« outrage », définition dans le dictionnaire Littré
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outrage
- 1Ce qui outre-passe les bornes en fait d'offense, d'injure.
J'admire l'humilité de ceux qui veulent bien les porter [les grands noms] ; il les refuseraient, s'ils avaient l'esprit de faire réflexion à ce que leur coûte l'explication de ces beaux noms, et comme elle tombe tout en outrage sur leurs pauvres petits noms ; à quoi l'on ne penserait pas, s'ils n'avaient point voulu prendre les plumes du paon
, Sévigné, à Coulanges, 19 juin 1695.Je ne sais point en lâche essuyer les outrages D'un faquin orgueilleux qui vous tient à ses gages
, Boileau, Sat. I.Souvent avec prudence un outrage enduré Aux honneurs les plus hauts a servi de degré
, Racine, Esth. III, 1.Je n'aurais pas du moins à cette aveugle rage Rendu meurtre pour meurtre, outrage pour outrage ?
Racine, Ath. II, 7.Dans tous les temps, ce que les peuples d'Asie ont appelé punition, les peuples d'Europe l'ont appelé outrage
, Montesquieu, Esp. XVII, 5.Celui qui dans les censures mettra les outrages violents, l'ignorance, la mauvaise foi, l'erreur et l'imposture à la place des raisons
, Voltaire, Suppl. au siècle de Louis XIV, 2e part.Les outrages affectent tous les hommes, mais beaucoup plus ceux qui les méritent et qui n'ont point d'asile en eux-mêmes pour s'y dérober
, Rousseau, 1er dialogue.Faire outrage, offenser.
Quoi ! n'es-tu généreux que pour me faire outrage ?
Corneille, Cid, V, 1.Fig. Faire outrage à la raison, à la morale, faire ou dire quelque chose qui y soit fort contraire.
On dit de même : faire outrage à la grammaire, au bon sens, au droit, dire ou écrire quelque chose grossièrement contraire à la grammaire, au bon sens, au droit.
Un tel discours tenu à un sujet eût été odieux ; tenu à un ministre étranger, c'était un insolent outrage au droit des nations
, Voltaire, Louis XIV, 21.Le dernier outrage, se dit quelquefois pour exprimer l'infidélité qu'une femme fait à son mari.
Je veux croire que c'est là tout votre crime, et que vous ne m'avez point fait le dernier outrage
, Lesage, Diable boit. ch. 13, p. 243, dans POUGENS.Le dernier outrage signifie aussi l'attentat à la pudeur.
- 2 Fig. et dans le style élevé. Dommage apporté par les choses inanimées, que l'on compare à une offense.
Esprits du dernier ordre… Croyez-vous que vos dents impriment leurs outrages Sur tant de beaux ouvrages ?
La Fontaine, Fabl. V, 16.Tout ce que peuvent donner de plus glorieux la naissance et la grandeur accumulé sur une tête, qui ensuite est exposée à tous les outrages de la fortune
, Bossuet, Reine d'Anglet.Et le mont la [une habitation] défend des outrages du nord
, Boileau, Ép. VI.Souffrez que de vos pleurs je répare l'outrage
, Racine, Bérén. IV, 2.Mes ans se sont accrus ; mes honneurs sont détruits ; Et mon front dépouillé d'un si noble avantage Du temps qui l'a flétri laisse voir tout l'outrage
, Racine, Mithr. III, 5.Cet éclat emprunté Dont elle eut soin de peindre et d'orner son visage Pour réparer des ans l'irréparable outrage
, Racine, Ath. II, 5.Là tous les champs voisins peuplés de myrtes verts N'ont jamais ressenti l'outrage des hivers
, Voltaire, Henr. IX. - 3 En termes de jurisprudence, outrage à la religion, à la morale publique, offense commise par la voie de la presse contre la religion, la morale publique.
On ne l'accusait pas seulement [Courier], dans le principe, d'outrage à la morale publique ; d'autres textes avaient été essayés… l'outrage à la morale publique est resté seul, parce que le sens de ces termes, fixé, à la vérité, aux yeux des jurisconsultes, offre pourtant, aux personnes qui n'ont pas étudié la législation, une sorte de latitude et d'arbitraire dont l'accusation peut profiter
, Berville, dans P. L. COUR. Procès.
HISTORIQUE
XIe s. Respunt Rolans : ne dites tel ultrage
, Ch. de Rol. LXXXV.
XIIe s. Et Gilemers l'Escot dit outrage et folie
, Sax. X. Mais de Charle leur pese, qu'il lor demande outrage [chose excessive]
, ib. XXVI. De grant outrage faire nuls hom ne monteplie
, ib. XXXII.
XIIIe s. Mout i avoit de ceus del conseil l'empereour… qui tindrent à mout grant outrage le mandement que cil de Constantinoble avoient fait
, Villehardouin, CXXVIII. Ciertes, dist freres Garins, vous demandés outrage et cose qui avenir ne puet
, Chr. de Rains, p. 143. Et cis outrages [excès] doit estre restrains par le juge à la requeste des autres hoirs
, Beaumanoir, XIV, 15. Je aime miex que l'outrage de grans despens que je faiz soit fait en aumosnes pour l'amour de Dieu, que en boban [luxe] ne en vainne gloire de ce monde
, Joinville, 298.
XVe s. Si vous diray comme les Flamens furent desconfits, et tout par leur outrage [orgueil]
, Froissart, I, I, 49. L'endemain, sitost qu'il s'en fut parti, il [le roi de France] regarda derriere lui, et vit que l'abbaye estoit toute enflammée : de ce fut-il moult courroucé, et s'arresta sur les champs, et dit que ceux qui avoient fait cet outrage, outre sa defense, le comparroient [payeraient] chierement
, Froissart, I, I, 274.
XVIe s. Elle est belle voirement, mais il n'y a rien d'outrage [d'extraordinaire]
, Cotgrave †
ÉTYMOLOGIE
Bourguig. otraige ; provenç. oltratge ; catal. ultratge ; espagn. ultraje ; ital. oltraggio ; d'une forme non latine ultraticum, de ultra, outre (voy. OUTRE 2). Palsgrave écrit oultraige et prononce outraige, p. 63.