« outrer », définition dans le dictionnaire Littré
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outrer
- 1Porter les choses au-delà de la mesure.
On se divertit à voir outrer cette mode jusqu'à la folie
, Sévigné, 29.Vous avez outré les beaux sentiments
, Sévigné, 215.Ne croyez jamais rien de bon de ceux qui outrent la vertu
, Bossuet, Var. XI, 60.Les autres consistoires ont eu beau, aussi bien que lui, outrer la matière, jusqu'à dire que la peinture et la sculpture étaient des arts défendus de Dieu
, Bossuet, ib. XI, § 1.Des excès de Luther qui outrait la grâce, qui l'eût cru ? on a passé aux excès des semi-pélagiens qui l'affaiblissent
, Bossuet, ib. XV, § 122.Il était à propos d'outrer un peu les personnages pour les empêcher de se reconnaître
, Racine, Plaid. Préf.Ils outrent toutes choses, les bonnes et les mauvaises
, La Bruyère, XI.Elle voulut mal à propos outrer la vengeance
, Hamilton, Gramm. 11.J'avoue que j'ai extrêmement outré le caractère de jolie femme ; mais vous avez outré aussi celui de grand homme
, Fontenelle, Dial. des morts, Alexandre et Phryné.Elle [la secte des stoïciens] n'outrait que les choses dans lesquelles il y a de la grandeur
, Montesquieu, Espr. XXIV, 10.…Mais on outre les choses, C'est donner à des riens les plus horribles causes
, Gresset, le Méch. IV, 4.Il ne faut rien outrer, quand on veut être sage
, Destouches, Phil. marié, I, 4.Rien n'est plus aisé que d'outrer la nature ; rien n'est plus difficile que de l'imiter
, Voltaire, Dict. phil. Anciens et modernes.Il est difficile aux hommes de ne pas outrer ce qui est bien
, Vauvenargues, Des saillies.Un maître impatient de faire fortune outre presque toujours la mesure de leurs travaux [des nègres]
, Raynal, Hist. phil. XI, 22.Absolument. Il ne faut jamais outrer.
- 2Exagérer.
On aura sans doute outré les rapports qu'on vous aura faits ; les termes que vous soulignez sont incroyables
, Voltaire, Lett. Maupertuis, 9 août 1740.Sans avoir les bonnes qualités de son père [le régent], elle [la duchesse de Berry] en outrait tous les vices
, Duclos, Œuvr. t. V, p. 203. - 3Surcharger de travail. Outrer des domestiques.
Outrer un cheval, le pousser au delà de ses forces.
Alexandre ayant changé de cheval, après en avoir outré plusieurs en cette journée
, Vaugelas, Q. C. 279. - 4Offenser grièvement, pousser à bout.
Parce qu'il outrera de plus en plus la reine, et qu'il outrera, de plus, ceux qui l'approchent
, Retz, Mém. II, liv. III, p. 451, dans POUGENS.Ce manque de parole m'a outrée contre lui
, Sévigné, 20 juill. 1686. - 5S'outrer, v. réfl. Se fatiguer à l'excès.
L'impossibilité disparaît à son âme [de l'homme] ; Combien fait-il de vœux, combien fait-il de pas, S'outrant pour acquérir des biens et de la gloire !
La Fontaine, Fabl. VIII, 25.Parlons de votre santé… ménagez votre poitrine ; ne vous outrez pas sur l'écriture [ne vous fatiguez pas à écrire]
, Sévigné, déc. 1688.
HISTORIQUE
XIIIe s. Il ont le premier baile [clôture] outré [passé], Clos de fossez et de palis
, Lai de l'ombre. Et Dant Primaut si fu tant gros, Qu'il ne pot le pertuis outrer
, Ren. 4407. Renart ne fet pas grant sejor, Ainz saut sor la creste del for : Là se quati, li chien l'outrerent, Le flair perdirent, sel passerent
, ib. 8117. S'ensi flerent [frappent] li autre, nostre gent est outrée [perdue], Et Antioche prise, et la terre gastée
, Ch. d'Ant. IV, 807. Puisque son champion aureit esté outré en champ, et que le champion en sereit perdu…
, Ass. de J. I, 249.
XIVe s. Pour tant qu'au samedi se veulent reposer Pour le jour du sabbat, alerent ordener Qu'au dimenche devoient ceste besongne oultrer
, Guesclin. 9504.
XVIe s. L'artillerie adonques s'est montrée, Mais une piece est rompue et oultrée, Dont il advint trop merveilleux dommaige
, Marot, J. V, 92. Picqué et oultré jusques au vif d'une offense
, Montaigne, II, 115. Adonc Solon se prit incontinent à frapper sa teste, et à faire et dire tout ce qu'ont accoustumé ceulx qui sont oultrez de douleur
, Amyot, Solon, 9. Il prit son espée à deux mains, et, en dressant la poincte contre son estomac, se laissa tomber dessus de son hault, sans faire autre demonstration de douleur, sinon qu'il jetta un soupir, à quoy ceux de dehors recogneurent bien qu'il s'estoit oultré
, Amyot, Othon, 24. Outré de lassitude
, D'Aubigné, Vie, XVI. Outré de depit et de colere
, D'Aubigné, ib. XLVI. Les jeunes gens outrent ordinairement les louanges ou les blasmes qu'ils donnent
, D'Aubigné, ib. XLVIII. Et les quatre furent si oultrez [battus], qu'il les fallut mener le lendemain en une charrette avec le mort au supplice
, Carloix, VI, 36. …Plus un roy debonnaire Luy veut lascher la bride [au peuple] et moins il est outré, Plus luy-mesmes la serre et sert de son bon gré
, Ronsard, 662. Imitateur d'Achille, alors que l'ire outrée L'enflammoit en sa nef contre le fils d'Atrée
, Ronsard, 664.
ÉTYMOLOGIE
Provenç. ultrar ; ital. oltrare ; du lat. ultra, outre (voy. OUTRE 2).