« pâlir », définition dans le dictionnaire Littré

pâlir

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

pâlir

(pâ-lir) v. n.
  • 1Devenir pâle. Vous poussez des soupirs, vos visages pâlissent, Corneille, Hor. II, 6. Mais gardez de pâlir et de vous étonner à l'aspect du chemin qui vous y doit mener, Corneille, Théod. II, 4. Je le vis, je rougis, je pâlis à sa vue, Racine, Phèd. I, 3. Il [un nouvelliste] dit que la cavalerie allemande est invincible : il pâlit au seul nom des cuirassiers de l'empereur, La Bruyère, X. Quand il [Socrate] but sans pâlir la coupe de la mort, Voltaire, Loi naturelle, II. On rougit dans la honte, la colère, l'orgueil, la joie ; on pâlit dans la crainte, l'effroi et la tristesse, Buffon, Hist. nat. hom. Œuv. t. IV, p. 299. Je crains bien moins ceux qui rougissent que ceux qui pâlissent, disait César ; celui qui aura rougi de colère sera véhément dans sa narration ; celui qui aura pâli d'horreur, sera terrible dans ses peintures, Marmontel, Élém. litt. Œuv. t. VIII, p. 362, dans POUGENS.

    Pâlir de, devenir pâle à cause de. Qui… Nous fait rougir de honte et pâlir de colère, Anne de Rohan, Sonnet (en tête des Tragiques de d'Aubigné) Vous eussiez vu leurs yeux s'enflammer de fureur, Et, dans un même instant, par un effet contraire, Leur front pâlir d'horreur et rougir de colère, Corneille, Cinna, I, 3. L'auteur pâlissant de courroux, Boileau, Sat. III. J'ai pâli du dessein qui vous a fait sortir, Racine, Phèd. IV, 6. Le plus affreux péril n'a rien dont je pâlisse, Racine, Iphig. V, 5. Que nos tyrans communs en pâlissent d'effroi, Racine, Mithr. III, 1. Parfois le laboureur, sur son sillon courbé, … rouvrant des tombeaux pleins de débris humains, Pâlit de la grandeur des ossements romains, Hugo, Rayons et ombres, 8.

    Fig. Pâlir sur des livres, étudier sans relâche. Or va, romps-toi la tête ; et de jour et de nuit Pâlis dessus un livre, à l'appétit d'un bruit Qui nous honore après que nous sommes sous terre, Régnier, Sat. IV. Après cela, docteur, va pâlir sur la Bible, Boileau, Sat. VIII. Personne dans le monde ne veut pâlir sur des calculs, Marmontel, Mém. XI.

  • 2Faire pâlir, inspirer de la crainte. Je vis ce visage que la crainte de la mort ne fit point pâlir, Fléchier, duc de Mont. [La satire], bravant l'orgueil et l'injustice, Va jusque sous le dais faire pâlir le vice, Boileau, Sat. IX. Pour étonner les coupables et faire pâlir les parjures, Montesquieu, Esp. XXVIII, 18. Quand un brigand, vengeur de ce brigand farouche [Marat], Crut te [Charlotte Corday] faire pâlir aux menaces de mort, Chénier, Ode IX.
  • 3Il se dit de la lumière qui devient plus faible. Les étoiles pâlissaient à l'approche du jour. Et la moitié du ciel pâlissait, et la brise Défaillait dans la voile…, Lamartine, Harm. II, 2.

    Fig. Son étoile pâlit, se dit de celui dont la prospérité diminue. Tout le monde croit que l'étoile de Quanto [Mme de Montespan] pâlit ; il y a des larmes, des chagrins naturels, des gaietés affectées, des bouderies ; enfin, ma chère tout finit, Sévigné, 310.

  • 4 Fig. Paraître décoloré, faible, sans valeur, à côté de quelqu'un ou de quelque chose de brillant. L'or et le diamant, l'art, la nature même, Ce qu'enferme la terre et l'humide séjour Pâlit près d'un rayon du grand astre du jour, Delille, Parad. perdu, III.

    Faire pâlir, éclipser, mettre dans l'ombre. Le Cid fit pâlir tout ce qui avait précédé.

  • 5 V. a. Rendre pâle. La fièvre l'a pâli.

    Par extension, faire paraître pâle. Ses yeux étaient baissés, et le reflet de la lune, en pâlissant son visage, rendait sa physionomie plus intéressante, Genlis, Vœux téméraires, t. III, p. 184, dans POUGENS. La douce lumière qui éclairait son visage pâlissait son teint sans affaiblir l'éclat de ses yeux, Staël, Corinne, X, 4.

HISTORIQUE

XIIIe s. Fille, com ceste amour vous a palie et teinte ! Audefroi le Bastard, Romancero, p. 16. Se vous jamès parlés à li, Vous en aurés le vis [le visage] pali, Voires certes plus noir que more, la Rose, 8578. De l'angoisse de faim estoit chascuns palis, Ch. d'Ant. IV, 557.

XIVe s. Ceulx qui ont verconde rougissent, et ceulx qui ont paour de mort pallissent, Oresme, Eth. 135.

XVIe s. Il disoit qu'il aimoit mieulx les jeunes hommes qui rougissoient, qu'il ne faisoit ceux qui palissoient, Amyot, Cat. 17. Cet aspect lui fist paslir la conscience et ternir le teint, D'Aubigné, Hist. I, 259. Là de ton teint tu pallissois les fleurs, Là les ruisseaux s'augmentoient de tes pleurs, Ronsard, 20.

ÉTYMOLOGIE

Lat. pāllere ; Berry, pâlizir ; provenç. es-palezir.