« nef », définition dans le dictionnaire Littré

nef

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

nef

(nèf) s. f.
  • 1Synonyme poétique de navire. Il devait mieux remplir nos vœux et notre attente, Faire voir sur ses nefs la victoire flottante, Corneille, Pomp. I, 1. [Gens] À qui la demeure des villes Plaisait plus que celle des nefs, Scarron, Virg. VI. Peut-être ces débris promenés par les flots Sont-ils ceux de la nef qui portait ce héros ! Ducis, Oscar, I, 2. La nef tourne, s'abîme et disparaît aux yeux, Delille, Énéide, I. Sa nef avait franchi les colonnes d'Alcide, Delille, Trois règnes, VI. Dès qu'on signale une nef vagabonde, Serait-ce lui [Napoléon] ? disent les potentats ? Béranger, Cinq mai. Quand sur le flot sombre et grossi Je risquai ma nef insensée, Moi je cherchais un monde aussi, Hugo, Feuilles d'automne, IX.
  • 2Moulin à nef, moulin à eau construit sur un bateau.

    Nef ou bateau de Condé, sorte de bateau naviguant sur les rivières du Nord et assez semblable aux alléges de la Seine.

  • 3La partie d'une église qui est depuis le portail jusqu'au chœur et entre les deux rangées de piliers qui soutiennent la voûte ; ainsi dite par assimilation de forme avec un navire. Ils passent de la nef la vaste solitude, Boileau, Lutr. III.

    Nef centrale, la nef, par opposition aux collatéraux.

    Nefs latérales, les bas côtés d'une église.

    Aujourd'hui, on ne donne plus le nom de nef qu'à la nef centrale, et pour les nefs latérales on dit les bas côtés, les collatéraux.

  • 4Petite machine en forme de navire où l'on enfermait le couvert du roi, et qui se servait sur un bout de la table. Il y eut un grand couvert chez Madame la Dauphine, où Monsieur le Dauphin dîna ; Villacerf, son premier maître d'hôtel, la servit avec le bâton ; la nef était sur la table du prêt [le dîner servi tout prêt], Dangeau, Journal, t. XIII, p. 452. François Ier fut très offensé par les billets qu'ils [les protestants] firent couler dans la nef dont on le servait à table, Varillas, dans BAYLE, Dict. Melanchthon, note N.
  • 5Dans la vie privée du moyen âge, on appelait nef un vase allongé et de vaste capacité, qu'on plaçait sur la table en face du seigneur. Cette nef contenait tout ce que la cuisine ne fournissait pas ; j'entends les épices, les vins, les vases à boire, les cuillers. De Laborde, Émaux, p. 403.

HISTORIQUE

XIe s. Jo jettai voz choses de la nef par poür [peur] de mort, Lois de Guill. 38.

XIIe s. Si com fait nes que vens guie, Couci, III.

XIIIe s. Nous ferons, dist li dus, vaissiaus pour passer quatre mille et cinq cens chevaux, et nes pour passer quatre mille cinq cens chevaliers, Villehardouin, XIV. Nous apelons nef qui cort par mer ou par flueve ou par estanc, jà soit ce que ele soit petite, Dig. f° 165.

XIVe s. En la maniere que l'en fait en medecine et en l'art de gouverner une naif, Oresme, Eth. 36. La grant nef d'or, à deux angres [anges] sur les deux bouts, à iij escuçons esmailliez de France, dont les deux sont à iij fleurs de lys et les autres semez de fleurs de lys à vi lyons d'or qui la soustiennent, De Laborde, Émaux, p. 404.

XVe s. Ceux qui dient la messe et l'escripture De l'evangile, Si sont dehors et les gens de la ville ; Et en la nef sont les dames sans guile, Qui respondent de haulte voix habile à ceulx de hors, Christine de Pisan, Dit de Poissy. À Jehan Tarenne, changeur, pour avoir fait faire et forgier une grant nef d'argent doré, asise sur VI tigres, et est laditte nef esmaillée tout autour à oiseaux enlevez des armes de France, et aux deux bouts d'icelle nef sur deux terrasses a deux paons qui font la roue, esmaillées de leur couleur, De Laborde, Émaux, p. 404.

XVIe s. L'artillerie au champ sembloit tonnerre, Les grosses naux de Pregent respondoyent, Marot, J. V, 29. Chascun se retira en sa nauf, et, en bonne heure, feirent voille on vent grec levant, Rabelais, Pant. IV, 1. Comme une nave attachée au rivage, Venu le vent, rompt tout chable et cordage, Amyot, De la vertu morale, 13. Qui entre en nef n'a pas vent à gré, Leroux de Lincy, Prov. t. II, p. 142.

ÉTYMOLOGIE

Wallon, nâve, bateau ; provenç. nau ; esp. nave ; port. nao ; ital. nave ; du lat. navem ; grec, ναῦς ; sansc. nāu ; la racine est snu, couler, qui a fait νέω, nager : nāu, ναῦς, navis, signifie donc la nageante.