur de pensées et de style, accompagnée d'un certain abandon gracieux. On reconnaît dans Racine [en une scène analogue à celle de Corneille] la même idée, les mêmes nuances que dans Corneille ; mais avec cette douceur, cette mollesse, cette sensibilité, et cet heureux choix des mots qui portent l'attendrissement dans l'âme, Voltaire, Comm. Corn. Rem. Pertharite, II, 5.

    Il se dit de la danse dans le même sens. Le caractère de la musique était exprimé tour à tour par la précision et la mollesse des mouvements, Staël, Corinne, VI, 1.

  • 6 En termes de peinture et de sculpture, la mollesse des chairs, l'imitation vraie de la flexibilité, de la souplesse des chairs.

    La mollesse du pinceau, le défaut de fermeté dans le maniement du pinceau. Cela est d'une négligence, d'une mollesse de pinceau, d'une paresse de tête qui fait pitié, Diderot, Salon de 1767, Œuvr. t. XIV, p. 371, dans POUGENS.

    Il se dit du style dans un sens analogue. Que prétend la faiblesse étudiée de ce langage forcé [les paraphrases de l'Écriture sainte], cette violente expression qui met les lecteurs à la torture, pour ne produire que de la mollesse et de l'afféterie ? Guez de Balzac, Socrate chrét. disc. 7.

  • 7 Fig. Manque de vigueur et de fermeté dans le caractère, dans la conduite. Cette indigne mollesse et ces lâches défenses Sont des punitions qu'attirent mes offenses, Corneille, Poly. II, 6. N'avez-vous point de honte avec votre mollesse ? Et se peut-il qu'un homme ait assez de faiblesse Pour laisser à sa femme un pouvoir absolu ? Molière, Femmes sav. II, 9. Il ne faut point manquer à de telles grâces [l'action de Dieu sur l'âme], ni les recevoir avec mollesse, Bossuet, Anne de Gonz. Si son âme vaincue avait quelque mollesse, Mon devoir et ma foi soutiendraient sa faiblesse, Voltaire, Orphel. IV, 4. Ce fut surtout de cette mollesse de conscience que me guérit mon nouvel état, Marmontel, Mém. X.

    Il se dit aussi au pluriel, en ce sens. Heureux pourtant et favorisé jusqu'à la fin, puisqu'il lui fut donné [à Bernis] par ses derniers sacrifices, de pouvoir racheter et expier en quelque sorte les mollesses de ses débuts, Sainte-Beuve, Causeries, 11 avr. 1853.

    Excès d'indulgence. Est-ce que vous voulez qu'un père ait la mollesse De ne savoir pas faire obéir la jeunesse ? Molière, Éc. des f. V, 7. Nous ne lui saurons jamais gré de sa complaisance… nous aimerons toujours mieux après tout sa dureté même que sa mollesse, Bourdaloue, Carême, I, Jugem. dern. 248.

  • 8Délicatesse d'une vie efféminée, mœurs efféminées. Des plaisirs criminels les damnables mollesses, Corneille, Imit. I, 1. Comme il ne perdit pas ses jeunes années dans la mollesse et la volupté, il n'a pas été contraint de passer les dernières dans l'oisiveté et dans la faiblesse, Fléchier, Turenne. …Deux imprudentes princesses Qui passaient tous les jours dans de vaines mollesses, Perrault, Contes, l'Adroite princesse. Un roi déjà vaincu par sa propre mollesse, Racine, Alex. II, 2. Il s'endort, il s'éveille au son des instruments, Son cœur nage dans la mollesse, Racine, Esth. II, 9. Les grands qui vivent dans la mollesse, Fénelon, Tél. XII. Ce faste, ces mollesses, ces soupçons, ces cruautés, ces colères, ces emportements furieux contre tes amis, Fénelon, Dial. des morts, I, 24. Philippe, déjà vieux, raffine sur la propreté et sur la mollesse, La Bruyère, XI. L'expérience confirme que la mollesse ou l'indulgence pour soi et la dureté pour les autres n'est qu'un seul et même vice, La Bruyère, IV. La délicatesse et la mollesse étaient portées si loin [à Sybaris], qu'on écartait sévèrement de la ville tous les ouvriers qui faisaient trop de bruit en travaillant, Rollin, Hist. anc. Œuvr. t. III, p. 476, dans POUGENS. Il fut élevé comme la plupart des Parisiens, avec trop de mollesse, D'Olivet, Hist. Acad. t. II, p. 175, dans POUGENS. Elle n'a point trouvé la pompe et la mollesse Dont la cour des Tarquins enivra sa jeunesse, Voltaire, Brutus, I, 2. …La mollesse est douce et sa suite est cruelle, Voltaire, Zaïre, I, 2. …Qui, passant du carnage aux bras de la mollesse…, Voltaire, Triumv. V, 2. Ces moments dangereux perdus dans la mollesse, Voltaire, Henr. X.

    Sorte de déité que crée la poésie. L'air qui gémit du cri de l'horrible déesse [la Discorde], Va jusque dans Cîteaux réveiller la Mollesse ; C'est là qu'en un dortoir elle fait son séjour ; Les plaisirs nonchalants folâtrent à l'entour : L'un pétrit dans un coin l'embonpoint des chanoines ; L'autre broie en riant le vermillon des moines, Boileau, Lutr. II.

HISTORIQUE

XIIe s. Par roide destrenzon [effort] laveir tot ce que de molece naist en la pense [pensée], Job, p. 449.

XIIIe s. Quant Salhedin vit et pierchut sa moleche et sa nicheté, si li manda par plusieurs fois bataille, Chr. de Rains, 5.

XVIe s. La mollice de la soye, Rabelais, Garg. I, 13. L'on sent une mollesse et inondation à l'endroit de la dite contusion, Paré, VIII, 5.

ÉTYMOLOGIE

Prov. molleza, moleza ; port. molleza ; ital. mollezza ; du lat. mollitia, de mollis, mou.

SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIRE

MOLLESSE. Ajoutez : - REM. Mollesses au pluriel, dans le sens de vie efféminée, n'est cité que de Perrault. Il y en a un excellent exemple de Corneille : Des plaisirs criminels les damnables mollesses, Imit. I, 54.